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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le heros de la Malediction du gitan, ce sourd muet sans jambes qui se produisait en des acrobaties de cirque, lisait, le seul a lire parmi tous les freaks pratiquement illetres qui l'entouraient. Dans ses moments de desesperance il revenait, encore et encore, a La Puissance et la Gloire de Graham Greene. Voulant comprendre en quoi l'histoire d'un cure harcele pouvait le consoler je l'ai relu moi aussi. Il y a de ca une eternite je n'avais pas specialement apprecie ce que j'avais vu comme de la propagande religieuse. Entretemps le livre a beaucoup change, ou alors c'est moi.

La trame est simple: dans une region mexicaine ou les revolutionnaires au pouvoir veulent abolir toute religion, un cure traque tente de fuir, sans succes. C'est le dernier pretre, tous les autres ayant ete tues s'ils n'ont pas reussi a passer a temps la frontiere, ou ayant ete forces de se laiciser et se marier. Il sera finalement fusille, un metis mouchard l'ayant reconnu et livre a ses poursuivants.

La trame est simple mais le developpement qu'en fait Greene ne l'est pas. Il y mene une sorte d'etude, profonde et ardue, douloureuse et implacable, sur l'ancienne question du bien et du mal, sur ce qui les oppose et ce qui les relie. Une etude de terrain, qu'il place dans un terrain qu'il a connu, le Mexique, et dont il sonde le caractere profond de ses habitants, leur ame. Leur sens de l'obeissance a la tradition, du devoir et du destin, leur intime essence d'un catholicisme metisse, manifeste meme quand la revolution prohibait la religion. Greene avait passe quelques mois au Mexique en 1938, enquetant la persecution de la religion qu'avaient declanche les presidents Calles et Cardenas. Il en avait tire en 1939 un livre de voyages, The Lawless Roads, et, plus tard, ce roman.

Deux principaux acteurs dans ce drame, un cure et un lieutenant, bien qu'il n'y ait que le lieutenant qui agisse vraiment, le cure se laissant entrainer comme malgre lui par les circonstances. Tous deux sans nom propre, comme un troisieme acteur, le metis, celui qui tient le role de Judas, du mouchard qui vendra le cure pour une poignee de pesos. Il n'y a que les personnages tout a fait secondaires qui auront droit a des noms. Sans noms, ces acteurs peuvent prendre une dimension archetypique. Mais Greene les complique a souhait. Ni heros ni anti-heros clairs et nets, tous ont droit et a son blame et a sa compassion. Tous decrits implacablement humains. le cure est une creature maladive, egoiste et peureux, qui s'est eloigne de nombreuses fois de la foi qu'il preche. Seuls le courage et la capacite de sacrifice des villageois qu'il rencontre et qui le cachent pourront lui faire surmonter la peur, l'amertume, le fiel qui niche en son coeur. Ce n'est que grace a eux qu'il finira par gagner un certain apaisement de l'esprit, une certaine serenite devant son futur, serenite face aux hommes qui l'accusent et le jugent, serenite pour affronter Saint Pierre dans l'au-dela. Une redemption tardive, aux limites du courage, la decouverte d'une force d'ame qu'il n'avait jamais eu. Quant au lieutenant qui le poursuit, ce n'est pas un fou sanguinaire, il n'a pas de raisons personnelles, tout en lui est ideal, mais il incarne trop fanatiquement les ideaux laics de la revolution mexicaine de ces annees-la. Les cures ne sont pour lui que suppots d'un obscurantisme qui maintient le peuple dans l'ignorance et la misere. Ils doivent disparaitre pour que l'avenir puisse etre radieux. Et la fin justifie les moyens. Mais il saura aussi etre misericordieux envers sa proie, une fois qu'il l'aura attrapee.

Greene a ecrit une tragedie. La tragedie d'un homme faible devant son destin. Peut-etre aussi la tragedie de la force minee par le doute. le drame du vieil antagonisme de la spiritualite et du materialisme, personnifie en deux hommes, sans que nous soit montre trop clairement et trop facilement ou git le vice et ou siege la vertu. Un troisieme homme, le delateur, est manifestement l'outil du destin ou l'agent de la Providence. Ce n'est pas forcement un mauvais homme, sa mission est d'amener le cure a l'expiation, a sa purification, comme le Judas des ecritures face a Jesus. Ce Judas-ci tend a nous faire croire que Greene, catholique convaincu, veut que sa tragedie finisse en apotheose de la foi, en la victoire morale de la foi. Ce serait trop facile. Moi je vois, justement parce que Greene est croyant, dans cette opposition de differentes croyances, de differents ideaux, la tragedie du Dieu auquel il croit. Ce Dieu qui a fait l'homme a son image, qui est dans tous les hommes. Dieu qui est le juge et le pecheur, le vertueux et le criminel, ici le cure et le lieutenant, et aussi le Judas, bien sur. Dieu qui est celui qui a le pouvoir, et en use, et celui qui en est demuni. Dieu qui est l'homme glorieux mais aussi l'infame. Dans cette optique, la puissance et la gloire sont peut-etre incarnees par les deux principaux protagonistes, mais aussi par le destin qui les dirige et les mene, ou la fatalite, ou tout simplement Dieu. Ce Dieu a qui le roi David chantait: “A toi, Eternel, la grandeur, la force et la magnificence, l'eternite et la gloire, car tout ce qui est au ciel et sur la terre t'appartient; à toi, Eternel, le regne. […] C'est de toi que viennent la richesse et la gloire, c'est toi qui domines sur tout, c'est dans ta main que sont la force et la puissance” (Chroniques I, chap. 29, versets 11-12). Tellement de pouvoir... il ne peut qu'etre tragique, ce Dieu.

En fin de ce long billet je dois me confesser. Je ne suis pas religieux, je ne crois pas en un Dieu, je suis plutot un fieffe mecreant. Sans aucune excuse de cette sorte j'ai trouve ce roman tout simplement sublime. Puissant. Glorieux.
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«La puissance et la gloire» faisait partie des romans de Graham Greene désignés comme catholique par la critique de l'époque. L'auteur traversait alors une grave crise mystique qui l'amena à se replonger dans ses racines chrétiennes. Ce livre mettait en scène un pretre au prise avec la révolution anticléricale mexicaine des années 30. C'était beaucoup en réduire sa portée que de le circonscrire à la sphère purement religieuse, car même si son aventure s'apparentait à un chemin de croix, ce sont bien des sentiments humains qui bouleversait ce serviteur de dieu. Menacé de toute part, recherché, poursuivi, il refusait la fuite en avant cherchant la rédemption de ses péchés dans le martyr. Dans un moment de faiblesse quelques années plus tôt, il avait eu une petite fille avec une paysanne de sa paroisse. Alors qu' il le souhaitait ardemment il lui était impossible maintenant de se confesser, tous les prêtes mexicains étant en fuite et ceux qui restaient ne pratiquaient plus l'absolution par peur des représailles. Malgré la peur qui l'étreignait devant l'éternité la seule solution qui lui restait pour gagner le paradis était la mort dans l'exercice de ses fonctions sacerdotales. Ce livre était remarquable dans le traitement des personnages en ne cédant jamais à un manichéisme facile. Ainsi le militaire chargé d'arrêter le prêtre, malgré les tueries dont il se rendait coupable attirait presque la compassion du lecteur tant il souffait dans sa chair d'une enfance misérable vecue dans une une société dominé par un ordre social aisé maintenant le peuple dans un avilissement sans nom. L'écriture était aride presque désenchantée, elle rendait parfaitement compte du grand désert qui habitait le paysage et le coeur de ces hommes pris dans la tourmente. Ce livre poignant était au combien représentatif du talent de Graham Greene, grand écrivain britannique injustement oublié…
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"Car c'est à toi qu'appartiennent le règne, la puissance et la gloire, pour les siècles des siècles"
Dans les années 1930,dans un état mexicain , il ne reste plus qu'un prêtre. le gouvernement révolutionnaire mexicain avait mené une vigoureuse campagne contre les représentants de l'Eglise catholique, la Christada. En les expulsant avant tout. En contraignant les réfractaires au départ à se marier, et donc à contrevenir aux dogmes de leur confession.
Pourquoi est-il resté, ce prêtre, il l'explique dans un des plus beaux passages de ce livre, un dialogue:
"- Mais pourquoi êtes-vous resté ?
- Je me le suis demandé, répondit le prêtre, une fois. La vérité, c'est qu'un homme ne se trouve pas placé brusquement devant deux partis à prendre , un bon et un mauvais. Il se trouve engagé peu à peu...ce n'était pas la première fois dans L Histoire, qu'on brûlait des églises. Vous n'ignorez pas que c'est arrivé souvent. Ca ne signifie pas grand chose. Je pensais que je resterais, disons, encore un mois, pour voir si les choses allaient s'améliorer. Et puis.. oh! vous ne pouvez pas savoir comme le temps passe vite!"
...je crois qu'il aurait mieux valu que je m'en aille , moi aussi. Car c'était l'orgueil qui me faisait agir. Ce n'était plus l'amour de Dieu... Je ne servais à rien, mais j'étais resté..C'est une erreur que l'on commet de penser que parce qu'une chose est difficile et dangereuse..
...- Et bien, vous allez devenir un martyr, vous aurez cette satisfaction.
-Oh, mais non! Les martyrs ne me ressemblent pas du tout. Ils ne réfléchissent pas tout le temps."

Donc, il est resté, célébrant une messe ici ou là , administrant des sacrements, et se rendant surtout au chevet de mourants pour leur accorder ce que son ministère lui permet, l'absolution de leurs péchés, tout cela en se cachant bien sûr, protégé dans la grande majorité des villages.
Seulement le voilà rattrapé par la réalité , et donc poursuivi.

Il y aura dans ce livre ce rapport entre ces deux hommes , cette traque en tous lieux , des observateurs, des populations qui subissent comme toujours. Et un Judas, bien sûr.
La grande force de ce magnifique roman est de ne faire d'aucun personnage un portrait tranché au couteau. le prêtre est.. alcoolique, plutôt lâche, il a eu un enfant avec une villageoise , et il n'a qu'une seule envie, parvenir à fuir , même si le lieutenant sacrifie des villageois pour faire peur aux autres et qu'ils le dénoncent. le lieutenant, lui, a eu à souffrir de l'attitude de l'Eglise dans sa jeunesse, il est déterminé mais l'auteur lui prête des qualités d'écoute et même de compassion..Le Judas, et bien il a besoin de manger, et donc de la rançon promise. Les observateurs ( extraordinaire personnage du dentiste ) ont de temps en temps des sursauts. Bien et mal se mélangent , il ne reste que toute cette ambiguïté des rapports de force..idéologiques? Qui s'opposent? Même pas..
Et ce qu'on appelle la foi du prêtre?
" Ecoutez-moi, dit le prêtre ardemment, en se penchant en avant dans le noir , pressant d'une main son pied tordu de crampes, je n'ai pas autant de duplicité que vous le croyez. Pourquoi, à vôtre sens, irais-je dire aux gens du haut de ma chaire, que si la mort les prend à l'improviste, ils sont en danger d'être damnés? Je ne leur raconte pas de conte de fées auxquels je ne crois pas moi-même. Je ne sais rien du tout de la miséricorde divine. Je ne sais pas dans quelle mesure le coeur humain apparaît à Dieu comme un objet d'horreur. Mais je sais ceci: que si jamais dans ce pays un seul homme fut damné, alors je ne puis manquer d'être damné aussi. Il ajouta lentement: " Je ne souhaiterais pas qu'il en fût autrement. Je ne demande que la justice, rien de plus."

Dans la préface, François Mauriac parle de martyre, d'identification au Christ, et ce roman a été qualifié de grand roman catholique. Pourquoi pas, à chacun son interprétation en fonction de ses croyances. Et effectivement , le parcours du prêtre finit par ressembler à un chemin de croix.Et ce qu'il finit par faire, il sait que cela va le perdre, mais il le fait quand même.
Parce que c'est..son devoir. Parce qu'il fait ce qu'il peut faire.
Cela en fait-il un saint, ce que Mauriac sous-entend? Ca, c'est une discussion qui me dépasse, je dois dire ,et encore une vision catholique, mais ce sont ses failles, ses doutes , mais aussi son humilité, ses capacités de voir clair en lui, et ses actes qui en font un si beau personnage.

C'est surtout, pour moi, un grand roman "humaniste", qui montre les hommes tels qu'ils sont capables d'être, dans le pire, le meilleur, et tous les aspects..moins contrastés . Avec un grand signe d'espoir à cette humanité à la toute fin, merveilleuse.


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[La Puissance et la Gloire]

Je lis Greene pour la première fois et n'ai pas eu besoin d'en lire beaucoup pour aimer... Pas besoin de l'intrigue (mais il n'en existe pas vraiment), ni d'appréhender un peu mieux ce roman, sa composition "vivante" (l'alliage du réel et du rêve).
Dès l'incipit, c'est sans espoir et c'est très beau

[La Fin d'une liaison]

C'est le roman de Greene que je voulais lire mais j'aurais perdu beaucoup en découvrant l'auteur à sa seule lecture.
Le lisant après "La Puissance et la Gloire" et "Le Fond du problème", je suis déjà un peu familiarisée avec son univers mental si particulier.
Le roman peut être lu et apprécié pour lui-même, cela va de soi...
Mais c'est un peu la différence entre un séjour plus ou moins long dans un endroit inconnu et ne dérogeant pas tellement à la promesse du plaisir attendu et le voyage, qui rend plus incertain le début et la fin (se perdant un peu soi-même dans la rencontre du pays, de ses habitants...)
La différence entre une liaison et l'amour...
Greene ne parle que de cela, que d'amour ! de l'amour humain, de l'amour divin ; la passion n'est qu'un de ses innombrables visages, il n'est pas le seul.
Un certain paroxysme est atteint dans l'oeuvre quand l'amant se met finalement à jalouser Dieu lui-même, dans le coeur de celle qu'il aime.

[Le Facteur humain]

Un peu refroidie par "Un Américain bien tranquille" et "Notre Agent à la Havane", j'abordais "Le Facteur humain" sans grand enthousiasme.. (Néanmoins, il n'a pas été question d'abandonner la lecture des romans précités tant l'écriture est "charmeuse"..)
Il s'agit également d'espionnage (et de contre-espionnage) mais sous la plume de Greene, l'action importe moins que sa mise en place.. l'art du suspense agit sur le lecteur mais l'intrigue se poursuit à un autre niveau (plus implicite) ; il y a toujours un roman dans le roman qu'il faut deviner, ses personnages écrivent autant que lui, lisent tout autant.. (que nous, peut-être)

Je me demande si je ne termine pas le voyage par la meilleure excursion possible..
On se prend au jeu du roman d'espionnage "augmenté" ; ce qui est complexe à comprendre est également enchanteur et l'auteur sait aussi bien émouvoir son lecteur que le faire rire (ou sourire..)
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LA PUISSANCE ET LA GLOIRE de GRAHAM GREENE
Mexique dans les années 30 la chasse au dernier prêtre catholique. Fresque humaniste avec le meilleur et le pire des hommes, le prêtre narrateur nous guide dans les méandres de ses pensées entre Dieu, l'alcool et les femmes. Un récit halluciné et hallucinant, une écriture poignante qui nous emporte au bout du drame. Un des plus forts de Greene si ce n'est son meilleur livre.
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Dans un pays qui serait le Mexique des années révolutionnaires, en proie à un anticléricalisme d'Etat extrême : soit le prêtre renonce à son office et se marie, soit on le passe par les armes !
Un seul prêtre reste, un pauvre curé, le dernier des derniers … Pour preuve : il est alcoolique et est même père d'une petite fille. Mais, envers et contre tout, il reste et ne parvient pas à s'échapper car il se sent habité par sa mission que nul autre que lui ne peut tenir, malgré sa honte, son désespoir et son état de péché.
Magnifique roman sur le rôle du prêtre, la vocation, le péché et sa rémission, le salut de l'âme. En prime on a également une version revisitée du Judas, bien plus humaine, et qui a su gêner l'église en son temps.
Selon moi, un de ces romans intemporels qu'il faut avoir lu, quel que soit son approche envers la religion et tout particulièrement le catholicisme car on touche ici au plus profond de l'homme, à son âme et à son essence même ! Sans le moindre doute, une lecture qui restera pérenne et qui donne envie de lire ou de relire Sous le soleil de Satan de Bernanos !
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C'est indiscutablement un grand roman, très ambitieux, qui a marqué les lecteurs de mon âge et que la jeune génération ignore probablement.
En mettant en scène ce prêtre "pécheur" qui fuit la répression anticléricale de la révolution mexicaine, au début du XXème siècle, l'auteur a voulu dépeindre toute l'humanité, ou du moins ceux qui se réclament de près ou de loin de la chrétienté. Chez ce prêtre comme dans tout homme, les faiblesses les plus condamnables se trouvent étroitement juxtaposées à une fidélité obstinée vis-à-vis de la religion catholique et de ses vertus cardinales. Cette intrication rend vain tout jugement qu'on serait tenté de porter sur un individu; seul Dieu pourra le juger - et sans doute lui accorder sa grâce. C'est du moins ainsi que G. Greene voit la condition humaine.
Compte tenu de son sujet, le roman de l'auteur britannique aurait très bien pu être intitulé "La pesanteur et la grâce"... mais ce titre a été choisi par S. Weil (pour un livre presque contemporain).
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Dans un état du Mexique, le Tabasco, vivant sous le joug d'une junte militaire, les prêtres ont fui. Il leur est interdit d'exercer leur office et on les oblige à se marier; un choix cornélien s'offre à eux: le mariage et la profanation de leur ministère ou le mur blanchi à la chaux derrière soi et le peloton d'exécution devant... Dans cette “république socialiste” tout ce qui rappelle l'ancien ordre de chose est effacé, les églises deviennent des bâtiments profanes, les parvis sont aménagés en terrain de sport, on traque les représentants de l'église, on réprime les moindres vestiges de foi chez les humbles - ce qu'on nomme superstition - et l'on a même prohiber l'alcool. Dans cette atmosphère oppressante, il reste un représentant indigne de la vieille foi, un prêtre alcoolique bourrelé de pêchés, qui, un jour d'ivresse, à commis la fornication et est devenu père. Cette homme est un fugitif mais il n'a pas abandonné, il n'a pas abjuré sa foi et malgré le marasme de déchéance où se débat son âme, malgré l'incapacité matérielle où il se trouve de remplir son office, il reste malgré tout, par sa seule présence, encore un peu fidèle...
Ce roman qu'on pourrait qualifier de catholique, tant les thèmes chrétiens y sont omniprésents, à commencer par le titre, référence à la doxologie finale de la messe catholique (« Car c'est à toi qu'appartiennent, le règne, la puissance et la gloire, pour les siècles des siècles. ») et tant la destinée du prêtre rappelle – à sa manière – la passion du Christ, est un grand roman tant par son style personnel et sûr , son habileté à créer une atmosphère et par la charge dramatique qui s'amplifie à mesure que la lecture progresse.
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Dans la littérature anglaise, Graham Greene (1904-1991) est un cas à part. Aussi bien par son histoire personnelle que par celle de ses oeuvres. Jugez-en plutôt.
Après une enfance difficile (avec à la clé une tentative de suicide) il se lance dans le journalisme... et fait couler son journal après un article sur Shirley Temple et l'exploitation sexuelle de son corps par Hollywood ! Saisi par la bougeotte, il parcourt le monde, cumulant son activité de romancier avec celle d'agent secret (il a été recruté par le MI6). Finalement rattrapé par le fisc, il finit sa vie en Suisse, au bord du lac Léman.
Son oeuvre est toute aussi éclectique. Il fut romancier, nouvelliste, dramaturge, essayiste, auteur de livres pour enfants, de manuels pour agents secrets, et même scénariste pour le cinéma (Le Troisième homme, c'est lui). On peut quand même trouver des constantes dans sa production littéraire : le doute (en particulier religieux), la fuite, un certain goût pour la philosophie. Sa vie aventureuse lui inspire une série de thrillers d'espionnage, ou policiers, qui contrastent avec des romans moins légers, plus profonds, comme La puissance et la gloire, son chef-d'oeuvre.
La puissance et la gloire (1948) fait le portrait d'un anti-héros : Au Mexique, où les autorités persécutent le clergé, un prêtre dont on ne connaît pas le nom, lâche, veule, alcoolique, terriblement conscient de ses faiblesses, porteur d'un passé coupable (il a eu un enfant d'une paroissienne) s'efforce d'exercer son ministère du mieux qu'il peut. Pourchassé par un policier, trahi par un métis qu'il croyait son ami, il va au martyre, en pensant expier ses propres fautes.
Roman catholique certes, ou en tous cas chrétien, mais le héros aurait pu tout aussi bien être un révolutionnaire dans le doute, ou simplement un homme enfermé dans ses propres culpabilités, qui cherche l'expiation. La hiérarchie catholique a reproché à Graham Greene d'avoir fait un tableau si noir d'un serviteur de Dieu. Peut-être est-elle là l'ambivalence qu'on prête à l'auteur au sujet de la religion : le doute, ici, n'est pas de nature religieuse ou métaphysique, ce n'est pas sa foi en Dieu qui pose un problème au prêtre, c'est sa foi en lui-même, à assumer en tant qu'homme sa propre destinée.
Dans tous les cas, un roman d'une force peu commune, qui s'adresse à tous, croyants ou non croyants...
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Quand on a lu le résumé de l'éditeur et la critique de Krout, de Migdal et d'auttes,, que dire de plus ? le «faux mauvais prêtre» (selon l'expression de Mauriac) qui est le héros du roman, se sent indigne parce qu'alcoolique et ayant « fauté » avec une paroissienne, mais il lui reste l'héroïsme des humbles. Sous la persécution du clergé au Mexique, qui en rappelle d'autres du même genre (Le Dialogue des carmélites, etc.), il est le dernier prêtre à ne pas encore avoir été fusillé, ce qui fait peser sur lui une écrasante responsabilité. Il cherche plusieurs fois à se sauver en gagnant la frontière, mais chaque fois, on l'appelle pour un malade, pour un bandit mourant, pour baptiser, absoudre et rassurer, dans tel ou tel village qui n'a plus vu de prêtre depuis des années. Il fait passer son devoir avant sa sécurité. Héros de l'ombre, il finit par tomber dans un piège et est fusillé. Avant cela, il distribue le peu de biens qui lui reste. On le priera bientôt comme un saint. le dernier prêtre a enfin été éradiqué, quand arrive à la dernière demi-page du roman un étranger qui a remonté le fleuve pendant la nuit. Il se présente : «Je suis prêtre».
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