Maxime ne manque jamais de s'installer au pied du plongeoir lorsque l'équipe féminine s'entraine. Son regard exercé repère impitoyablement le point faible d'une anatomie féminine. Une jambe sans relief, un pied nu trop carré, des vilains orteils, un soupçon de mollesse dans le ventre. Rien de semblable avec Tania: tout dans ce corps répond à son désir.
Mon apparence ne m'était plus une souffrance, je m'étoffais, mes creux se comblait .
Fils unique, j'ai longtemps eu un frère. Il fallait me croire sur parole quand je servais cette fable à mes relations de vacances, à mes amis de passage. J'avais un frère. Plus beau, plus fort. Un frère aîné, glorieux, invisible.
(La photo de Simon figure dans le "Mémorial des enfants juifs déportés de France" édité par Serge Klarsfeld)
Des années après que mon frère avait déserté ma chambre, après avoir mis en terre tous ceux qui m'étaient chers, j'offrais enfin à Simon la sépulture à laquelle il n'avait jamais eu droit. Il allait y dormir, en compagnie des enfants qui avaient connu son destin, sur cette page portant sa photo, ses dates si rapprochées et son nom, dont l'orthographe différait si peu du mien. Ce livre serait sa tombe.
L'enfant a toujours l’intuition de son histoire.
Si la vérité lui est dite, cette vérité le construit.
Françoise Dolto
Le mal se répand, en quelques mois les valeurs s'inversent et les figures jusque là familières deviennent l'incarnation du danger. Ceux qui assuraient la sécurité, réglaient la circulation, tamponnaient les papiers officiels, deviennent les auxiliaires zélés d'un projet implacable, fonctionnaires dont la simple signature peut bouleverser un destin. L'ennemi n'est plus seulement reconnaissable à ses uniformes vert-de-gris, à ses longs imperméables, il peut aussi se dissimiler sous les manches de lustrine des employés de mairie, sous la pélerine des sergents de ville, sous l'autorité des préfets et jusque dans le regard amical des voisins.
Simon et Hannah, effacés à deux reprises : par la haine de leurs persécuteurs et par l'amour de leurs proches.
Et c'est Louise qui m'avait fait le rencontrer. Il fallait bien qu'un jour ou l'autre son fantôme apparût dans cette brèche, qu'il surgît de ces confidences. Ma découverte du petit chien en peluche l'avait arraché à sa nuit et il était venu hanter mon enfance.
Fils unique, j'ai longtemps eu un frère. Il fallait me croire sur parole quand je servais cette fable à mes relations de vacances, à mes amis de passage. J'avais un frère. Plus beau, plus fort. Un frère aîné, glorieux, invisible.
De ce jour j'ai marché dans son ombre, flotté dans son empreinte comme dans un costume trop large.