Ce beau pays, de date fort ancienne ne manquait pas d'éléments propres à recruter mainte entreprise de colonisation. Dès les onzième et douzième siècles, au témoignage de M. Boissonnade, ses habitants de toutes les classes défilent sur les routes de pèlerinages à destination de l'Espagne, afin de prêter main forte aux chrétiens d'au delà des Pyrénées, à la fois dans les oeuvres de guerre et dans celles de paix. Au seizième siècle, le même fait se répète, et Bodin constate que « le plus grand bien de l'Espagne lui vient des colonies françaises composées de gens de tous métiers. »
En 1606, les marchands coalisés obtenaient de la cour de France, la révocation du privilège de traite conféré naguère à de Monts et Poutrincourt, et dépouillaient ainsi la colonie canadienne de son seul moyen d'existence. Toutefois, leur victoire n'était pas complète. Car, tandis que Poutrincourt s'obstinait témérairement à mettre en valeur sa concession de Port-Royal, et y épuisait rapidement ses réserves, de Monts, jugeait préférable de se tourner vers le bassin du Saint-Laurent, et réussissait à s'y faire attribuer le monopole de la traite des pelleteries pour une année à partir du 7 janvier 1608.
Il est curieux de voir comme ces chefs de file de la colonisation en pays neuf, montrent de méfiance pour l'isolement de la vie campagnarde. En effet, c'est à la ville « près du fort », qu'ils se proposent sans doute de vivre d'ordinaire, et ce qui les y attire surtout, c'est la facilité qu'ils y trouvent de s'y faire un logement avec un jardinage où ils puissent se retirer avec leur famille. Préoccupation fort légitime sans doute, mais qui n'annonce pas la rude hardiesse du chef d'équipe ouvrant la voie à ses compatriotes dans l'occupation et la conquête d'un pays neuf. Heureusement que par la force des choses, ces dispositions devaient se modifier du tout au tout.
Les indigènes de Stadaconé et ceux d'Hochelaga, soit le Québec et le Montréal de nos jours, bien que divisés d'intérêts et de type social, se montrèrent également disposés à accueillir les visiteurs d'outre Atlantique et à conclure alliance avec eux. Accompagné de quelques gentilhommes et de vingt-huit mariniers, Cartier remonta le Saint-Laurent jusqu'à un saut impétueux qui lui coupa le chemin. La bourgade d'Hochelaga avec ses palissades, ses huttes et ses champs de maïs, excita vivement la curiosité de ces Européens.
Les voyages répétés du navigateur malouin, Jacques Cartier, dans les parages hantés de banquises et d'ours polaires, nous ont assuré, - et par surcroît à la France, - le droit d'occuper et de mettre en valeur les terres du continent nouveau. Droit de prime importance à une époque où les jeunes monarchies de l'Europe occidentale réclamaient dans le nouveau monde leur « part du patrimoine d'Adam », que l'Espagne dans sa force leur refusait.