J'aime quand les auteurs osent aller vers le sale ou le non-conventionnel. Et là, on est servis, au moins en ce qui concerne le tueur en série (qui tue des femmes enceintes pour brûler leur foetus), et j'ai beaucoup aimé.
Il faut dire que
Kaïken avait commencé sous les meilleurs auspices : une bavure. Drôle de façon de présenter et d'installer ses personnages, mais Grangé a bien géré la chose, de façon originale, claire et précise, peut-être pour passer plus rapidement au reste. Et le reste, c'est cette intrigue qui jongle entre enquête (et tout ce que ça sous-entend : des flics, des cadavres, des suspects…) et vie de famille. Parce qu'en plus d'être flic, Olivier Passant, le protagoniste, est également marié – à une Japonaise – et père de deux enfants. Et puis accessoirement, le couple est au bord du divorce, plus rien ne va. Pourquoi préciser que la femme en question est japonaise ? parce que le Japon, sa culture, ses us et coutumes prennent une place conséquente dans ce roman et donnent à ce thriller un petit truc en plus. Mais évidemment, la famille n'est pas là pour rien : bientôt, les deux pans vont s'entremêler et donner une dimension plus personnelle à l'enquête d'Olivier.
Que les plus frileux soient rassurés, les faits de L'accoucheur (le tueur) ne sont pas ce qui prime dans ce thriller : pas de passages glauques, insupportables ou trop sanglants, ce pan de l'intrigue porte sur la traque, les antécédents, le passé et l'histoire de L'accoucheur. Parce que les déviances du tueur, comme souvent, trouvent leur source dans le passé, les traumatismes et l'enfance. Mais j'avoue avoir nagé dans l'originalité avec
Kaïken qui, quelque part, réinvente le tueur en série en lui donnant une vraie consistance, un vrai rôle et une histoire en béton qui change des simples violences de la part d'un père alcoolique ou la descente aux enfers d'une mère célibataire camée et/ou prostituée.
Pour ce qui est des autres personnages, Passant entre autres, leur histoire n'est pas pour autant reléguée au second plan, bien au contraire. Chacun a ses démons qui trouvent leur source dans le passé et l'enfance, mais plus que le côté dramatique de chaque destin, c'est la fragilité de chaque personnage qui est mise en avant et les façons dont chacun gère ses faiblesses et les dissimule. Et si l'intrigue semble déjà dense avec la matière apportée par les personnages, ça n'est qu'une infime partie. le tableau, bien plus grand, nous propose de multiples scènes et styles ; action, filature, amitié, haine, trahison, histoire familiale, enquête, course-poursuite, zen et son côté Japon… l'intrigue est très riche et le roman mérite son épaisseur.
Et du coup, on ne sait de quel côté classer ce roman ; policier ? thriller ? Et bien tout dépend des passages. Il y a des instants typiquement policiers avec les codes et le vocabulaire que ça sous-entend, et des moment beaucoup plus thriller avec une tension palpable et plus la moindre trace de flic. Si le terme « thriller policier » convient à tout le monde, alors on est là-dedans, à mi-chemin entre l'un et l'autre.
La grande question est de savoir si j'ai aimé
Kaïken et surtout, Grangé.
Je me suis mis une certaine pression en me disant que ça n'allait pas me plaire, bien avant de commencer ce livre. J'avais des appréhensions parce que, de cet auteur, j'ai entendu le meilleur comme le pire de la part de personnes à qui je fais confiance lorsqu'il s'agit de lectures. Autrement dit, j'ai eu les deux sons de cloche et j'étais persuadée de ne pas apprécier, surtout que j'ai tendance à me fier à mon instinct qui ne se trompe presque jamais. Sauf que là, le type (l'instinct) a déraillé grave parce qu'il se trouve que j'ai beaucoup aimé cette lecture dans l'ensemble (oui, les bémols arrivent). Ma seconde crainte était de le trouver trop long ou lent, ce qui arrive très souvent avec les pavés, et ici pas du tout. L'intrigue est dense et permet de garder le lecteur du début à la fin en jonglant avec les différents personnages et histoires dans l'histoire. Les personnages sont fouillés, très complets dans la façon dont ils sont construits, et ça aussi, ça apporte un gros plus au lecteur qui s'identifie, s'attache et quitte ces personnages-là comme s'il s'agissait de vieux amis.
Et cependant, j'ai trouvé un bémol. Si j'ai beaucoup aimé la façon dont l'enquête et la vie de famille se rejoignent, j'avoue que la fracture qui se produit ensuite, fermant un pan de l'intrigue pour ouvrir l'autre, m'a quelque peu laissée dubitative. La nécessité d'intégrer un tueur en série à cette intrigue peut être remise en cause et définitivement, il y a bien deux histoires distinctes dans
Kaïken qui auraient pu, chacune, être un livre différent. Et du coup, je suis restée complètement indifférente au final que je n'ai pas vraiment apprécié et pas compris par rapport au déroulement de l'intrigue. Clairement, je n'ai vu aucun rapport entre l'histoire de L'accoucheur et le tournant que prend l'histoire une fois l'enquête résolue pour finalement déboucher sur une fin tout droit sortie de Kill Bill 🙄 Et malgré tout, chaque pan de l'intrigue est bien mené et bouclé : dans l'ensemble, j'ai aimé cette lecture même si le syndrome Jacques Expert revient en force. Pour ceux qui ne se souviennent pas, une fois la lecture d'Hortense de Jacques Expert achevée, je n'ai pas ressenti le besoin ni l'envie de relire l'auteur, comme si à travers un livre, j'avais déjà vu et découvert tout ce que je voulais, tout ce que j'attendais sans entrevoir un certain potentiel encore plus grand pour la suite. Et bien rebelote, après la lecture de
Kaïken, contrairement à certains écrivains, je ne ressens pas l'envie immédiate de lire un autre livre de l'auteur. J'ai lu, j'ai beaucoup aimé, mais au fond, je ne sais pas ce que pourrait m'apporter la lecture d'un autre livre de Grangé parce que celui-ci avait déjà beaucoup (mes amis lecteurs se sont déjà chargé de me faire changer d'avis...)
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