Au coeur du printemps de l'année 1960, Antoine apprend deux événements qui vont changer son destin. D'une part que Lila sa jeune femme est enceinte et de l'autre qu'il est appelé pour l'Algérie. C'est un jeune couple qui s'aime, mais Lila ne veut pas porter un enfant seule dans l'attente du retour d'Antoine et dans la crainte de ne pas le voir revenir. Quant à Antoine, il ne souhaite pas porter les armes et demande à être infirmier pensant se protéger de la guerre au sein de l'hôpital. Et puis, il y a Oscar le jeune soldat blessé avec qui Antoine va lier une relation particulière.
En trois chapitres, chacun portant le nom d'un des protagonistes, l'auteur dessine un pan de l'histoire à travers le destin de jeunes soldats qui n'avaient pas choisi d'en faire partie.
Ce qui me touche dans l' écriture de cet auteur, c'est son sens du détail et la façon dont elle donne à voir l'état, l'intériorité d'un personnage par des gestes simples et quotidiens.
Après avoir fermé ce livre il me reste des images précises, des Polaroïds d'instants de vie comme Antoine et Martin le cuisto fumant leur dernière cigarette de la journée dans l'arrière cour et traçant des dessins dans la terre ocre pour remplir ces moments de flottement.
Elle met en lumière, avec une grande simplicité, des sentiments troubles et confus qui ponctuent régulièrement l'existence, comme le sentiment de malaise lors de retrouvailles où les corps maladroits trahissent la confusion des esprits.
C'est une grande portraitiste des états d'âmes. Ainsi, par un détail comme le regard qui fixe les pales du ventilateur pour se soustraire au regard du médecin, elle nous renvoie immédiatement à une gêne que nous avons tous connue. Ou encore lorsque « Antoine se désole, comme si il était responsable du fiasco...Comme si le mauvais temps faisait de lui un garçon ennuyeux»
Brigitte Giraud est née à Sidi-Bel Abbès, là où se situe l'hôpital militaire d'Antoine et l'on sent l'amour qu'elle a pour cette ville, ces lumières dorées, ces orangers, et l'ombre des palmiers qui se projettent sur les murs. Ce qui est incroyable au vu de son sujet c'est que ce livre est solaire.
Et en fermant ce livre, je n'ai eu qu'une envie: partir là-bas.
C'est un grand livre sur cette guerre qui ne sera jamais nommée, qu'il ne fallait pas nommer, et sur ceux qui l'ont traversée sans en avoir le choix, sur la découverte d'un pays si beau qu'ils ne voudront plus le quitter et sur le cauchemar des combats qui s'y sont livrés.