La vie neuveJean-Marie Guinebert
poèmes 2019-2020
Les cahiers d'Illador, 2021, 60p
le titre
La vie neuve est sans doute choisi pour faire suite et pendant à La ruine, le reste, le recueil précédent. Mais l'exergue Vita Nova _con allegria fait qu'on se souvient de
Dante. C'est un recueil de poèmes, assez mince, et distribué en trois parties très différentes et d'inégale longueur.
La première s'intitule « Chants métaphysiques », ce qui va bien avec
Dante, et commence par « Nihilisme canin », un poème qui résonne comme un morceau de musique une fois qu'il est achevé. Cette partie honore l'ignorance, le bonheur simple. une « naïve croyance en un monde créé pour toi seul ». Ce monde, on croirait qu'il est celui de l'âge d'or, où l'homme est autant une herbe qu'un animal, un monde de plénitude où « l'enfance était profonde ».
J'ai bien aimé ces vers, libres, sans ponctuation hormis de tems en temps un tiret qui arrête ou suspend la phrase.
le léger se ressent
J'ai construit un nid
En haut de la plus haute
Poutre
A côté de la corde
du pendu souriant
Les vers sont teintés de mélancolie, cassée par une touche d'humour ou la présence d'une surprise qui tire l'esprit ailleurs. C'est que le con allegria semble être une injonction à respecter. le narrateur est à la première personne, et souvent il se dédouble pour apostropher son autre moi qui constate son état piteux.
La deuxième partie a pour titre « Le cycle court des amours douces-amères » et plus amères que douces. L'humour est assez triste, mais cette douce tristesse, qui jamais n'a le dessus, est compensée le jeu avec les mots semblants/semblables et des subtilités qui rassemblent par exemple les frères jumeaux Rémus et Romulus et les soeurs jumelles que sont les collines des seins de l'aimée. Ainsi l'auteur mêle-t-il l'épopée et sa propre vie qui n'a rien de vraiment grandiose, et dont l'amour dit ou éprouvé serait le héros.
Les vers qui m'ont retenue sont ceux-ci :
Aussi longs que les murs
Qui défendent la mélancolie
Et son sourd murmure
de fontaine toujours fraîche
La troisième partie est la plus courte, et étonne par le décalage entre le titre « Après dire » et les textes qui s'inspirent astucieusement de l'Iliade. Autre étonnement, le dernier poème qui conte sur un rythme guilleret le naufrage du Titanic. Comme si l'après dire devait être un néant.
le recueil se termine par une reproduction du tableau de Delacroix, représentant la lutte de Jacob avec l'Ange. Je dois dire que je n'ai pas vu la raison d'être de ce tableau. Appartient-elle au texte ou à la maison d'édition ?
Cette édition est très belle, autant que le nom qu'elle porte, Illador, île d'or, l'île du voyage et de la poésie. Bien qu' elle comprenne deux fâcheuses fautes, la glu(e) p.12 et il (eut) mieux valu, p.67, elle fait du recueil un bel objet et sans nul doute met en valeur les textes qu'il contient.
Je remercie l'opération Masse Critique et les éditions Illador qui m'ont permis de découvrir cet auteur.