En outre, ma mère servait la soupe du midi à une demi-douzaine d'écoliers de la campagne. Après cela, ces garçons et ces filles sortaient de leur musette le couteau, le pain et le lard et finissaient ainsi leur repas. Je me souviens plus particulièrement de F. et B. B., d'une famille de pauvres paysans. Un de mes frères et moi les prenions comme objet de moquerie pour leur gaucherie niaise et quelque morve au nez. Nous ne savions pas encore que nous étions déjà plus pauvres qu'eux et moins assurés de manger demain à notre faim.
On a trop souvent dit que la Bretagne est un pays essentiellement agricole, c'est-à-dire attardé et plus pauvre que ceux entrés de bonne heure dans l'ère industrielle. Cependant, à la veille de la Révolution, la région de l'ouest du Mené vivait dans une prospérité relative, due à deux activités artisanales qui s'y exerçaient depuis plus de deux siècles : la fabrication des toiles fines et l'extraction et le travail du fer.