Voilà ce qui s'appelle avoir une chance de cocu ! Sam Simoneaux ainsi que les autres combattants Américains, arrivent en France pour participer à la Première Guerre Mondiale le… 11 novembre 1918.
À peine descendu de leur rafiot, c'est des scènes de liesse partout : la guerre est finie. On pourrait penser qu'ils vont se tourner les pouces, mais non, faut déminer les champs remplis de grenades, bombes, obus… Sans se faire exploser sois-même !
Dès le début, en quelques pages (40), l'auteur, de sa plume sans concession, nous démontre toute l'absurdité, toute la bestialité, toute la cruauté et l'inhumanité d'une guerre. Nos soldats, tout dépités lorsqu'ils étaient arrivés de ne pas pouvoir participer à cette Grande Boucherie, comprennent ce à quoi ils ont échappés. Voir les corps déchiquetés et la terre éventrée vont les secouer et les traumatiser.
Ensuite ? Retour à la casa América pour nos hommes et Sam Simoneaux se retrouve à la Nouvelle-Orléans comme responsable d'étage aux grands magasins Krine.
N'allez pas croire qu'on se la coule douce, dans les romans de
Tim Gautreaux. Nous sommes dans le Sud de l'Amérique, et c'est toujours un Sud poisseux et inhospitalier que nous allons évoluer. Un Sud aux mentalités raciales que vous connaissez bien. La tolérance, c'est toujours un gros mot.
Ici, on boit de l'alcool de contrebande, sorte de tord-boyaux qui donnera un peu de courage aux gens ou qui les fera oublier dans quelle misère noire ils vivent. Certes, tous ne vivent pas dans la misère, mais les contrastes sont assez prononcés entre les deux populations : les très riches et les pauvres.
Qualifier ce roman de policier ne serait pas faux, nous avons notre Sam qui va se muer en enquêteur de fortune afin de retrouver la petite fille kidnappée, presque sous ses yeux, au magasin.
Mais ceci n'est qu'une partie visible de l'Histoire avec un grand I. C'est aussi de l'Aventure que l'on vous propose, une Quête, parce que retrouver la gamine est une sorte d'exorcisme, une expiation d'une faute ancienne. Ce roman mélange habillement tout ces genres pour nous donner un plat de résistance dont on se pourlèche les babines.
Sorte de voyage initiatique sur un bateau à aubes remontant le Mississippi sur des airs de jazz et de bagarres, l'auteur nous ballade à travers le Sud sans que l'on voit le temps passer, nous présentant une (faible) partie de ses plus mauvais gens. Et les pires ne sont pas toujours chez les pauvres ! Mais certains valent la peine qu'on ne les croise jamais de notre vie.
J'ai joué de la musique pour des culs-bénis, des soulards ou des péquenauds, j'ai dansé au son de la musique Noire, j'ai essuyé des crachats, lavé le pont souillé de vomi, l'ai fait briquer, j'ai enquêté, j'ai terminé mes journées épuisée et vous savez quoi ? J'en redemande.
La plume de l'auteur fait toujours mouche, ses personnages sont toujours aussi fouillés, attachants ou donnant des envies de meurtre (une certaine bonne femme, surtout), sans nous gaver, il nous brosse le portrait d'une Amérique dans les années 20 avec détails, mais pas de trop. À nous d'aller voir ce qu'est un train des orphelins.
La trame n'est pas cousue de fil blanc parce que j'ai eu des surprises. Franchement, je pensais qu'on allait plier l'affaire en deux coups de cuillère à pot et bien non !
Un portrait sombre du Sud, des personnages taillés à la serpe, hantés par des deuils non accomplis, des idées de vengeance, des douleurs muettes et des envies de revenir en arrière pour tout changer.
Il y a une humanité énorme dans le personnage de Sam et sa force de caractère lors de certains passages ont forcé mon admiration. Oui, il y a encore des traces d'humanité. le roman en est rempli.
Lien :
https://thecanniballecteur.w..