Citations sur La valse des arbres et du ciel (181)
Théo avait une parfaite conscience du génie de Vincent ; il savait, comme un et un font deux, qu'un jour proche son talent serait reconnu et que ses toiles se vendraient une fortune. Ce n'était qu'une question de temps.
Peut-être les hommes redoutent-ils de perdre leur domination, si nous pouvions nous confronter à eux. Nous ne sommes bonnes qu’à contempler leurs œuvres, sans avoir le droit d’apprendre et de devenir des artistes reconnues. Et si jamais une femme arrivait à mettre un pied dans la porte entrouverte, je suis sûre qu’ils la refermeraient avec toute la violence possible, quitte à briser l’os.
La Lanterne, 12 février 1890
«Le théâtre de la Monnaie, à Bruxelles, a donné hier la première représentation d'un opéra français : Salammbô, en cinq actes et sept tableaux, d'après le célèbre roman de Gustave Flaubert ... La musique est de M. Ernest Reyer, l'auteur applaudi de La Statue et de Sigurd.
Salammbô a été donné devant une salle splendide. Aucune place n'était vide, sauf la loge royale, à cause de la mort du duc de Montpensier.
- Ce qu'on dit de moi, en bien ou en mal, ne m'intéresse pas. Ceux qui avancent dépassent toujours ceux qui les regardent passer. Quand un journal dit des bêtises sur la peinture d'aujourd'hui, je me dis : Les pauvres. C'est tout. Ils ne méritent aucun autre qualificatif.
Revendiquer la propriété d'une toile n'a pas de sens quand on a le privilège de l'avoir en face des yeux : celui qui la possède est celui qui la regarde
Trouve ton chemin seule, tu n’as besoin de personne pour être peintre, regarde ce que tu as devant toi, ferme les paupières, et peins ce que tu vois à l’intérieur de toi. Et si tu ne vois rien, s’il n’y a rien, arrête de peindre
Ce sont les choses qu'on ne choisit pas qui nous font devenir ce que nous sommes.
De son sac, il sort les brosses, une palette, des tubes couleur. De là où je me trouve, je ne peux le voir préparer sa palette, ni voir ce qu'il commence à peindre. c'est à peine si je devine la toile qui se colore. Il peint collé à la toile, comme s'il avait déjà tout mémorisé ou qu'il savait déjà ce qu'il a l'intention de peindre. Quand il reprend de la peinture, il ne jette pas un regard à sa palette, en tout cas il ne bouge pas la tête. Je suis surprise de sa brusquerie. Il ne pose pas la peinture sur la toile avec délicatesse, comme on le fait habituellement, mais avec nervosité, comme s'il avait un fouet à la main et qu'il frappait le revêtement, il semble pressé, ses gestes sont saccadés.
N'aie pas peur de te mettre en danger, de te casser la figure et de souffrir. Trouve ton chemin seule, tu n'as besoin de personne pour être peintre, regarde ce que tu as devant toi, ferme les paupières et peins ce que tu vois à l'intérieur de toi. Et si tu ne vois rien, s'il n'y a rien, arrête de peindre.
Il savait, d’instinct, bien avant que je ne l’admette, que nous sommes seuls sur cette terre et que ne pouvons rien faire contre cela. Seuls face à nous-mêmes. Seuls au milieu des autres. Quoi que nous fassions pour donner le change. Et c’est la beauté de cette solitude profonde qu’il était arrivé à peindre.
(Albin Michel, p. 288-89)