J'adore François Gravel et je lis tout ce qu'il écrit afin de conseiller ses romans à mes élèves. C'est un auteur qui écrit vraiment bien et qui sait amuser et intriguer le lecteur. Toutefois, j'ai été déçue par son nouveau roman Arthur Prophète. Bien que ce dernier soit bien écrit et qu'il présente un certain intérêt pour un adulte, je crois que pour de la littérature jeunesse, l'auteur rate complètement sa cible. En fait, tout au long de l'histoire, cela me rappelait beaucoup le roman philosophique le monde de Sophie, sauf qu'au lieu de présenter des philosophes, celui-ci présente des personnalités religieuses ou des personnes spécialisées dans les sciences occultes. C'est peut-être mon côté athée et sceptique qui m'a empêchée de vraiment apprécié le thème, ou encore le fait que le livre mélange fiction et informations théoriques (sans le faire aussi bien que Jostein Gaarder). J'ai trouvé certains passages abominablement longs, même s'ils étaient entrecoupés de passages intéressants (ceux qui mettaient en scène les personnages, sans la théorie).
Bref, pour les ados, c'est beaucoup trop lourd et complexe. Pour les adultes avertis et intéressés par le thème, ce peut être une lecture extrêmement satisfaisante.
Pistes d'exploration
Échanger sur la plausibilité ou l'invraisemblance de certains phénomènes paranormaux en gardant un esprit critique et nuancé.
S'informer davantage sur l'un des savants, philosophes ou écrivains, dont le roman fait mention, puis commenter la pertinence d'y faire référence en tenant compte du sujet insolite du livre.
Lire d'autres romans de François Gravel, comme La piste sauvage ou Sacrilège afin de découvrir certains de ses univers et de ses thèmes de prédilection.
Dresser le portrait psychologique de Jean-François en insistant sur sa position ambivalente au sujet des phénomènes paranormaux.
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— Salut, est-ce que je peux t’aider ?
Je ne savais pas encore que chaque question que je lui poserais, loin d’assouvir ma curiosité, entraînerait au contraire une infinité d’autres questions.
— Ce n’est pas de refus. J’ai perdu un bouton de manchette. Pouvez-vous m’aider à le retrouver, monsieur le bon Samaritain ?
J’étais estomaqué: ce gars-là portait des boutons de manchette ? Il me qualifiait de bon Samaritain ?
— Je me présente: Arthur Prophète, a-t-il ajouté avant que j’aie pu placer un mot. Le patronyme peut vous paraître étrange, mais il est très courant en Haïti. Quant à mon prénom, sachez que mes parents sont tous deux férus des légendes de la Table ronde. Mon petit frère se nomme Lancelot et ma petite sœur, Guenièvre – mais elle préfère qu’on l’appelle Geneviève. À qui ai-je l’honneur ?
Je n’étais pas habitué à me faire vouvoyer, et surtout pas par un garçon qui paraissait avoir mon âge. Encore plus étonnant, il avait prononcé ces mots en se redressant et en claquant les talons, comme un soldat qui aurait répondu à son général, et il avait terminé avec une demi- révérence. Un peu plus et il m’aurait tendu sa carte professionnelle.
Je faisais partie de l’équipe de volley-ball de mon école et nous avions joué un match très serré contre les Prédateurs, la meilleure équipe de la ligue. Nos adversaires, qui provenaient d’une école privée très cotée, étaient largement favoris, mais nous leur avions tenu tête pendant plus de deux heures, les forçant dans leurs derniers retranchements. Nous avions perdu le match, mais nous avions tout donné et nous étions fiers de notre performance.
Je n’étais jusqu’alors qu’un substitut et j’étais rarement utilisé quand le score était serré. Ce soir-là, cependant, l’instructeur m’avait fait confiance et j’avais si bien joué qu’il m’avait demandé de rester après le match pour m’annoncer que je ferais dorénavant partie de l’équipe à titre de joueur régulier. Il m’avait ensuite enseigné quelques trucs pour mieux réussir mes services, et il était presque vingt-trois heures quand j’ai enfin quitté le gymnase.
J’ai enfourché mon vélo que j’avais laissé dans le stationnement de l’école quand j’ai aperçu un garçon étrange près de l’arrêt d’autobus. Il regardait autour de lui, sur le sol, comme s’il cherchait quelque chose. Il était grand, mince et semblait flotter dans des vêtements trop larges pour lui. Il était vêtu d’un pantalon gris, d’une chemise blanche et d’un veston bleu marine ; j’ai donc présumé qu’il fréquentait une école privée et qu’il était venu pour soutenir les Prédateurs. C’était la première fois que je me trompais à son sujet, mais ce ne serait pas la dernière.
J’adore lire des romans, mais je ne les prends jamais à la bibliothèque. Je préfère les emprunter à mon ami Fred, qui partage mes goûts en matière de lectures et qui me suggère toujours des auteurs intéressants. Je n’ai pas l’habitude non plus de fréquenter les bibliothèques pour y faire des recherches. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi on a encore besoin de ces lieux poussiéreux. Je trouve toujours ce dont j’ai besoin sur Internet et je ne vois pas l’intérêt de passer des heures à fouiller dans des livres qui ont été écrits il y a des dizaines d’années et qui sont sûrement dépassés de toute façon.
’aurais pu débattre de la question avec lui pour le simple plaisir de lui faire perdre son temps, comme je le fais parfois, mais je n’avais pas envie de jouer à ce jeu-là. Monsieur Proulx était un bon prof, qui savait nous raconter des histoires si intéressantes qu’il m’arrivait d’écouter ses cours jusqu’à la fin sans jamais partir en voyage vers la lune. ...
J’en étais là dans mes réflexions quand je l’ai vu se mettre à quatre pattes pour examiner la pelouse. Que pouvait-il avoir perdu ? Son billet d’autobus ? Sa lentille cornéenne ? Son téléphone ?
Il m’a alors aperçu, s’est relevé et a fait un geste de la main pour attirer mon attention. Je suis descendu de vélo et j’ai marché dans sa direction, ce que j’aurais fait de toute façon : à partir du moment où je l’avais vu, une force mystérieuse m’avait conduit vers lui.
Rencontre avec François Gravel - La magie de Super Hakim