Citations sur La valse des arbres et du ciel (182)
Vincent et Gauguin s’écrivaient de longues lettres où ils se racontaient leur vie, leurs travaux et leurs projets, et on voyait à la manière dont ils se confiaient l’un à l’autre qu’il existait une forte affection entre eux. Je doute que cela puisse s’appeler amitié, c’était un tissu de relations bien plus complexes, faites d’admiration et d’estime réciproques, d’une passion sans égale pour la couleur et l’expression, mais ils étaient trop entiers, incapables l’un comme l’autre de faire des concessions, pour avoir véritablement un ami ; …
Cent ans après la Révolution, dans notre société française, l'égalité des citoyens est un pur mensonge et la devis inscrite sur le fronton de nos monuments un leurre
Lettre de Vincent à Théo, 15 novembre 1878
L'art est si riche, si une personne peut seulement se souvenir de ce qu'elle a vu, elle ne manquera jamais d'alimenter ses pensées et ne sera plus vraiment seule, jamais seule. (p. 167)
Pas une âme ne se risque dehors, sous ce soleil de trique qui dessèche les blés. Les bêtes se terrent, les corbeaux se taisent et les pies ont disparu depuis longtemps. Sur cette terre étouffée les villageois comme les insectes attendent, sans bouger, sans respirer, priant que les nuages lointains daignent nous considérer. Ici, sous les frondaisons des vieux chênes et des aulnes dentelés, subsiste un souvenir de fraîcheur. Et c'est de mon perchoir, au milieu de ce maudit mois de mai, que je l'aperçois, il se déhanche d'un pas de promenade sur le chemin qui vient de Pontoise, comme s'il avait l'éternité devant lui, son chapeau de feutre enfoncé sur l'arrière de son crâne.
Plus j'y réfléchis, plus je sens qu'il n'y a rien de plus réellement
artistique que d'aimer les gens.
lettre de Vincent à Théo.
J'ai compris, avec retard je le reconnais, que mon père ne m'a pas encouragée à passer le baccalauréat pour me permettre de faire des études supérieures et d'acquérir un métier ou une situation, mais uniquement pour se rengorger auprès de ses relations, pour montrer que sa progéniture était supérieure à celle des autres, que le sang familial possédait ce petit quelque chose de plus que les autres n'avaient pas.
Si je me suis donné tant de mal, travaillant avec acharnement , j'ai conscience aujourd'hui que ce n'était pas pour préparer mon avenir et assumer mon futur, mais uniquement pour satisfaire son narcissisme.
Il pouvait ainsi paonner, afficher sa modernité, faire honte à ses relations qui maintiennent leurs épouses et filles à l'état de potiches de luxe, ignares et satisfaites, jouets dociles entre les mains de leur mari et maître, et montrer que lui, le docteur Gachet,est un progressiste, un homme d'avant- garde , et qu'il dépasse les a priori de ses connaissances.
Mon diplôme est sa victoire.
« Je suis passée mille fois devant ce paysage qui était pour moi semblable à mille autres vallons paisibles, mais ce que je vois n'est ni banal ni paisible, ce sont les blés et les arbres qui vibrent comme s'ils étaient vivants et passionnés de vivre, avec le vent qui les bouleverse, le jaune qui s'agite de partout et le vert qui tremble. Il tourne lentement la tête, me découvre aussi figée que la femme de Loth, il ne se demande pas ce que je fais là, puis il me rejoint, il a de la couleur rouge et du jaune sur la main droite, des taches sur le bas de sa chemise. Ce qui me sidère, ce n'est pas seulement ce tableau inouï, c'est qu'il ait réussi à le peindre en moins de deux heures, et qu'il soit abouti et parfait. »
Tout le monde parle dans les cimetières.
C'est un endroit de conversation, c'est tellement plus pratique de parler avec les morts, quand on n'arrive pas à parler avec les vivants.
Va dans ton jardin, dans la rue, et travaille sans te préoccuper du cadre, de la lumière ou des couleurs, et je te l'ai déjà dit, ne peins pas ce que tu vois mais ce que tu ressens. Et si tu ressens rien, ne peins pas.
Ce fut ma première rencontre avec la peinture de Vincent, et je revois sans cesse cette scène, je me souviens de chaque détail.Ce n'était pas vraiment beau au sens où l'on entendait la beauté alors, mais ça allait le devenir. J'ignore où se trouve le tableau aujourd'hui (...), peu importe, il est dans ma tête et éclaire chaque jour de ma vie, je ferme les yeux, je le vois, et il brille avec autant d'éclat. (p. 91)