Ce qui est bien avec Christophe Grangé c'est que, quelle que soit l'histoire, on est très vite emporté grâce à la qualité de l'écriture, toujours juste, vivante et ne ressemblant à aucune autre. En plus de ça, l'intrigue en elle-même est toujours extrêmement bien travaillée. C'est le cas de
la ligne noire, un roman prenant et plein de tension.
On suit Marc, un journaliste obsédé par le mal et son origine depuis que sa fiancée a été assassinée de manière horrible. Après l'arrestation en Malaisie de Jacques Reverdi, un apnéiste renommé qui se trouve aussi être un tueur de femmes au rituel très particulier, Marc fait tout pour obtenir ses confidences. Il va établir une correspondance avec lui en se faisant passer pour une femme fascinée par Reverdi. Ce dernier va alors entrainer Marc dans un véritable périple au coeur de l'Asie, pour mieux l'initier à ses secrets.
J'ai vraiment aimé cette relation ambigüe qui se noue entre le tueur et le journaliste. La complexité de Marc est fascinante, son attirance pour le mal et le sang, sa dissociation avec Elisabeth, la jeune femme imaginaire censée être sous le charme de Reverdi... ça fait penser au Silence des agneaux pour le tueur qui dévoile ses secrets à une jeune femme, sauf que là, la femme n'existe pas, elle est un piège tendu au tueur pour le persuader de se révéler.
Un jeu très dangereux, donc, et on sent très vite que tout cela est voué à mal finir, ce qui rend le tout d'autant plus prenant. On est témoin de la descente vers l'Enfer de Marc, on le voit creuser sa propre tombe, s'enfoncer dans les ténèbres sans pouvoir s'arrêter.
Le traqueur devient le traqué et inversement, une sorte de lutte s'engage entre les deux et on sent, petit à petit, que Marc glisse vers cette fameuse ligne noire. Il devient de plus en plus l'égal de Reverdi dans son obsession du sang.
Le personnage de Marc est d'ailleurs assez fascinant. Il est obsédé par le mal, la violence, le sang, son comportement est souvent ambivalent. Tout comme son personnage d'Elisabeth est envouté par Reverdi, il est lui-même envouté par son côté obscur, duquel il se sent de plus en plus proche. Marc parvient à penser comme lui, à se mettre à sa place... Cette transformation s'effectue sous nos yeux, par étape, et ça nous donne l'impression que l'identité de Marc se brouille, qu'il se transforme en autre chose sous l'influence de Reverdi.
J'ai été marquée aussi, de voir à quel point, au fil du roman, Marc révèle son égoïsme, dont il n'a lui-même absolument pas conscience. Il implique des personnes de son entourage ou qu'il ne connait même pas dans ses jeux dangereux avec un tueur, il ne pense pas une seconde aux problèmes qu'il pourrait poser à ces gens (Khadidja, le postier, la vraie Elisabeth...) A la fin, cet égoïsme devient de plus en plus marqué, jusqu'à ce que les actes contestables du journaliste le rattrapent et se retournent contre lui, l'obligeant à faire face aux conséquences de ses actions.
Par contre, la révélation finale à son sujet était assez peu surprenante, et on se demande d'ailleurs pourquoi personne n'y avait jamais songé.
En résumé : un excellent roman, qui fonctionne par étape et nous entraine au coeur de la folie. Grangé nous plonge toujours dans des histoires un peu tordues, complexes, mais ça marche à chaque fois incroyablement bien.