Véritable vaisseau de pierre, Venise ne peut être disposée comme d'autres villes ; cité lacustre, elle conserve l'aspect primitif de sa formation. La terre étant rare, elle fut peu prodiguée; les palais, les églises, les maisons furent resserrées, agglomérées, et gagnèrent en hauteur ce qu'ils ne pouvaient avoir en étendue. Les nombreux jardins qui existaient jadis disparurent sous le flot montant d'une dense population : un ancien jardin, ombragé par un figuier gigantesque, fut converti en place et devint la Piazza.
Au milieu d'une affluence d'éléments si divers, Venise ne put ressembler à d'autres centres et fit preuve du plus grand éclectisme, en accueillant schismatiques et mahométans elle soigna sa clientèle.
La véritable oligarchie vénitienne ne remonte guère avant 1297. sous le doge Pietro Cradenigo ; il fut admis alors que seuls les citoyens qui avaient eu un père ou un aïeul dans le Grand Conseil pourraient faire partie du gouvernement. C'était l'exclusion du peuple. Cette loi souleva des mécontents, mais les conjurations furent réprimées impitoyablement.
Aucune autre ville ne laisse l'imagination plus vagabonde et n'apporte plus d'impressions variées : souriante, amoureuse et perverse, Venise même dans ses vices, fut presque sublime.