En écoutant le livre audio Une vie de
Simone Veil, j'ai eu envie de relire
Ainsi soit-elle de
Benoîte Groult, tant il me semblait que sur certains sujets, ces deux femmes contemporaines avaient divergeants.
Il faut dire qu'
Ainsi soit-elle a été publié pour la première fois en 1975, alors que
Simone Veil n'a écrit son autobiographie qu'en 2007.
Par exemple, en parlant de la loi sur la dépénalisation de l'avortement de 2007,
Simone Veil écrit : Je m'accoutumai à entendre les hommes croisés ici ou là me dire : "Ma femme a tellement d'admiration pour vous". le sens du propos ne m'échappait pas : ma femme vous admire, mais pas moi. En réalité, les hommes ne se sont jamais intéressés à cette loi. Comme souvent,
Jacques Chirac avait parfaitement traduit leur opinion: l'avortement demeurait une « affaire de bonnes femmes ».
Tandis que
Benoîte Groult, à propos de son livre écrit : "C'est donc bien consciente de mon démérite et sachant que je ne bénéficierai plus du sourire paternel réservé aux ouvrages de dames que j'entreprends d'écrire un ouvrage féministe. Je sais que j'aurais mieux fait d'écrire un roman féminin. On aurait continé à me dire galamment dans les salons.
- Ravi de vous connaître. Ma femme a adoré vos livres, le Piano à quatre mains surtout...
Et j'aurais continué à esquisser un humble sourire de remerciement, résignée au fait que les auteurs à seins ne soienet lus que par des lecteurs à seins. Et si dans un sursaut d'amour-propre, tout en maintenant mon sourire aimable car une femme doit rester charmante, j'avais ajouté : "Parce que vous, bien sûr, les livres de femmes ne vous intéressent pas ?" les maris en question auraient souri avec courtoisie en s'excusant de n'avoir de temps que pour les choses sérieuses. Ils lisent bien sûr, ces hommes-là, mais des livres d'hommes, des livres normaux, quoi! Evidemment, mes livres à moi parlent d'amour. C'est un sujet si féminin... quand il est traité par une femme. Mais quand c'est
Flaubert qui décrit l'amour, cela devient un sujet humain. Il n'existe pas de sujet masculin pour la raison irréfutable que la littérature masculine c'est LA littérature ! Quant à la littérature féminine, elle est à LA littérature ce que la musique militaire est à LA musique.
Aucune de ces deux féministes ne s'étonne que les maris parlent au nom de leur femme, comme si celle-ci était incapable de s'exprimer par elle-même. Comme la femme de Colombo, la Française des années 1970 demeure la grande invisible, car comme disaient les militantes du MLF en 1968 : "Il y a encore plus inconnu que le soldat inconnu : la femme du soldat inconnu".