Le Livre des Nuits/
Sylvie Germain
Ce magnifique roman a tout de la légende avec ses aspects fantastiques issus des croyances campagnardes et des superstitions paysannes, mettant en scène des êtres simples broyés par le destin et l'histoire. L'action débute dans la seconde partie du XIX é siècle puis se poursuit durant la Première Guerre mondiale puis la Seconde.
L'histoire débute sur les calmes bords de l'Escaut à bord d'une péniche, aux confins de la terre et de l'eau. Une famille de bateliers, les Peniel, mène une vie fruste et tranquille
. La doyenne, c'est Vitalie, une femme rêveuse encline à la mélancolie, douce et silencieuse, la mère de Théodore-Faustin, puis la grand-mère de Honoré-Firmin et Hermine-Victoire.
Rapidement veuf de Noémie, Théodore-Faustin choisit pour seconde femme sa propre fille Hermine-Victoire, laquelle est suffisamment fière pour s'écrier tout haut :
« Je suis devenue la femme de mon père ! »
de leur union nait Victor-Flandrin qui donc était le frère de sa mère et fils de sa soeur !!
Victor-Flandrin est le personnage principal de cette saga. Après une vie d'errance dans les campagnes et les forêts après avoir quitté la péniche suite à la guerre de 1870, il acquiert la ferme des Terres Noires dans la Meuse. Il aime la terre.
Il se retrouve quatre fois veuf après avoir eu quinze enfants dont bon nombre de bessons, et la mère de 3 de ses enfants reste une inconnue. Rêve et réalité cohabitent souvent chez un même personnage ce qui induit des situations assez rocambolesques comme l ‘arrivée de trois enfants à la ferme, progéniture de Victor Flandrin peut-être lors d'un viol ou de plusieurs - il ne sait plus - mais dont la mère reste une réalité floue…
Et puis il y aura l'épisode de la guerre des tranchées, les loups, la passion, les destins brisés et la violence qui font de ce roman un livre impressionnant et passionnant.
De plus le style de
Sylvie Germain est remarquable, teinté de poésie, de lyrisme et d'une grande sensibilité. le choix des mots et particulièrement soigné et judicieux pour évoquer l'atmosphère sombre, tragique et maudite qui règne tout au long du récit.
« La terre leur était éternel horizon, pays toujours glissant au ras de leurs regards, toujours fuyant au ras du ciel, toujours frôlant leurs coeurs sans jamais s'en saisir. La terre était mouvance de champs ouverts à l'infini, de forêts, de marais et de plaines rouis dans les laitances des brumes et des pluies… »
Vu le nombre impressionnant de personnages apparaissant dans ce roman dont la vie s'étend sur environ cinq générations, il est prudent de prendre note de la généalogie au fur et à mesure de leur entrée en scène.
En résumé, un livre bouleversant et émouvant, dans lequel malgré les tragédies qui frappe l'homme, l'espoir n'est pas un vain mot.