S'il avait été connu, je ne me serais pas permis de le juger. C'est ainsi qu'on agit en ce monde. Vous n'existez par pour ce que vous faites, mais pour la place que vous occupez dans la société. Et j'étais comme les autres, un mouton de Panurge, incapable d'exprimer un peu d'originalité et de sortir de l'ornière.
Avec son chapeau, il ressemble à un de ces journaliers pauvrement vêtus qui vont de ferme en ferme quémander un peu de besogne contre une assiette de soupe et un bout de fromage. Il lève les yeux vers la butte, je crains qu'il ne vienne chercher de l'ombre dans la chênaie, mais il reprend sa route vers Auvers, sans se presser, et après le coude de la rivière, il disparaît à mon regard.
En parlant de Dieu:
Peut-être que Vincent l'a entrevu,mais je ne le crois pas.Vincent a peint ce monde de façon bien plus belle que lui ne l'a créé.
Quelle importance l'âge, c'est maintenant qu'il faut être heureux, pas plus tard, ou jamais : maintenant. Je préfère quelques années de bonheur avec celui que j'aime et qui m'aimera qu'une vie d'ennui avec un autre.
Va dans ton jardin, dans la rue, et travaille sans te préoccuper du cadre, de la lumière ou des couleurs, et je te l'ai déjà dit, ne peins pas ce que tu vois mais ce que tu ressens. Et si tu ne ressens rien, ne peins pas.
Note de l'auteur
Marguerite Gachet est décédée à Auvers en 1949, à l'âge de quatre-vingt-un ans, en emportant son secret. Vincent van Gogh est venu à Auvers-sur-Oise pour se faire soigner par son père, le docteur Paul Gachet.
Il y est resté soixante dix jours, du 20 mai au 29 juillet 1890, jour de sa mort brutale, à l'âge de trente-sept ans.
Pendant cette courte période, Van Gogh a peint soixante quinze toiles.
Vincent a peint Marguerite de façon certaine à deux reprises.
Si plusieurs témoins rapportent l'existence d'une relation amoureuse entre eux, il n'en existe aucune preuve.
Nous étions au bord du précipice, et nous avancions les yeux fermés, avec gaieté et insouciance.
... le jour succède à la nuit, ils ne s'affrontent jamais, et se complètent à merveille.
Je me suis souvent demandé comment Vincent voyait le monde. Chaque jour de ma vie, je me suis interrogée : qui avait-il de si particulier dans ses yeux, de si extraordinaire dans son regard, pour qu'il peigne de cette façon ? Je n'ai pas la réponse.
L'important, ce n'est pas la mécanique des alexandrins mais la beauté des images et la force des sentiments qu'ils provoquent.