Amour ? Passion ? Romance ? Difficile de trouver ne serait-ce qu'une once de romantisme, de sentiment amoureux dans ce terrible roman de
Karine Giebel. Dès les premières pages, le style est percutant, le rythme implacable, et on se retrouve rapidement à ne plus pouvoir lâcher l'histoire destructrice de Laëtitia et de Richard. La construction en double interrogatoire, où les personnages reviennent chacun sur leur version des faits, est brillamment mise en place, auscultant au plus près la psychologie des protagonistes, leurs doutes, leurs sentiments contradictoires, leurs motivations, leur désespoir.
Oui,
Ce que tu as fait de moi a tout du grand roman noir, tout du thriller psychologique virtuose susceptible de hanter nos nuits et transformer nos jours.
Alors pourquoi ce sentiment de malaise tout au long de cette lecture ? Pourquoi cette impression d'abord désagréable, puis dégoûtante, révoltante, purement repoussante, d'assister à un vrai cauchemar ? Sous prétexte de passion dévorante, de coup de foudre instantané, d'amour indestructible, et pour asseoir sa supériorité masculine aux yeux de tous, pour affirmer sa réputation de chef de meute, Richard fait vivre un véritable enfer à Laëtitia : viols, drogues, menaces de mort, violences physiques et verbales, harcèlement moral, surveillance morbide, entrées à son domicile par effraction, filatures quotidiennes, humiliations à répétition, destruction de sa vie privée... Ces actes, non diabolisés par l'auteure alors qu'ils ne cessent de choquer le lecteur, passent pour les gestes désespérés d'un amoureux transi, d'un homme démuni et perdu face à cette passion qui le ronge, et non ceux d'un homme profondément dérangé, irrascible et dangereux. Pire, Laëtitia, jamais vraiment consentante mais jamais totalement victime non plus, finit par céder à son bourreau, jusque dans un final totalement ahurissant de complaisance dans l'horreur et la soumission.
Impossible alors de totalement adhérer au talent indéniable de
Karine Giebel, tant le roman avance toujours sur un fil, et tant les personnages ne semblent jamais remis à leurs véritables places : celle de l'agresseur et celle de la victime.
Je ne garderai pas un bon souvenir de cette lecture, trop ambigüe à mon goût, banalisant beaucoup trop la question des violences faites aux femmes (pourtant plus que jamais d'actualité) sous couvert de sentiment amoureux, mais je lirai très certainement d'autres livres de
Karine Giebel, car son talent d'écriture est sans aucun doute d'une puissance ravageuse, capable de faire trembler de peur et d'émotion tout à la fois.