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Pouchkine, mentor de Gogol, lui révèle un commerce légal et pourtant parfaitement répréhensible : dans les terres marécageuses du Sud de la Russie, terres nouvellement colonisées, que l'on peut acheter pour rien, il suffit de peupler par des âmes mortes, celles de serfs décédés entre deux recensements, et pour lesquels l'ancien propriétaire doit payer jusqu'au prochain recensement une « capitation » à l'Etat. Peupler des terres arides avec ces âmes donne lieu à des prêts. Tout à gagner, rien à perdre.

Voilà Gogol s'emparant de cette anecdote sans doute connue par beaucoup, mettant en scène le fameux acheteur et amplifiant son propos par une description en règle de la corruption, de l'indigence intellectuelle, de la médisance, de l'envie, de la méchanceté des habitants d'une petite ville de Russie.
Lui même paraît dépassé par ce tableau sombre et totalement drôle, comme si il avait franchi des limites et que son « poème » comme il dit pourrait paraitre antipatriotique. D'ailleurs, ces scrupules arrivent bien tard, parce qu'il n'a pas cessé de lancer des piques du style « il était Russe et de plus en colère » ; ou : « il ne travaille pas à la moscovite, à la va-comme-je-te-pousse. » « le peuple russe a des mots à l' emporte-pièce » « En Russie, quand un homme du peuple se gratte la nuque, ce geste signifie tant de choses ! », et de comparer la culture des villes dans lesquels il vit quand il écrit son livre, Vevey, Paris, Rome, avec la Russie.

Les Russes, buveurs, profiteurs, filous, et surtout, surtout, les serfs,- disent les petits propriétaires, gouverneurs, directeurs divers, tous les nantis,- bien entendu les serfs, « franches canailles, comme d'usage » note en catimini Gogol, sont simplement montrés dans leurs réactions devant l'acheteur d'âmes mortes. Ce n'est pas du tout un problème moral pour eux, juste ils se demandent ce qu'ils vont y gagner. Et se pose bien entendu la situation de ces serfs achetés et du danger qu'ils représentent. « Pour extirper chez cette canaille l'esprit de rébellion, on proposa alors différentes mesures, les unes assez anodines, les autres par trop sévères ».
Non, répond l'acheteur, ces paysans sont de nature pacifique,( pour sûr) pas de souci à se faire : « la perspective du voyage les enchantait ; aucune rébellion n'éclaterait parmi eux.»

Heureux sont les écrivains qui s'adonnent à la peinture des âmes nobles, soupire Gogol.. Sauf que cette chance ne lui a pas été donnée, et là, l'ironie devient dramatique ; « à travers un rire apparent et des larmes insoupçonnées »il est de ceux qui ose remuer la vase des bassesses où s'enlise notre vie, et très certainement, il ne connaitra pas la gloire, la reconnaissance, les applaudissements populaires. (voir citation)

Recours littéraire qui renforce l'ironie : non seulement Gogol aimerait mieux écrire sur des âmes nobles que sur des âmes mortes (image des avares, joueurs, ou même simplement mangeant/dormant, donc à moitié morts), mais il prend à témoin le lecteur, il lui demande s'il doit oui ou non décrire tel objet, ou entrer dans le détail des caractères des dames : puis il répond, non, ce serait par trop indiscret…. Cependant il le fait, d'une manière détournée.
Il fuit à l'étranger, et il essaie d'écrire, sans grand succès, une deuxième partie plus favorable, où les qualités des humains priment sur leurs travers.

Il sait ce qui l'attend, les critiques des soi disant patriotes qui amassent des capitaux, se font servir en rognant sur la nourriture et les chaussures de leurs serviteurs, font leur pelote aux frais d'autrui, mais vont s'offenser devant cette vérité amère, « accourent comme des araignées qui voient une mouche prise dans la toile, et s'exclament tout d'un coup : « Est il bon de le faire savoir, que diront les étrangers ? »
Cette image des mouches revient souvent dans cette première partie des « Ames mortes », quand l'anti héros voit les habits des danseurs dans le bal du gouverneur, les mouches qui le réveillent en lui rentrant dans les oreilles, les yeux et le nez, et la mouche écrasée par dépit lorsque son plan ne réussit pas.
Pour nous, lecteurs occidentaux, pour qui le servage est une affaire ancienne, nous goutons le brûlot de cette description et de l'apparent repentir de Gogol. Il ne raille jamais, ne caricature pas, n’est jamais blessant ou sarcastique, il décrit, tout simplement , innocemment, les bas côtés de certains humains. Et nous rions pour ne pas pleurer, car c'est vraiment très très drôle.
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Bonsoir,

Première lecture pour moi d'un récit de Nicolas Gogol avec "Les âmes mortes", dont le sujet vient de Pouchkine, qui narre l'histoire de Pavel Ivanovitch Tchitchikov. Ce dernier, dont on ne sait pas grand chose au début du roman, accompagné de son cocher Sélifane et de son valet Pétrouchka, débarque dans un chef lieu de canton et se présente à tous les notables du village: le gouverneur, le procureur, le chef de la police, le président du tribunal, etc
Bien vite, il part à la recherche de propriétaires fonciers prêts à lui céder leurs "âmes mortes". Des "âmes mortes" ? Oui, on appelle par ce terme les serfs mâles décédés depuis le dernier recensement et pour lesquels le propriétaire doit encore s'acquitter de l'impôt, la capitation, jusqu'au prochain.

Bien évidemment, généreux, Tchitchikov rend un service à la communauté puisqu'il débarrassera ainsi ses amis de cette charge fiscale inutile, qu'il se fait fort de payer dans sa grande mansuétude.

Mais dans quel but ? Que se cache-t-il derriere tout cela ? C'est ce que l'on nous propose de découvrir en suivant les pérégrinations de notre (anti)héros au travers de la campagne, et au gré de ses rencontres et de ses négociations farfelues pour récolter le plus "d'âmes mortes" possible.

Plongés dans la campagne russe, nous découvrons des personnages hauts en couleurs, à l'honnêteté et la morale plus que douteuses.

Ainsi, Gogol se voit comme l'écrivain rarement encensé dont le rôle est "de remuer l'horrible vase des bassesses", et de "plonger dans l'abîme des natures froides , mesquines, vulgaires"

Ce paragraphe rappelle un peu la démarche naturaliste de Zola et les mots de Huysmans dans un de ses articles dans lesquels il défendait encore ce mouvement.

Mais le ton n'est pas le même que chez le natif d'Aix en Provence.

A la croisée du réalisme et de l'absurde, bourré d'ironie et de cynisme (ah cette négociation avec Sobakévitch!), ce roman me montre une autre facette de la littérature russe et me donne envie de poursuivre la lecture de Gogol et de ses nouvelles. Un Quarto les regroupe toutes je crois.

A noter également que cette édition est composé de deux parties.
La seconde d'entre elles (150 pages) est composée de fragments qui auraient dû constituer une suite aux "âmes mortes" et que l'auteur n'a pas pu achever, allant même jusqu'à brûler son manuscrit la nuit de sa mort.
Il souhaitait, à l'image de "La divine comédie", faire des "âmes mortes" une trilogie.
Cette deuxième partie, non seulement partielle mais également en dessous de la première est, à mon sens, parfaitement dispensable...

Bonne lecture à tous!
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Dans ce grand classique, Gogol nous dépeint avec brio les moeurs russes et ce qui pourrait être rébarbatif au départ, devient totalement absurde. Reste la corruption qui semblait bien ancrée. Mais est-ce différent de nos jours ?

Une belle lecture, qui m'a enthousiasmée au-delà de mes espérances.
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Remarquable fresque de la russie du 19ème siècle, au travers de la vie mouvementée de son héros
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Un chef d'oeuvre absolu de la littérature mondiale: Ce livre délicieux se lit et se relit avec le meme plaisir une plongee dans le monde russe du 19e siecle: quelle temoignage sublime ! Quelle fougue ! Un superbe roman à devorer !
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L'âme russe dans toute sa chaleur et ses excès. Langage soutenu au service d'un humour grinçant parfois jouissif. Une référence du genre.
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Les héros, au sens traditionnel du terme, fournissent une matière intéressante pour les romans. Mais les anti-héros tout autant.

Regardez ce Tchitchikov : c'est un homme qui veut s'enrichir. Jusque-là, rien de bien répréhensible. Par contre les moyens qu'il emploie pour le devenir le sont bien davantage.

Notre homme s'est mis en tête d'acheter des âmes mortes.

Ce sont les serfs morts entre deux recensements et pour lesquels les propriétaires terriens paient un impôt.

Certains sont donc ravis d'échapper à un impôt grâce à cette vente si improbable. D'autres, quant à eux, s'offusquent et s'interrogent : n'y aurait-il pas anguille sous roche ?

Les pérégrinations de notre personnage nous entraînent sur une satire de la société russe et de ses travers.

Corruption, stupidité, cupidité s'entremêlent dans la première partie. On pouffe devant la galerie hautes en couleurs de personnages. Les généraux comme les valets ne sont pas ménagés.

Quel dommage que Gogol n'ait pas fini cette oeuvre.

En effet, la deuxième partie du récit est constituée de fragments de textes – publiés après la mort de l'auteur – grâce auxquels l'on peut voir les pistes qui étaient les siennes pour la suite du roman.

Une célébration de l'âme russe simple, se contentant de peu, d'un travail honnête de la terre, loin des perturbations et tentations des grandes villes et des moeurs européennes.

Une idée plus morale de son récit, où le châtiment frappe l'escroc.

Pour être honnête, la première partie est beaucoup plus jubilatoire mais la seconde partie apparaît plus nuancée dans les peintures proposées.

Une lecture agréable et divertissante que ces aventures de Tchitchikov et de ses âmes mortes.
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Une comédie sympathique, pleine de rebondissements, de situations cocasses et inattendues. On suit les pérégrinations de Tchitchikov à travers la Russie, cet escroc sympathique qui n'est pas bien méchant et qui mène son affaire tant bien que mal. Son escroquerie : il achète des « âmes mortes », ces serfs décédés mais qui sont encore sur le registre du dernier recensement pour se constituer un « faux » mais légal patrimoine de serfs ; son intérêt ? Il pourrait ainsi acquérir des terres d'une certaine région de Russie qu'on concède aux propriétaires de nombreux serfs pour les peupler.

On sent que Gogol entend aussi par ce roman-comédie dressé une satire de ses contemporains. C'est peut-être d'ailleurs la vraie raison d'exister de cette oeuvre ; l'aspect comique n'en étant que la couche superficielle, qui sait. Il critique d'ailleurs plutôt les propriétaires et riches Russes et rend sympathique les « petites gens ».
Cette deuxième lecture de l'oeuvre est encore plus apparente quand l'escroquerie de Tchitchikov est révélée. La bonne et douce société russe se fissure, chacun fait le ménage autour de lui, la méfiance devient la norme, la médiocrité se fait jour… On rit toujours, mais jaune…
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Un monument de la littérature russe du XIXe siècle qui nous berce entre l'obscurité et l'absurde. La quête de Tchitchikov - personnage grotesque - est de s'approprier des âmes. On pourrait croire à un recenseur ou à un employeur mais il n'en est rien. Cet escroc original souhaite acquérir des âmes mortes comme d'autres collectionnent des objets pour ensuite en tirer le meilleur prix.
Un roman annoncé comme un poème où l'escroquerie et la vilenie sont poussées à leur paroxysme.
Une oeuvre extraordinairement dérangeante et un auteur incontournable.
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Les Âmes Mortes ou les tribulations d'un arnaqueur de passage.

Tiens, encore une oeuvre de Gogol où le personnage principal (Tchichikov) est en transit.
Faut-il y voir une allusion sérieuse à une période de la vie du petit Nicolas Gogol où il avait la bougeotte ?
Mais si, rappelez-vous cette période où il n'arrêtait pas de passer d'une ville à une autre sans s'y établir vraiment de peur d'être pris par le vertige de la page blanche…

Bref, venons-en aux Âmes Mortes. Il y a de ces romans qui, en les refermant, nous laissent un sentiment doux-amer. Ce fut le cas pour moi avec celui-ci.

La première partie du roman où l'on suit Tchichikov arnaquer les notables d'une ville de province en Russie est jouissive.
Pourquoi ce diable de Tchichikov veut-il acheter des « âmes mortes » (autrement dit des serfs qui n'ont pas encore été déclarés comme morts à l'administration) ?
On y retrouve l'humour cher à Gogol, où chaque personnage est peint avec férocité, doublé d'une critique du soi-disant « beau monde » de l'époque des Tsars.

La deuxième partie, elle, n'est qu'un brouillon que l'auteur aura recommencé plusieurs fois sans en être satisfait.
C'est linéaire, classique, gentil, rédempteur, … bref circulez il n'y a plus rien à voir.
Cela ne m'étonne pas que Gogol ait bouté le feu à cette suite car même au bout de son mysticisme délirant Nico avait encore le Nez fin pour faire la part des choses entre ce qui est de qualité de ce qui ne l'est pas.
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