On serait encore injuste si l’on ne mentionnait, au moins de nom, l’historien Giorgio Vasari (1512-1574), plus connu par son livre que par les œuvres de son pinceau. S’il a laissé beaucoup de fresques, dans les églises et les palais, ses tableaux de chevalet sont restés fort rares. Vasari a dit lui-même de ses ouvrages : « Je les ai faits avec une conscience et un amour qui les rendent dignes, sinon d’éloges, au moins d’indulgence. » On peut lui reprocher d’habitude une évidente précipitation, que les procédés de la fresque rendaient alors nécessaire dans la peinture murale, mais qui pouvait, avec une facilité indéfinie de retouches et de corrections, s’éviter sur la toile ou le panneau. L’on sont, dans Vasari, le style florentin et l’imitation de Michel-Ange, qu’il connut vieux à Rome, qu’il aima comme un père, qu’il admira comme un maître. Par ces caractères, il ressemble au premier Bronzino, mais sans l’égaler, et si, comme disent les annotateurs de son livre, « aucun défaut notable ne déprécie ses ouvrages, » il faut ajouter avec eux : « mais aucune qualité forte ne les recommande. »
La grande fresque du Jugement dernier, qui occupe toute la muraille en face de l’entrée, est un ouvrage très-postérieur aux peintures de la voûte et d’un caractère aussi différent que l’était devenu le caractère de son auteur à trente ans de distance. Ce fut après sa brouille avec Jules II et le raccommodement bizarre qui la suivit — après son ambassade à Bologne — après le long siège de Florence, en 1550, lorsque cette ville républicaine lutta seule et vaillamment contre le pape, l’empereur et les Médicis ligués pour sa ruine, et que Michel-Ange, nommé par le conseil des Dix procurator e générale des travaux de défense, resta six mois entiers sur le mont San-Miniato ; — ce fut, dis-je, après les actes principaux de sa vie politique, qu’il résolut de traiter un sujet si bien approprié à la nature de son vaste et sombre génie.
Des trois arts du dessin, que la voix unanime des nations a salués par exellence du nom de beaux-arts, la peinture est le dernier, historiquement et par les dates. Peut-être a-t-elle repris le premier rang par l'estime et l'admiration qu'elle inspire. Mais on ne saurait le nier : comme la musique ne fut d'abord que la servante de la poésie, l'art de peindre ne fut que le serviteur des autres arts, leurs accessoire, leur complément.
L’Espagne aussi, dans sou Museo del Reij, n’avait eu de cet homme illustre à tant de titres que deux répétitions d’ouvrages dont nous avons probablement au Louvre les originaux, ou plutôt, si je puis employer ces termes, les éditions primitives, car les autres ne sont pas précisément des copies, puisqu’elles sortent de la main du maître et changées par des variantes. Telle est un second portrait de cette Joconde, mieux conservé que le nôtre, et qui a pour fond un rideau sombre au lieu d’un vert paysage. Telle est encore la répétition, peut-être l’esquisse, touchée très finement, mais encore plus dégradée, de cette bizarre Sainte Famille où l’on voit Marie assise en travers sur les genoux de sainte Anne, qui attire dans ses bras l’Enfant-Dieu, jouant à ses pieds avec un mouton qu’il tient par les oreilles.
Bien qu’appelée à de si hautes destinées, la peinture ne fut d’abord qu’une simple coloration, soit des lignes et des reliefs dans les œuvres de l’architecture, soit des vêtements du corps dans les œuvres de la statuaire ; et, de même que les œuvres mêmes des deux arts antérieurs, cette coloration, qui ajoutait plus de clarté avec plus de charmes aux objets qu’en revêtait un art plus complexe, était encore plutôt un symbole qu’une imitation.