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3,36

sur 29 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Traduit de l'anglais par Stéphane ROQUES

Vous le savez, je suis une inconditionnelle des chroniques de Gérard COLLARD et récemment, il a présenté un livre tout jaune, le 1er roman de Jonathan GIBBS. En arrivant au rayon Nouveautés de ma Bibliothèque préférée, je l'ai tout de suite repéré !!!

Le narrateur, Vincent, n'a pas revu Justine depuis 2 ans. C'était la femme de Randall, cet artiste peintre britannique, décédé il y a 7 ans déjà. Elle lui a demandé de venir à New York, elle avait quelque chose à lui montrer. Une fois passé le temps des retrouvailles, elle lui présente quelques dessins pornographiques dont Randall est l'auteur. Il ne s'agit là que d'esquisses. le lendemain, elle l'emmène découvrir les toiles. La peinture à l'huile n'était pas sa technique et pourtant... d'habitude il ne signait pas ses oeuvres, mais là elles le sont... autant d'interrogations qui vont permettre de dérouler le fil de toute une époque, celle des "Young British Artists" tout juste sortis du Goldsmiths College de Londres au début des années 1990.

Le narrateur a côtoyé de très près Randall, il l'a aidé à rencontrer des acheteurs potentiels pour accéder à la notoriété. Il oeuvre aujourd'hui en sa mémoire :

"Randall fut mon ami - le meilleur ami que j'aie eu dans cette vie, et que j'aurai sans doute jamais - et si son oeuvre et dans une certaine mesure sa vie doivent continuer de trouver un écho auprès du public après sa mort, alors je veux m'assurer que l'homme que j'ai connu fait partie du souvenir que nous gardons de lui." P. 53

Une des très grandes richesses de ce roman repose dans l'approche d'une oeuvre contemporaine et de ses exigences :

"Ne pas interroger le tableau, mais attendre qu'il se révèle. Lui donner le temps de démentir sa première impression, de balbutier et brouiller son récit. le fixer du regard jusqu'à ce que le tableau cède." P. 234

J'ai beaucoup aimé le passage sur le lien qu'entretient l'artiste avec son oeuvre jusqu'au moment où...

"[...] il n'existe pas d'oeuvre d'art en tant qu'entité autonome, en tant que Ding an sich. Tant qu'elle est dans l'atelier, elle fait encore partie de l'artiste. Quand elle est dans une galerie, c'est une marchandise, un chaudron bouillonnant de valeurs hypothétiques et pourtant indifférenciées, comme le chat dans la couveuse. Quand elle est accrochée au mur chez quelqu'un, ou dans un musée, elle devient une pièce de la collection, et tire plus ou moins son identité de cette collection. Nulle part elle n'existe par elle-même." P. 280

Vous trouverez dans ce très beau roman tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l'art contemporain sans jamais oser le demander.

Mais un artiste est aussi un être vivant, ordinaire, il a une vie sentimentale, familiale, il évolue dans un environnement... Avec ce roman, Jonathal GIBBS dresse le portrait d'une jeunesse londonienne des années 90, sombrant dans l'alcool, la consommation d'ecstasy... Il profite de cette opportunité pour aborder le sujet de l'amitié et les liens à la vie à la mort qu'elle peut induire.

Ce roman prend enfin la dimension d'un thriller psychologique avec ces oeuvres cachées, inconnues de tous, des petites bombes tant dans le domaine artistique que pour chacun des individus qui s'y reconnaîtrait dans des positions ô combien provocantes. La veuve et l'ami de toujours porteront-ils au grand jour ces oeuvres d'une qualité incommensurable ? Et si une autre personne connaissait également en partie ce secret ?

Malgré qu'il s'agisse d'un roman relevant de l'exofiction, ce mouvement littéraire particulièrement en vogue aujourd'hui, je me suis laissée portée par le destin hors norme des différents personnages. Finalement, qu'ils aient réellement existé ou non m'importe peu, n'est-ce pas là le signe d'un très bon roman ?
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Si vous aimez l'art contemporain ou que vous avez envie de découvrir ce monde, si vous étiez jeunes dans les années 90, si Londres, ou New-York vous font rêver , alors ce livre est pour vous .

Il raconte la formidable ascension d'un groupe de jeunes artistes plasticiens dans le Londres des années 90.
Vincent est courtier en bourse et rencontre au cours d'une soirée une petite bande talentueuse dont très vite deux talents vont émerger plus vite et plus fort que les autres . Il s'agit de Kévin et Randall . Fasciné , Vincent va les introduire dans son milieu . Ils ont la fantaisie, eux ont l'argent.
Très vite Randall va s'imposer (par le culot et la provoc'), comme un créatif brillant . Et Vincent va devenir son meilleur ami, son conseiller financier, son miroir aussi parfois, quand il recueille ses "citations "appelées ses "Randallismes" ...
Randall va multiplier les créations géniales et grimper une à une les marches de la célébrité .
Jusqu'au jour où Randall étant mort , son épouse et Vincent découvrent un atelier contenant des toiles inconnues à forte connotation pornographique.
Exécuteurs testamentaires de l'oeuvre, ils sont face à un dilemme : révéler au monde le génial travail pictural de Randall ou détruire ces peintures impliquant l'élite du gotha artistique et financier, (dont eux mêmes...), dans de fâcheuses positions...
Mais comme personne n'a posé , personne n'est au courant...
Et cela représente aussi beaucoup d'argent... Mais ce n'est pas cela dont il est réellement question, c'est plutôt : a-t-on le droit de cacher une oeuvre magnifique au public si celle-ci peut foutre en l'air votre respectabilité?

Connaissant son sujet sur le bout des doigts , Jonathan Gibbs , journaliste décrit une ascension fulgurante totalement fictive mais largement inspirée de la réalité .
Toutes les petites anecdotes racontées dans ce livre m'ont amusée . Il y avait le bleu Klein , désormais il faudra compter sur le jaune Randall... Il y a l'intervention genre commando Painted ball ,de Randall comme un hommage aux éclaboussures de Pollock . Il y a les boites de conserve contenant de la "merde d'artiste" de Manzoni, dont Randall s'inspirera pour créer sa première oeuvre comme première provocation...
Ce roman raconte de façon critique une époque prête à s'emballer pour tout ce qui la surprend, l'amuse, et la questionne . Un art où le discours tient une place plus importante encore que l'oeuvre .
Les prix ont suivi , des fortunes se sont faites .
J'ajoute que ce roman est truffé de noms célèbres qui assistent (à l'insu de leur plein gré ), à des fêtes et des vernissages afin d 'asseoir la crédibilité de Randall (personnage fictif) , si bien qu'on y croit dur comme fer...
C'est un voyage dans le temps , celui des années 90 , ainsi qu'un voyage dans un certain milieu, plus qu'un livre sur des personnages , car à part Randall, ils passent un peu au second plan , mais c'est normal , c'est lui qui brillait .


Randall : un roman jubilatoire , original et vraiment bien fichu .
Un roman qui m'a donné envie d'aller en octobre à la FIAC découvrir des Randall ...

PS/ Je n'aurais jamais su que ce roman existait sans les belles critiques nombreuses de mes amies babélio , je les remercie...
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Ce plongeon dans l'univers des "Young British Artists" a été pour moi une vraie découverte. Jonathan Gibbs nous offre avec une écriture fouillée et précise une belle opportunité de pénétrer dans le milieu marginal d'une époque très marquée par l'évolution de l'Art britannique.

J'imagine qu'un lecteur plus érudit appréciera davantage toutes les richesses culturelles et artistiques que contient ce livre, car, en ce qui me concerne, il m'a manqué le sésame pour en saisir l'intégralité... je pense être passée à côté de beaucoup de références.
Néophyte dans ce domaine, je me suis laissée guider, un peu à l'aveugle, par Vincent, personnage central de ce roman.
Nonobstant ce manque, j'ai apprécié l'histoire de Randall pour son texte vivant ponctué d'auto-questionnement, ses protagonistes atypiques et déjantés, son histoire d'amour, ses amitiés sincères qui apportent au récit toute l'intensité et l'originalité qui font de ce livre une oeuvre d'art !

Ce que j'ai apprécié également dans ce roman, c'est l'extraordinaire amitié de Vincent pour Randall, sa sagesse à toute épreuve, son bon sens et sa bienveillance pour tous. Il m'a semblé que l'auteur devait être un homme à son image pour l'avoir si bien mis en scène... Il émane de ce livre une impression de gentillesse et de sérénité malgré les extravagances et les incartades de l'artiste.

Merci aux éditions Buchet Chastel et à Babelio pour m'avoir permis de combler un peu mon ignorance, je ne regarderai plus les oeuvres d'art avec le même oeil à présent !
Lien : http://uneautrelecture.blogs..
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C'est un livre que j'ai lu dans le cadre d'une masse critique Babélio.
Le résume de la quatrième de couverture m'a pas mal intriguée. C'est assez éloigné de ce que je lis d'habitude, mais étant musicienne, le sujet de l'art m'a pas mal intéressée, même si je connais très peu ce courant artistique.
C'est une sorte de biographie d'un personnage fictif, dans un courant artistique récent. Je pense que ce roman peut avoir 2 niveaux de lecture.
On peut le lire simplement, pour le plaisir de la lecture, de suivre une histoire, des personnages plus ou moins attachants. le style est vraiment très agréable, surtout pour un premier roman. J'ai beaucoup aimé l'alternance des chapitres. D'un côté, le présent raconté à la 3ème personne, Vincent et Justine face à un choix à faire. de l'autre côté, Vincent racontant ses souvenirs avec Randall à la 1ère personne.
Mais je trouve que ce roman nous amène aussi à réfléchir à "Qu'est-ce que l'art ?". Personnellement, je ne suis même pas sûre d'avoir trouvé une réponse à cette question. Une oeuvre d'art doit-elle être belle ? Doit-elle avoir une valeur pécuniaire ou sentimentale ? Doit-elle avoir une signification quelconque ? Je ne retrouve plus la citation dans le récit, mais à un moment, Randall évoque le fait que l'art, c'est essayer de dire ce que l'on dit depuis toujours, mais en trouvant une nouvelle manière de l'exprimer. Finalement, l'art c'est peut-être seulement de marquer les esprits.
Une bonne lecture que je conseille.

Merci à Babelio et aux éditions Buchet Chastel pour cette découverte.
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Randall, c'est un grand éclat de rire moqueur envoyé à la face du petit monde de l'art contemporain. Mais pas seulement. C'est un premier roman bien troussé, qui joue avec les concepts et multiplie les angles de vue (fausse biographie, vraies références...) histoire d'apporter de la profondeur à son propos. Si comme moi vous restez perplexe devant ce qu'on appelle une "installation", si vous vous demandez encore ce qu'à voulu dire l'artiste avec ce simple point jaune au milieu d'une toile blanche, alors vous allez adorer ce bout de chemin en compagnie de l'artiste conceptuel le plus controversé de tous les temps...

Dans le petit monde de Jonathan Gibbs, Damien Hirst est mort avant d'avoir éclos. Dans les années 1990, un certain Ian Randall Timkins qui réduira son nom d'artiste à Randall a bien l'intention de marquer la scène de l'art contemporain de son empreinte. L'histoire de son ascension qui d'autre que Vincent, son meilleur ami pour la raconter ? Lui le trader, conseiller en gestion de patrimoine, entré par hasard en relation avec ce petit groupe d'artistes qui bientôt enflammeront les collectionneurs du monde entier. Témoin privilégié de cette époque au point de consigner les moindre faits et gestes de Randall dans une série de carnets, Vincent se décide à en faire un livre, quelques années après la mort de l'artiste devenu une référence mondiale. C'est alors que Justine, la veuve de Randall lui dévoile une découverte étonnante : un atelier secret, des centaines de tableaux cachés, peints à l'huile et représentant des scènes pornographiques où apparaissent les principaux protagonistes du milieu de l'art, critiques, mécènes, collectionneurs, artistes et proches de l'artiste. Que faire de cet héritage qui remet en question tout ce que le monde croyait savoir de Randall ? On dirait bien que l'artiste a commis un ultime pied de nez...

Car le propos du livre est clairement interrogatif sur la réalité de l'art conceptuel et la valeur qu'on lui accorde. A travers les bonnes feuilles de la biographie écrite par Vincent, on entre dans le processus créatif de l'artiste au plus près d'un personnage haut en couleurs, à propos duquel on se demande en permanence s'il tient du génie ou du grand foutage de gueule. C'est drôle et terriblement efficace, diablement bien documenté. En bon biographe, Vincent parsème ses pages de ce qu'il appelle des "randallismes", propos du maître soigneusement retranscrits et qui en disent long sur le personnage. Comme celui-ci : "L'art moderne - un art qu'il n'est pas nécessaire d'apprécier pour l'acheter". Mais attention, ce livre n'est pas une farce. Il offre un périmètre de réflexion passionnant sur l'essence même de l'art et ce qui fait un artiste, ou encore ce qu'il reste de lui une fois disparu.

L'héritage caché de Randall permet de cristalliser toutes les questions autour de l'art et de la cote d'un artiste. Lui qui avait déclaré que la peinture était morte, lui qui ne jurait que par les oeuvres monumentales et les installations, lui qui était allé jusqu'à inventer sa propre couleur, le jaune Randall... Lui donc, a passé plusieurs années de sa vie à peindre des tableaux (très) figuratifs, dans le secret d'un atelier dont même sa famille ne connaissait pas l'existence. Ses héritiers vont-ils choisir l'appât du gain au risque de provoquer un immense scandale ? En tout cas, cet héritage apparaît comme la dernière oeuvre de Randall, sa dernière installation en quelque sorte. Et donne envie de relire l'hommage prononcé par une de ses amies à son enterrement :

"Randall faisait naître l'art à même l'air. Il poussait sur son chemin. En sa présence, quand il pleuvait, il pleuvait de l'art. Son art purifiait l'air, il rendait leur parfum aux choses. (...) Qu'on pense à tous les tableaux et à toutes les sculptures de Randall de par le monde, ces milliers d'oeuvres, la place d'honneur qu'elles tiennent dans les galeries, les musées, les maisons. Cela ne signifiait rien pour lui, je le crois vraiment, si elles n'aidaient pas les gens à penser, ne faisaient pas tomber une nouvelle pluie de pensées en eux et autour d'eux."

Mission accomplie donc, et avec brio !

Une jolie découverte grâce à cette masse critique privilégiée via Babelio et Buchet Chastel. Qu'ils en soient tous deux remerciés chaleureusement !
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Fascinant, Randall de Jonathan Gibbs, le livre commence sur une énigme, et s'achève sur une autre énigme que l'auteur laisse en suspens, sur un rire, triste, sec et un peu voilé, p 370 « je viens de comprendre où est le tableau où il l'a mis. FIN » . A nous lecteur d'écrire la suite, j'imagine un concours de Babelio pour présenter la suite de Randall, où plusieurs versions pourraient parfaitement s'entrecroiser...

Troublante la mort de Randall, sa mort évoquée n'est pas décrite, quel testament a t-il laissé ? Pas de lettres et Vincent chargé de la succession est perplexe, son amie devenue la femme de Randall le prie de l'aider, car elle a découvert des oeuvres inconnues dans son atelier .
Rare sont les livres qui disperses les indices au point de laisser au lecteur le choix de la fin, et si le livre débute sur la découverte d'oeuvres majeures mais hautement humiliantes pour les acteurs de cette fiction, la qualité de l'oeuvre de Randall est une autre énigme, la plus délicate à percer, chaque lecteur pour le coup aura sur la peinture contemporaine de Randall des avis sans doute contradictoires.

Passionnant, le Londres des années 1990, de la « Cool Britannia », à l'émergence des « Young British Artists », et l'histoire de Randall inspiré du célèbre Damien Hirst chef de file de ce mouvement si important pour l'histoire de l'art de ces trente dernières années en Angleterre .Il y a un manque ou plus précisément un absent, le discours sur le chef d'oeuvre. L'art conceptuel et l'art contemporain s'accompagne le plus souvent d'un discours ( ex : ceux de Marcel Duchamp...) plus important que l'oeuvre elle même. Ainsi n'a t-on pas vu des toiles illustrant ou inspiré par Nietzsche , Rimbaud, Lacan... Dans ce Londres des années 90 , les Yougs Artists sont dans la lignée de Warhol, Jeff Koons, Duchamp, Arman ou même Anish Kapoor , auteurs qui ont suscité de nombreux écrits.


Incontrôlable  ou illusionniste ? " C'était, successivement, une honte, un fou rire, un trip éculé, une parodie, un acte criminel, sans doute ce qu'il avait fait de meilleur et une lettre de suicide collectif " p219 . Randall est un instinctif, pour Randall , l'art conceptuel renversait tout, "de façon à ce que le geste essentiel intervienne non avant mais après et ne dépende pas de l'artiste mais du spectateur" p 218. Ainsi le papier hygiénique qu'il ramène des WC ne va t-il pas, lui permettre de tirer son portrait, ou plutôt comme dit Warhol son autoportrait. Puis d'autres viendront sur le siège appuyer leur fondement pour en illustrer leur plus sublime faciès, appelés pleins soleils et exposés dans les meilleures galeries, ça vous change un portrait !!! Est il le seul à lancer de tels incongruités ? La mode est à la provocation...J'ai vu une exposition Amish Kapoor au Guggenheim de Bilbaoen 2013. Enfin, vu est un bien grand mot. Qu'y avait-il à "voir", exactement : une salle entière envahie d'étrons en ciment, répliqués jusqu'à l'obsession. Ce type de vulgaire provocation convoquée à prix d'or me semble aussi relever de la farce.

Provocations jubilatoires , pour beaucoup d'entre nous lecteurs elles sont savoureuses et constituent le grand intérêt du livre . La peinture contemporaine c'est du bidon puisqu'une partie de paintball peut engendrer des toiles qui seront achetées à des niveaux de prix farfelus .Pourquoi ne pas se priver de goûter à toutes les idées et les caricatures absurdes lancées par Randall depuis la bouteille de champagne renversée , signée Tète de Barry achetée 1000£ par le 1er mécène du groupe Jan de Vries « il en vaudra 10 000£ dans 2 ans » p 69 . Toutes ces facéties sont ubuesques , le livre en est émaillé , jusqu'au jaune de Randall faisant échos au bleu de Klein, on est sûrement dans de la pure mise en scène marketing lancée pour mieux se faire encore un peu plus de money.

Mais émouvante est la relation qui nait entre Randall et son fils Joshua, on sent que le livre bascule à la naissance de son fils. Sa mère Justine ne se doute pas de la relation que Randall réussira à nouer avec Joshua, ce garçon né dans la douleur et encore handicapé par des séquelles . A la fin du livre Joshua dévoile les vidéos réalisées avec son père sur une des oeuvres de Randall, un tournant décisif et une nouvelle dimension artistique pour Joshua celui qui se veux le porte parole de l'oeuvre de son père.

Énigmatique l'obsession de Randall pour le cercle, la forme parfaite « Chapitre II, le cercle parfait P31 » , celle vénérée par les japonais , représentant le Yin et le Yang dans un cercle magique. Randall tout jeune étudiant des beaux arts est fasciné par le cercle, c'est pour lui un apprentissage indispensable, il s'exerce des jours pour réaliser cette figure, comme un idéogramme de l'art de la calligraphie japonaise ou chinoise. C'est aussi le cercle que Randall admire dans le motif de la danse, suggéré par le tableau de Matisse au MoMA.

Fracassant Joshua à la fin du livre, il montre à Justine sa mère et à Vincent les travaux qu'il a réalisé avec sa vidéo sur les toiles de Randall son père et au bout de sa camera apparaît : « C'est un tableau, immense, ...Une ronde de personnages qui s'enfilent...,Randall, Tom, Jan de vries, gina, Cory Plouffe, Keene, Lisa, Handson et Justine, tous sereinement liés, et tournant en cercle, en une espèce de danse » p357 suggérant le célèbre tableau de matisse, ce n'est pas un hasard si Randall considère ce tableau sublime comme le plus beau tableau jamais peint.


Puissante la démarche de Randall, on le croit fou, il est entier dans la douleur, il est surtout obstiné, son mariage avec Justine est le trait d'union de l'artiste avec le Japon. Justine travaille au Japon elle est défricheuse de tendances : Manga ,Miffy ,Totoro...et les artistes japonais comme Takashi Murakami... C'est là bas qu'il entrevoit un avenir pour sa peinture P320 “c'est un rouleau de Deishu, c'est de la calligraphie japonaise. Un rouleau. C'est un cercle de Randall ... ça s'appelle ENSO ( Chapitre VIII) , ça date du XVIIIème. “.Plein Soleil de Randall sera au final exposé au MoMA et où? Sur le seul emplacement enviable juste EN FACE du tableau de Matisse.

Dire au final où je me situe comme lecteur est impossible, les approches de cet ouvrage de Jonathan Gibbs sont multiples, sa connaissance de l'art contemporain en fait un livre très sérieux, exprimer totalement ma pensée reviendrait à vous dévoiler ma version de l'énigme, je ne suis pas certain d'avoir la bonne, même si j'ai glissé, moi aussi des indices. On dit parfois que l'art contemporain est conceptuel et non figuratif, ce que nous dévoile Jonathan Gibbs est très figuratif, les couveuses de Randall m'ont submergées d'émotions , j'ai senti que nous touchions dans l'évocation des premiers jours de Joshua à de l'ART pur.



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Randall est le récit de l'ascension d'un étudiant en arts plastiques, aux airs de « grand prolo bêta » – fin des années quatre-vingt jusqu'à la première décennie des années 2000 –, de sa mutation spectaculaire en valeur sûre du marché et de sa consécration institutionnelle finale américaine ; en toile de fond, les frustrations et rivalités, au sein du cercle de jeunes talents gravitant dans son orbite mais aussi, au coeur dudit marché, les logiques à l'oeuvre dans un milieu que l'argent fascine. Une suite de portraits sur le vif, au couteau, d'artistes, collectionneurs, investisseurs, marchands. La charge dont l'art conceptuel et ses acteurs sont la cible est cruelle et masque à peine la vérité du contexte auquel ils appartiennent. Randall est en plus l'histoire d'une amitié improbable mais réelle, d'une relation troublante entre l'artiste du même nom, chemise à carreaux et jean, et celui qui devient son conseiller financier, le jeune courtier de la City Vincent, Armani et Church pour ce dernier, ayant aimé la même femme, Justine. Loin d'être un roman « dans l'air du temps »,  Randall avec sa forte connotation « fin de siècle » reflète, au contraire, un temps très particulier de la scène artistique londonienne et mondiale , un moment d'extrême connivence entre art qui se cherche et argent qui s'emballe sur une idée confuse de la valeur. Périlleux sujet.

Jonathan Gibbs le traite avec un talent fou et sur un mode résolument corrosif, histoire de ne pas prendre l'art et les artistes trop au sérieux. Sa bande de randalliens est aisément identifiable aux YBA (Young British Artists). L'auteur se débarrasse allègrement, dès les premières pages, du plus gênant d'entre eux, Damien Hirst. C'est culotté et "heureux", tant sa copie, "Randall", vaut l'original. Liberté de style et de ton, ironie, irrévérence, désinvolture, sous-tendent constamment le propos. Ne pas craindre la verve et la crudité des dialogues qui font partie du package. L'énigme des peintures pornographiques découvertes dans l'atelier secret du peintre, après sa mort, a tout à fait sa place, cela va de soi, art contemporain oblige, et ne minimise en rien la pertinence de la réflexion esthétique générale portée, qui traverse l'épaisseur du roman. Un grand éclat de rire provocateur, à l'anglaise, recouvrant paradoxalement une extrême pudeur des sentiments. L'histoire de l'art revisitée et questionnée, en diable et en raccourcis, à la sauce « randallienne » déjoue toutes les esquives hypocrites des puristes. Amadouer son jury de fin d'études avec la figure du cercle, en référence à Giotto, ou « repenser » l'art de l'auto-portrait, comme s' y autorise Randall, n'est pas après tout à la portée du premier venu.

Mais qui est cet énergumène ? Frais émoulu de Goldsmiths, convivial et fêtard, brillant surtout par sa capacité à « boire et palabrer, danser et se mettre en vrac », ce dénommé Randall, que le seul nom de Picasso hérisse et terrifie... le saurons-nous jamais ? Où est-il ? Dans la lignée de Warhol, Koons, Fluxus, Duchamp et Dada, ou leur banal suiveur ? Improvisateur hors norme ou imposteur de génie capable de transformer un canular maison grossier en projet esthétique international ? Remixeur opportuniste de l'art des autres, est-ce là son talent ? Illusionniste à sa manière, plutôt que celle de Zeuxis ou Parrhasios, et capable en tout cas de séduire et de déstabiliser longtemps après sa mort, ça oui.

L'histoire tresse deux fils narratifs distincts, qui se font écho. L'un sonde le présent et les intentions de l'artiste par la capacité d'une oeuvre à perturber les vivants même à titre posthume, intrigue initiale où apparaissent Vincent, Justine et son fils, personnages clé de la configuration. L'autre interroge le passé et dévoile la personnalité de Randall au travers des conditions d'émergence, de prolifération et de réception de son oeuvre, récit rétrospectif de leur amitié que tente d'écrire Vincent. Effet miroir de l'écriture où les souvenirs de Vincent sont aussi les marqueurs de sa relation avec Randall et de ses propres interrogations artistiques et sentimentales. On peut dire que Randall offre à la fois en vision grand angle, un panorama sur le monde de l'art, un questionnement sur certains errements de la création contemporaine et, une vision en profondeur plus narrative, intimiste et presque picturale, de tous les protagonistes dans un mode de relations des uns aux autres qui n'est pas sans évoquer le motif de la danse, suggéré par le tableau de Matisse au Moma. Subtile alchimie entre le personnage principal et tous ses satellites entraînés par un même mouvement, dans le rythme continu des situations, toutes plus débridées les unes que les autres (dont un crescendo hilarant semble être atteint avec « La grande journée de l'art »).

L'écrivain procède-t-il pour son roman comme un peintre userait d'une perspective un peu savante pour dévoiler au spectateur la symbolique cachée de son tableau ? Révéler tout en interrogeant à l'infini, leitmotiv d'une réflexion construite en abyme. le livre ne s'achève pas, il invite le lecteur, à la fin, à revenir sur ses pas. Une boucle, du cercle de Giotto à "La danse" de Matisse. Inattendu, profond et grave sous l'humour, léger et documenté, déjanté, Randall est un grand moment de divertissement avec juste ce qu'il faut de tendresse, de nostalgie – moments de grâce dans la propriété de Cornouailles à Peploe – et de lucidité, pour tenir une ligne romanesque crédible. Un cocktail détonnant à effets différés non négligeables, mieux qu'une pastille d'ecstasy.




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« L'art conceptuel : un art qu'il n'est pas nécessaire de voir pour le comprendre. »
Une plongée dans un monde hors du commun qui montre l'importance d'un ''Sweet Nothing''. Comme le dit Martin Creed « ne rien communiquer laisse plus d'espace. » Pourquoi parler de Martin Creed ? Parce que cet artiste est cité dans le livre et m'a amenée à me promener dans son univers. L'une de ses premières oeuvres Work No.3 « Yellow Painting » a fait écho alors que je lisais ce roman. Randall, le jaune Randall, la couverture du livre. Il voulait laisser une couleur à son nom, le jaune, comme le soleil qui brille aujourd'hui alors que je termine ce livre en repensant, un sourire sur les lèvres, à sa série des « Pleins soleils ». Creed, une référence anodine ? Peut-être pas. Je ne sais pas. En revanche, Jonathan Gibbs connait très bien le sujet de l'art. Une lecture tout en douceur car je suis inculte, j'ai donc du faire de nombreuses pauses pour voir les oeuvres évoquées dans ce roman, m'immerger dans ce mouvement artistique des Young British Artists. J'ai revu, ou vu pour la première fois, certaines créations sous un autre angle et c'est un joli cadeau que cette lecture faite dans la cadre d'une masse critique. J'en profite tout de suite pour remercier Babelio et les Éditions Buchet Chastel. Ce fut un voyage agréable. J'ai apprécié l'écriture de l'auteur alternant les points de vue : immersion lorsque Vincent raconte une partie de sa vie au côté de l'artiste Randall et en retrait lorsqu'il présente l'univers des protagonistes, sans Randall, décédé. J'ai donc suivi la rencontre en 1989 de Vincent -22 ans, courtier à la City, dépensant sans compter- et de Randall -24 ans, artiste en devenir- de sa sortie de l'école de Goldsmiths à Londres, pendant une dizaine d'années. Randall lui fera découvrir un art, un art de vie aussi : les beuveries dans les pubs certes mais aussi les livres, les musées, pendant des heures et les liens unissant un groupe d'artistes naissants, lui montrant l'éclosion d'une oeuvre, de la création ex nihilo à partir d'une première idée jusqu'à la réalisation d'une exposition et la vente. Lui expliquant aussi le questionnement de l'artiste : à partir de quel moment l'oeuvre existe-t-elle ? Quand elle est créée, exposée, vendue ou seulement à la revente ? Randall remplira des vides dans l'esprit de Vincent, mais ce dernier s'interroge toujours quant à savoir ce qu'il pouvait apporter en retour à Randall. « Peut-être un jour se rendra-t-il compte qu'il a besoin d'un crétin, d'un béotien, pour servir de mesure à son génie. Ou peut-être pas. Peut-être était-ce un génie propre à Randall de devenir l'ami de quelqu'un dans mon genre. » Vincent s'est-il rendu compte de l'importance qu'il avait pour Randall ? Il le saisira à la fin du roman. Pourquoi ? Parce que la vie est un cercle. Vincent amoureux de Justine, l'avait présentée un soir à Randall et quelques mois plus tard Justine était avec Randall. Sans ressentiment, Vincent qui les aimait autant l'un que l'autre, dira « je fus heureux pour nous trois ». Alors Randall décédé, Vincent et Justine se retrouvent, exécuteurs testamentaires pour gérer le patrimoine de Randall et surtout, la découverte de tableaux dont personne ne connaissait l'existence. Se retrouver, tous les deux avec le testament de Randall sous forme de tableaux pornographiques reprenant toutes les personnes qui ont gravité autour de Randall dans des positions ''légèrement'' embarrassantes les amène à se questionner sur eux-mêmes sous l'oeil et les couleurs de Randall... « leur danse fut une expression de cet amour, tout comme cet amour fut une réponse à leur danse ». Qu'ils le veuillent ou non, Randall les a marqués. Randall avait raconté à Vincent l'histoire du cercle parfait de Giotto -il s'est entraîné à l'exercice... plus de quatre mille cercles avant d'y arriver, un cercle parfaitement fini. Alors Randall, pourquoi ce cercle Enso dans la chambre à coucher ? Un cadeau pour Justine et Vincent après votre départ ? J'en reviens à ce Sweet Nothing et une des citations de Creed « I want what I want to say to go without saying ». Pour peindre un Enso, Randall n'a-t-il pas fait le plus beau cadeau qui soit à ses amis ? Une jolie déclaration qui ne dit pas son nom. J'ai été très sensible à ce qu'a réussi à véhiculer Jonathan Gibbs, tout en douceur, délicatesse malgré une quantité foisonnante de connaissances, il ne s'est pas contenté de montrer son savoir, il a montré son art qui va au-delà.
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Merci beaucoup à Babelio et les éditions BUCHET-CHASTEL de m'avoir envoyé ce roman dans le cadre d'une masse critique privilégiée.
Ne connaissant pas grand chose à l'art moderne, c'est avec un immense plaisir que j'ai découvert le personnage de Randall, son univers, ses amis, et notamment son ami Vincent, grâce à qui nous découvrons l'artiste.
J'ai beaucoup aimé les différents personnages, l'univers de ce roman et c'est avec plaisir que je l'ai dévoré.
ça change de mes lectures et j'ai apprécié.
Seul petite chose : le langage parfois très familier, quelques gros mots, mais bon, ça passe quand même :)
Une bonne surprise donc que ce premier roman réussi, je lui mets avec plaisir 4 étoiles et je vous invite à le découvrir à votre tour :)
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L'art moderne conceptuel, digne rejeton du pop-art, connût une mini révolution fin des années 80, avec la création du YBA – Young British Artists -, un collectif d'étudiants beaux-arts de Londres. Damien Hirst en tête, célèbre pour sa vache coupée en deux, les YBA amenèrent une vision nouvelle de l'art, et modifièrent les codes du marché.
Et si Damien Hirst avait été soufflé par un certain Randall, encore plus provocateur, encore plus… British ! Entendre par là un sens inné du théâtrale, du surréalisme, de la mise en scène du mauvais goût poussé au rang d'Art.
C'est le postulat de départ de ce roman, servant de prétexte à un voyage mouvementé dans le milieu de l'art conceptuel et de son juteux business. On croisera des noms connus et reconnus du monde de l'art, et d'autres fictionnels, et tous se mêleront sans heurts, enfin, stylistiquement parlant…
Randall est un jeune étudiant en art qui se cherche. Un soir d'été 1989, à l'exposition de fin de cycle, il rencontre Vincent, jeune courtier de la City aux dents longues qui cherchent à se faire des amis artistes, « pour voir ce que ça fait »…
Ces deux-là s'entendent tout de suite, sentant confusément le potentiel à exploiter l'un chez l'autre.
Ce roman est le récit de leur amitié, plus ou moins intéressée, et de l'ascension de Randall dans ce monde du business de l'art contemporain, un milieu régit, bien qu'il s'en défende, par l'argent, le paraitre et les modes.
Vincent, son ami, son Pygmalion, son entremetteur, nous raconte la vie de ce grand type dont le génie consistait à trouver une idée de concept artistique le plus provocateur possible et à la faire fructifier.
Sa mort prématurée laisse un orphelin et une veuve, Justine, qui fut d'abord la petite amie de Vincent avant de devenir la femme de Randall… Et lui qui ne détestait rien autant que l'art académique, laisse aussi derrière lui une incroyable production de tableaux figuratifs, cadeau empoisonné, car ces peintures représentent les personnalités du monde de l'art dans des positions pour le moins délicates, pour ne pas dire pornographiques, juste un exemple, mon préféré : Jeff Koons « faisant des choses » avec son double…
Je remercie Babelio, Masse critique et les éditions Buchet-Chastel pour ce roman jubilatoire autour de l'art contemporain.
Un très bon moment de lecture, beaucoup de finesse et d'humour dans le style fluide de Jonathan Gibbs, et une très bonne traduction aussi, de Stéphane Roques. Les descriptions d'oeuvres sont également un vrai régal, on se les imagine aisément, et certaines m'ont rappelée des artistes existants tels que Choi Xooang et ses sculptures hybrides étranges, ou encore les hyperréalistes et surréalistes sculptures en silicone et résine de Ron Mueck ou Patricia Piccini. Ils étaient ma référence pour me représenter les sculptures de l'expo imaginaire « Anti-mignon »… de fait, j'ai également appris plein de choses, enrichi ma culture artistique, pour mon plus grand plaisir, car je collectionne les photos d'oeuvres d'art, à défaut de pouvoir me payer une vraie oeuvre. Oui, plus j'y pense, et plus je me dis que ce livre vaut vraiment le détour pour tout amateur d'art. Et pour les autres aussi !
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