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sur 770 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Quelques mots sur Les Nourritures Terrestres ou variations sur le désir.

Si Gide écrira bientôt “La Porte Etroite”, pour l'heure, le lecteur que je suis craignais au début du livre que ce ne soit la porte ouverte, qu'enfonce la plume du jeune André, sur des lieux communs, mais les lieux des Nourritures, publiées en 1897, sont tout sauf communs.
Et si parfois le ton est lyrique, ces exaltations passionnées n'entament pas la fraicheur de l'ouvrage (même d'occasion, avec les pages jaunies par les décades).

Car il y a quelque chose de délibérément neuf. de continuellement inédit.

C'est une ode à la ferveur.

Nous sommes quelque part entre l'essai prophétique, le récit initiatique, le roman d'apprentissage et les aphorismes, c'est une écriture impétueuse et fragmentaire.

L'ouvrage est peu digeste et se lit comme on boit un riche nectar, goutte après goutte. Il nous faut patiemment attendre que la paresseuse sève tombe nonchalamment entre nos lèvres avides.

"Va, crois moi, le plaisir est toujours légitime" écrivait le poète libertin Evariste de Parny. le bouillonnement épicurien et sensuel du jeune Gide est poétique. Il rédige des ellipses, consigne des silences, couche sur le papier la rosée du matin, la rondeur du vin, la caresse des foins, la chaleur du désert et des corps. Il écrit comme nous lisons, avec les yeux.

Ce livre danse sur un fil, d'un côté l'enthousiasme de la ferveur, de l'autre, en sourdine, dans un enchevêtrement aussi nécessaire qu'un yin à son yang, on devine une crainte du désenchantement. Lequel engendre l'autre ?

“Nos actes s'attachent à nous comme sa lueur au phosphore ; ils font notre splendeur, il est vrai, mais ce n'est que notre usure”. le narrateur veut gouter à chaque plaisir, ne s'attarder sur aucun, rester disponible à tout et à tous, “la nécessité de l'option me fut toujours intolérable” campe le narrateur.
Mais cet appétit gargantuesque et cyclique du désir qui renaît sans cesse, qu'il tente de justifier en usant de la philosophie comme « l'abri de sa sensualité », cache une angoisse de la finitude, une course contre la montre, contre la mort. Néanmoins il ne s'agit pas tant d'une consommation effrénée, le narrateur encourage son jeune disciple, Nathanaël (vous, moi, le lecteur) à cultiver l'art de la saveur.

C'est aussi le livre d'une libération, où l'auteur comprend et affirme - contre son éducation - que l'épicurisme n'est pas coupable, après des années difficiles, des moments de doute, de honte, de lutte, ceux où l'on entend vivre “comme il faut”, et où l'on tente d'échapper à soi-même. Ménalque, son narrateur, revient de ses voyages aux confins du monde et de sa sensualité.

Contrairement au « Gitanjali » (« l'offrande lyrique » traduite par Gide lui-même en 1913) du Prix Nobel bengali Rabindranath Tagore, l'offrande de Gide, pour être aussi lyrique, vient d'abord du corps et d'autre part, la libération doit partir de soi et non de la pitié ou de l'adjuvance d'une quelconque divinité.

“Ce qu'un autre aurait aussi bien dit que toi, ne le dis pas – aussi bien écrit que toi, ne l'écris pas. Ne t'attache en toi qu'à ce que tu sens qui n'est nulle part ailleurs qu'en toi-même, et crée de toi, impatiemment ou patiemment, ah ! le plus irremplaçable des êtres.”

S'il lui manque l'humour loufoque des Caves du Vatican, ce « road trip » cathartique, hédoniste et jubilatoire, plein d'acuité dans les sensations, dans les amertumes aussi, plein d'une curiosité infatigable qui tend constamment le personnage entre mouvement et contemplation est décidément communicatif et émancipateur.
L'immoraliste” dresse plutôt ici une autre éthique, à rebrousse-poil de ses austères contemporains, et pastichant le prix Nobel de littérature français, je veux te dire cher babeliote : « jette [ma critique] et ne t'y satisfais point. Ne crois pas que ta vérité puisse être trouvée par quelque autre, plus que tout, aie honte de cela” !
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J'ai découvert Gide d'abord par la lecture de Si le Grain ne meurt et de la Symphonie Pastorale, dont les titres aux accents mystiques m'avaient attiré... mais il me semble plus juste de commencer un commentaire par Les Nourritures terrestres, publié en 1897 par un jeune homme de 28 ans fréquentant les milieux symbolistes et inspiré par Oscar Wilde. C'est d'ailleurs la lecture dont je garde le meilleur souvenir... peut-être parce que j'avais peu ou pour l'âge de l'auteur quand je l'ai lu...

L'ensemble de l'oeuvre de Gide, et son évolution, me semble inspirée par sa vie. Pour autant, une connaissance factuelle de son parcours -que j'ignorais lors de ma lecture- n'y aurait sans doute rien apporté : les Nourritures Terrestres, dont la poésie évoque Rimbaud et Verlaine, dont le lyrisme à la Chateaubriand a pu agacer et semble désuet aux contemporains de cette fin fin de XIXème siècle, dont les accents prophétique -"Natahanael, je t'enseignerai la ferveur...- m'on- fait penser à Citadelle ou au Zarathoustra de Nietsche, est avant tout un cri.

Si sa biographie et ses écrits ne semblent pas toujours congruents -ce qui a pu lui être reproché- , c'est que le jeune Gide est un être torturé, contradictoire, en proie à des pulsions contrariées -notamment homosexuelles, mais pas que-. Aussi ses écrits parlent-ils bien mieux de son parcours intérieur, de ses fantasmes d'élévation morale et des ses luttes, que ses actes en eux-mêmes.

Dans ce cri, le jeune homme exalte -mais c'est avant tout une recherche désespérée, qui préfigure de ce point de vue l'humanisme désenchanté de Camus- la beauté de la nature et l'exercice libre des sens. Cette aspiration hédoniste n'a rien à voir avec une dépravation qu'ont pu y lire les bigots contemporains -mis à l'index par le vatican en 1952-. elle puise certaines de ses racines dans la morale platonicienne et dans une mystique chrétienne, dont la Symphonie Pastorale et Si le Grain ne Meurt sonnent comme un aveu plus tardif. D'un point de vue philosophique, Gide me semble convoquer à son chevet d'inquiet maladif -encore une fois, neveu d'âme d'Oscar Wilde- Platon, Pascal et St Thomas d'Aquin, tout en prenant des accents mystiques empruntés aussi à sa connaissance de l'orient.

Et en même temps, successivement communiste, influencé par Nietzche, puis proche de Sartre, sa remise en question permanente ne se posera jamais sur un dogme : raison de plus pour lire ses livres comme le seul véritable témoignage de sa quête personnel, sans accorder trop d'importance au contexte. Lui-même se dira toujours incompris. Les Nourritures terrestres sot aussi un chant "à l'antique'", aux accents bucoliques virgiliens, prônant le fait de goûter le monde terrestre libéré de toutes chaînes, sociales ou égotistes, qui exhorte autant le lecteur que l'auteur lui-même.

Cet hymne à la joie propose comme chemin de vie, comme parcours initiatique -sous forme de carnet de voyage... intérieur- le rejet de l(attachement, la disponibilité au monde sensible et au présent. -La mode actuelle de la plein conscience -si utile notre XXIème siècle si on s'en imprègne vraiement- était déjà connu non seulement en Asie depuis des millénaires mais par des auteurs français "classiques" il y a aussi bien longtemps...

Paradoxe, toujours, chez Gide... l'appel à l'instantané passe par une convocation du souvenir ; et son chant entêtant invite à banqueter comme au satyricon, tout en prévnenat qu'il faut jeter le livre après l'avoir lu, pour garantir sa propre liberté de lecteur, en quelque sorte le déféquer...

Personnellement, je l'ai gardé. Je peux comprendre que les contradictions de Gide, tant dans le style, à la fois ancien et moderne, le ton, parfois précieux, mais tellement sincère, que sur le fond, qui semble proposer une voie de progrès personnel sans toutefois ni l'assumer ni l'affirmer, puissent agacer. Mais j'ai beaucoup aimé, et le recommande, sur tous ces aspects, comme ouvrage majeur, et malheureusement trop peu lu -ou trop peu commenté- de nos jours.
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Envie de relire ce texte. C'est comme j'ai pu le lire, un peu partout, effectivement un hymne à la joie, à l'existence, une invitation à sortir des sentiers battus pour découvrir ce qu'il y a de plus beau dans ce qui nous entoure. C'est également une exhortation à se trouver soi-même, en dehors de tout précepte. Mais, j'y trouve aussi beaucoup de redondances, de formules volontairement alambiquées, de lourdeurs, d'évidences. le texte me semble un peu brouillon. Et une fois de plus, j'ai terminé le livre en diagonale, cherchant de la nouveauté au milieu de toutes ces répétitions. Il faut peut-être le replacer dans son contexte « fin-de-siècle » où beaucoup de choses du monde étaient alors inconnues des jeunes de la classe moyenne émergente, à qui il me semble s'adresser.
Déçu de ne pas avoir retrouvé l'engouement de ma première lecture.
Pas eu le courage de lire "les nouvelles nourritures", en deuxième partie .
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Ce livre est à jamais lié au souvenir de mes années collèges. Quel enthousiasme à sa découverte !
Avec ma cop de classe à l'époque, nous apprenions des passages par coeur et passions des soirées à nous les restituer, rivalisant d'ardeur pour épater l'autre dans l'émotion que nous mettions à les déclamer... Il reste pour moi un jardin précieux que je me garderais bien de fouler.
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Les Nourritures Terrestres / André Gide
« Nathanaël, ne t'attache en toi qu'à ce que tu sens qui n'est nulle part ailleurs qu'en toi - même, et crée de toi, impatiemment ou patiemment, ah ! le plus irremplaçable des êtres. »
Publiées en 1897, les Nourritures Terrestres traduisent sur le mode lyrique la libération, l'évasion et même la délivrance que Gide a connue alors convalescent pendant son premier séjour en Tunisie. Il embrasse alors la vie comme quelque chose qu'il a failli perdre. Ce recueil assez disparate au style poétique qui, à sa publication, heurta alors le goût du jour et ne connut aucun succès, est composé de huit livres où sont subtilement mêlés les versets solennels, des pages de journal, des poèmes et le récit de Ménalque.
« J'écrivais ce livre au moment où, par le mariage, je venais de fixer ma vie ; où j'aliénais volontairement une liberté que mon livre, oeuvre d'art, revendiquait aussitôt d'autant plus. Et j'étais en l'écrivant, il va sans dire, parfaitement sincère; mais sincère également dans le démenti de mon coeur. »
Au premier abord, le personnage de Ménalque ne semble jouer qu'un rôle secondaire dans l'oeuvre gidienne. Toutefois, les circonstances entourant sa création indiquent des liens étroits entre l'auteur et son personnage. de plus, Ménalque est le héraut d'un idéal qui exprime les aspirations profondes de Gide et révèle un tournant capital dans la vie et la pensée de l'écrivain: l'émancipation de certaines inhibitions sexuelles; l'acceptation de l'homosexualité; la manifestation de l'expérience de la catharsis et d'un renouvellement de la conception esthétique. Par les valeurs et l'idéal qu'il incarne, ce héros contraste avec les personnages qui le précèdent et constitue un modèle exemplaire, mais critique, pour les personnages ultérieurs. Tout en manifestant un moment particulier de la conscience de l'écrivain, ce personnage indique l'évolution de l'auteur, l'intérêt croissant envers les rapports entre l'individu et la société, et le rôle d'émancipateur que Gide exerce à travers son oeuvre et dans sa vie.
Gide distribue ainsi entre divers personnages la révélation qu'il destine à Nathanaël, petit pâtre imaginaire.
Cette oeuvre définit assez bien l'attitude gidienne devant la vie :
« Nathanaël, je t'enseignerai la ferveur,..une existence pathétique, plutôt que la tranquillité…Jusqu'où mon désir peut s'étendre, là j'irai…Nathanaël, je ne crois plus au péché…Nathanaël , ne distingue pas Dieu de ton bonheur !... Car , je te le dis en vérité , Nathanaël, chaque désir m'a plus enrichi que la possession toujours fausse de l'objet même de mon désir .
Et plus loin : « Famille je vous hais ! », foyers clos, portes refermées, possession jalouse du bonheur.
Gide présente cette oeuvre comme le livre d'un convalescent qui embrasse la vie comme quelque chose qu'il a failli perdre. Tout connaître et tout goûter devient un devoir. L'unique bien, c'est la vie et chaque nouveauté doit nous trouver tout entiers disponibles. Il faut savoir abandonner le bonheur acquis. Une manière d'apologie du dénuement.
Dans le livre premier, Gide exprime que tout choix est effrayant, quand on y songe, effrayante une liberté que ne guide plus un devoir. S'adressant toujours à Nathanaël, il lui affirme qu'il faut que l'importance soit dans le regard, non dans la chose regardée.
Gide se confiant se veut hérétique entre les hérétiques, toujours attiré par les opinions écartées : « Agir sans juger si l'action est bonne ou mauvaise. Aimer sans s'inquiéter si c'est le bien ou le mal. Nathanaël , je t'enseignerai la ferveur… Ne cherche pas, dans l'avenir, à retrouver jamais le passé. Saisis de chaque instant la nouveauté irressemblable. »
Et plus loin : « Être me devenait énormément voluptueux. J'eusse voulu goûter toutes les formes de la vie; celles des poissons et des plantes. Entre toutes les joies des sens, j'enviais celles du toucher.. »
Dans cette oeuvre de jeunesse kaléidoscopique, véritable hymne panthéiste, Gide, exalté, sensuel et lyrique, célèbre à chaque ligne la vie, la nature, le désir et « invite son lecteur à éduquer sa sensibilité vers une acuité de l'instant, du mouvement, du dénuement. Vers l'amour libéré de ses contraintes morales ou religieuses. Il prône une vie nomade et sans attaches. » Gide veut transmettre un éveil, un élan qui, rende grâce au simple fait de respirer. »
Un récit initiatique aux nourritures assez indigestes, à lire à petite dose pour en apprécier la grande richesse.

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En 1897, André Gide n'a pas trente ans. Alors qu'il vient de se marier, il compose Les Nourritures terrestres, livre solaire aux accents prophétiques célébrant le désir. Dans un grand mouvement de libération face aux valeurs étriquées inculquées par sa famille, Gide affirme dans ce livre de jeunesse, avec une ferveur unique dans son oeuvre, la primauté de la sensation physique sur la connaissance, de la sensualité sur la morale. Son écriture, mêlant aphorismes et envolées lyriques, exhorte un lecteur fictif, Nathanaël, à se rendre disponible à la beauté du monde. Gide se fait ici guide spirituel, développant une éthique hédoniste subtile, qui fait du dénuement et d'un désir raisonné la véritable plénitude : “que toute émotion sache te devenir une ivresse. Si ce que tu manges ne te grise pas, c'est que tu n'avais pas assez faim”.
Quelques centaines d'exemplaires seulement s'écoulent dans les années qui suivent sa publication, mais Les Nourritures terrestres est devenu depuis un classique dans lequel, de génération en génération, d'innombrables lecteurs ont reconnu leur soif d'absolu.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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J'ai lu ce livre car Emmanuel Macron l'avait cité comme son préféré, il est même sur la photo présidentielle avec "Le rouge et le noir" de Sten­dhal et "Mémoires de guerre" de Charles de Gaulle. Je voulais savoir pourquoi il aime tant ce livre (je suis curieux).
C'est une oeuvre sulfureuse qui a fait beaucoup de polémique à l'époque de sa sortie est visiblement a encore fait parlé d'elle grâce au président.
Ce poème en prose fait l'éloge de la dépravation, le plaisir des sens, allant jusqu'à la pédophilie.
Bon André Gide a eu des attirances pour les jeunes garçons. Lisez ce que j'ai copié sur la page d'André Gide sur wikipédia :
"L'historienne Anne-Claude Ambroise-Rendu note dans son livre Histoire de la pédophilie, en parlant de Gide et De Montherlant : « Et c'est bien en tant qu'homosexuels amateurs de jeunes chairs qu'ils seront célébrés ultérieurement par les néopédophiles des années 1970 »20. Les faits n'ayant jamais impliqué des enfants de moins de douze ou treize ans21, Gide n'ayant jamais remis en cause la limite de 13 ans en vigueur à son époque..."
Ce qui ne l'empèchera pas d'être prix Nobel de littérature en 1947.
Car effectivement là pour le coup, le talent subsume la vie personnelle.
J'ai bien aimé il y a de jolie phrases :
"Certes oui ! ténébreuse fut ma jeunesse :
Je m'en repens.
Je ne goûtais pas le sel de la terre
Ni celui de la grande mer salée.
Je croyais que j'étais le sel de la terre
Et j'avais peur de perdre ma saveur."
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Un pamphlet contre le pessimisme, à lire à l'adolescence.
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Livre plein d'enseignements qui ne nous laissent pas indifférents et qui nous donnent envie de partir dans les contrées que décrit André Gide..!
A lire absolument !
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Pas vraiment un essai, pas vraiment non plus un poème, si je devais vraiment trouver une comparaison, ça pourrait être un collage. ou musicalement une suite. Oui, voila, je dirais une suite, ou encore une fugue, avec des thèmes et des motifs qui se croisent, se recroisent.
Et j'ai aimé, en dépit du côté un peu désorganisé. le nouveau roman est passé par là depuis, donc je suppose qu'il est plus facile pour un lecteur contemporain de s'y retrouver, mais qu'à l'époque, à la toute fin du XIX°, ce texte a du en dérouter plus d'un.
Lien : http://purplevelvet.canalblo..
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