Jorge raccroche et attrape un roman dans son sac. C'est en cellule qu'il a pris le goût de la lecture. Avant la prison, il lisait les livres nécessaires, ceux qu'on lui imposait. Mais derrière les barreaux, il a découvert comment voyager à travers le monde et la nature humaine sans bouger de son lit.
Il se souvient aussi qu’un jour il a demandé à Sacha pourquoi tous ces types venaient au bar juste en face. Pourquoi ils passaient leur journée à boire. L’ébéniste lui a répondu que l’alcool peut aider à oublier ses problèmes ou ses peurs. Mais que que ça ne dure pas très longtemps.
Tant pis. Même une minute de répit serait un cadeau du ciel.
Si seulement tu pouvais te fondre dans le paysage, passer inaperçu.
C’est ce que tu aimerais, parfois. Disparaître, partir ailleurs. Loin d’ici, loin des autres.
Marcher sur les rives de la rivière Affric, le long du lac Beinn a ‘Mheadhoin, à l’ombre des pins calédoniens. Puis, enfin, avoir le loch Affric à ses pieds. Lever la tête vers Carn Eige et Mam Sodhail, géants coiffés de neige qui veillent jalousement sur leur fabuleuse vallée. Se poser près d’un torrent dont l’eau tumultueuse rappelle la couleur ambrée du whisky écossais et dont le lit est jonché de pépites d’or.
-Et moi ? dit-elle. Tu tiens à moi ?
- Tu le sais très bien.
- J’ai pas bien entendu, dit-elle en lui mordillant l’oreille.
- Le premier qui touche à un de tes cheveux, je lui explose la tronche… Quitte à me prendre perpétuité. Ça te va comme preuve d’amour ?
- T’es con ! dit Lola dans un éclat de rire. Mais tu peux aussi dire je t’aime. C’est plus simple…
Le monde sans toi, c'est tout ce qu'il reste de nous.
Vaut mieux avoir de faux parents qui t'aiment plutôt que de vrais qui t'aiment pas.
Les yeux clos, Jorge se laisse bercer par le bruit de l'eau. Il aimerait tant se détendre. Se détendre vraiment. Ne pas se réveiller toutes les nuits avec l'impression qu'il est cerné par la meute des chasseurs. Ne pas entendre hurler son frère pendant son sommeil. Ne pas avoir à craindre les lendemains. Ne pas se demander si l'instant qu'il vit est son dernier moment de liberté.
p.678
Comment lui dire qu'il ne supportait plus les questions sans réponse ? Que son cerveau était sur le point d'exploser, qu'il fallait que ça sorte, d'une manière ou d'une autre. Expulser la douleur qui cognait dans sa poitrine et dans sa tête. Lui donner une couleur, une forme, une odeur.
[...] ici, en taule, tu dors comme un bébé... Tu te réveilles toutes les deux heures pour pleurer !