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sur 255 notes
C'est l'histoire de ma femme qui a décidé de devenir végétarienne. A priori rien contre, je peux moi aussi me passer de boeufs aux hormones ou de poulets à la dioxine. Sauf que, parce qu'il y a toujours des mais dans l'insatisfaction masculine, elle n'a plus de seins depuis qu'elle ne mange que de la verdure. Merde, quoi, un homme a toujours besoin de téter les seins de sa femme ! le pire, c'est que les relations sexuelles ne l'intéressent même plus. Elle se sent devenir « végétale ». A force de ne se nourrir que d'eau fraiche. Mais sans amour, la vie n'est plus une vie. Et en plus, au moindre rayon de soleil, elle se fout à poil pour capter l'énergie et faire monter la sève qu'elle a en elle. La tête en bas, les pieds en l'air. Une folle ! A faire interner d'urgence.

Voilà donc la première histoire de ma vie – ou de ma femme qui ne mangeait plus rien du tout et qui par conséquent ne me faisait même plus à manger. Tu me diras, vu de ton oeil lubrique, pas très passionnant cette histoire de folle plate comme une limande et qui en plus ne mange même plus de poisson. Elle est folle, elle est végétarienne. Point final.


C'est l'histoire de ce beau-frère. Rien de bien passionnant en sa personne, un peu taciturne, il est dans l'art ou un truc dans ce genre et passe son temps à monter des films amateurs. Et là, le lecteur que je suis bascule dans un autre monde, celui de la volupté et du plaisir charnel. Il tombe amoureux de cette femme, la soeur de sa femme, abandonné par son mari, laissé à l'abandon dans un asile. Une alchimie se crée, des effluves de pins se répandent dans l'atmosphère. La folle remange, sort de son asile et fait l'amour aussi sensuellement qu'un enchevêtrement de racines dans une mangrove. Moi aussi, j'ai envie de lui faire l'amour, de sentir la sève couler entre ses cuisses et déverser mon sirop d'érable en elle. Peu importe s'il n'y a pas de forêts d'érables en Corée du Sud.

Tu veux une troisième histoire, celle de la soeur de la folle, la soeur de la dite végétarienne, qui ne comprend pas qu'on en arrive à de telles extrémités, qui semble aussi perdue que sa soeur, son mari, ou son beau-frère. Mais elle reste sa soeur, même dans l'incompréhension. Et les liens du sang ne se discutent pas, même si le sang se transforme en sève et que le rouge hémoglobine se colore en vert chlorophylle. le genre de femme à se poser beaucoup de questions, mais l'histoire dépasse tant le domaine de l'imaginable qu'elle ne peut éprouver que malaise et pitié en regardant sa soeur se « transformer » en plante verte.

Je ne connaitrai jamais directement le ressenti de l'intéressée, « la végétarienne » avec ses cauchemars maculés de sang et de boucherie, mais je fantasme déjà chaque parcelle de son corps avec la furieuse envie de sortir ma tige de bambou et de laisser couler ma sève entre ses cuisses. Une telle rencontre est si improbable, une telle métamorphose si kafkaïenne, que j'ai ce besoin aussi de planter mes racines entre les siennes et de sentir cette odeur végétale d'herbe mouillée par la rosée. Han Kang signe là un roman aussi étrange qu'envoutant, aussi sensuel que bandant. du rarement lu.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Un matin comme tous les autres, Yŏnghye vide son réfrigérateur de tous les produits d'origine animale. Au grand dam de son mari, elle a décidé de devenir végétarienne. Jusqu'ici elle était une épouse modèle, discrète et dévouée et soudain elle se comporte étrangement sans donner d'explication à cette nouvelle lubie, si ce n'est un rêve qu'elle aurait fait. Pour son mari, la situation est insupportable. Yŏnghye se nourrit peu, elle dépérit, elle est mutique et refuse de faire l'amour.
Sa famille, appelée à la rescousse, est tout aussi désemparée. Son père, un homme violent, la frappe et veut lui faire ingurgiter de force un morceau de viande, la poussant à la pire extrémité. Tous finissent par se détourner d'elle, mis à part sa soeur et son beau-frère. Depuis qu'il sait qu'elle a conservé la tache mongoloïde de sa naissance dans le bas de son dos, ce dernier est obsédé par le corps de sa belle-soeur. Artiste vidéaste, il fantasme sur cette tache verte, végétale, et rêve de peindre son corps et de le filmer. Conciliante, Yŏnghye le laisse faire et son beau-frère va très loin, trop loin, pour l'amour de l'art. Au point que sa femme décide de les faire interner tous les deux. Son mari s'en sort et disparaît tandis que sa soeur dépérit dans un hôpital psychiatrique. Yŏnghye a décidé de ne plus manger, de devenir un arbre. La vie de sa soeur, désormais mère célibataire, est rythmé par son travail, son fils et les visites à Yŏnghye qui a sombré dans la folie…

Quel roman étrange ! Un savant mélange de violence, de folie et d'érotisme. le végétarisme de son héroïne n'est qu'un prétexte pour Kang Han, une façon de montrer comment dans la société coréenne hyper normée, la différence peut détruire l'équilibre d'un couple, d'une famille. le mari de Yŏnghye attend d'elle qu'elle cuisine, de préférence des plats qu'il aime, qu'elle le serve, qu'elle soit aimable avec son patron, en bref qu'elle reste dans le rang. Ne plus manger de viande est une anomalie, un pas de côté mal toléré. En affirmant sa différence, Yŏnghye est perçue comme folle et, de fait, elle le devient.
Ses motivations nous restent inconnues. Yŏnghye reste un personnage éthéré, dont on ne connait pas les pensées, comme la plante qu'elle aspire être. Ce sont son mari, son beau-frère et sa soeur qui racontent son cheminement vers la folie et la façon dont ils ont vécu les choses. Son mari avec tout l'égoïsme du mâle qui voit sa femme lui échapper. Son beau-frère avec la violence d'un désir irrépressible. Sa soeur avec plus de réflexion et de résilience.
Un roman noir, désespéré. le cri silencieux d'une femme seule qui renvoie chacun à sa propre solitude, au manque d'empathie et de communication dans une société rigide et intolérante.
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A travers ces trois récits centrés sur Yonghye, cette femme qui a décidé de devenir végétarienne au grand dam de sa famille, c'est toute la société coréenne qui est passée au hachoir. Cette société du travail jusqu'à l'épuisement, de la morale confucéenne où le père, le mari, le patron… l'homme à qui la femme doit se plier sans répit, de la violence qui éclate au quotidien, ou encore de la viande sous tous ses aspects, du poulpe ou du poisson que l'on mange encore vivant ou du chien que l'on attache et que l'on fait courir derrière une voiture, qu'on laisse mourir d'épuisement dans une souffrance terrible, pour en attendrir la chair. Yonghye n'est, à mon avis, qu'une métaphore de cette société. J'allais oublier la folie bien sûr, qui attend celui ou celle qui ne se conforme pas à la majorité. Vouloir devenir un végétal, me semble bien alors être une bonne option pour s'échapper. C'est un roman surprenant par son thème, brillant par sa construction, très efficace par son écriture (bravo les traducteurs). Il me fait penser à un écrivain japonais, Abe Kobo qui, dans chaque livre n'a pas manqué de dénoncer cette difficulté de vivre en tant qu'individu. D'ailleurs, dans son dernier livre, « Cahier Kangourou », il s'agit aussi d'un homme au bord de la folie qui se transforme peu à peu en végétal.
« La végétarienne » est une recherche de sens de la vie. Ça me donne envie de relire « Le mythe de Sisyphe » de Camus.
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Pour les Coréens, les végétariens sont troublants car leur culture ne laisse pas de place à cette façon de s'alimenter. Pour nous aussi, pourtant entourés de végétariens, -liens ou vegans, cette Végétarienne est troublante, car elle nous renvoie à la folie, à la sensualité, au corps, à l'alimentation, à ce qui fait basculer une vie banale et lisse dans un monde délirant mais plus beau.

Je ne dirais pas que j'ai aimé ce livre, je ne dirais même pas que je l'ai compris, mais il m'a intriguée, angoissée et touchée. Pourquoi Yongyué devient-elle végétarienne ascendant je-me-prends-pour-un-arbre ? Pourquoi ses proches sont-ils soit dégoûtés soit bizarrement fascinés, mais jamais capables de rentrer en relation avec elle ou de l'aider ? Pourquoi a-t-elle l'air de s'approcher du bonheur en même temps qu'elle s'approche du délire et de la mort ?

C'est bien parce que je n'ai aucune réponse que ce livre étrange, sensuel et mystique m'a marquée et continuera à me faire penser dans les semaines à venir...
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Une histoire envoûtante, construite en trois chapitres et racontée par trois narrateurs différents. Chacun d'entre eux donne sa version de l'histoire de Yonghye, qui, un matin, ouvre son réfrigérateur et décide de ne plus manger de viande.
Elle devient végétarienne et cette décision radicale va perturber et déstabiliser son entourage.
Yonghye se nourrit de soupes et de légumes, son corps se transforme, elle veut devenir végétale.
Beaucoup de sujets sont abordés dans ce livre et il y a matière à réfléchir sur ce qui est dans la norme ou ne l'est pas, sur l'anorexie, l'autodestruction.
Un roman onirique, étrange, écrit avec précision et finesse.
Un peu déçue par la fin, je n'ai pas mis 5 étoiles.
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Suite à un rêve assez sombre dans lequel elle est maculée de sang après avoir déambulé parmi d'énormes morceaux de viande suspendus et mâché leurs chaires crues, Yŏnghye décide de bannir à jamais toute denrée animale de son alimentation.

Une décision non dépourvue de conséquences pour sa famille comme pour elle-même.

C'est autour de cet évènement que se déclinent les trois récits qui composent le roman, narrés successivement parle mari, le beau-frère et la soeur de Yŏnghye.

Là où le mari voit un comportement anticonformiste qui bouleverse ses petites habitudes et sa petite vie paisible, le beau-frère est fasciné par la transformation de Yŏnghye dont le corps prend les contours d'une adolescente informe et devient un objet de fantasme. Seule sa soeur ainée, Inhye, porte un regard tendre et compréhensif sur le déclin de Yŏnghye.

Avec ce roman mêlant lyrisme,érotisme et onirisme, Han Kang nous sert un texte sur la souffrance engendrée par la violence sous toutes ses formes : patriarcale, conjugale ou issue du conformisme. La protagoniste à qui elle laisse peu la parole s'exprime presque uniquement par ce corps qu'elle mutile, puisqu'elle finit par lui refuser toute nourriture, aspirant à sa végétalisation. Cette symbolique pour traiter de l'anorexie associée à la schizophrénie est à la fois déroutante et fascinante, presque apaisante.
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Curieuse histoire d'une coréenne ! Qu'est-ce qui se passe dans la tête de sa femme quand une nuit son mari découvre qu'elle débarrasse frigo et congélo de toute viande après un rêve ? Son nouveau statut de végétarienne chamboulera toute la famille. Sa soeur restera aimante, tandis que le mari démissionnera, quant au beauf, pourquoi ne pas profiter de la situation ? le rêve de Yonghye est de devenir végétal. Et comme les arbres, elle se défeuille en aimant se promener nue et surtout les seins à l'air. J'ai aimé l'ambiguïté de ce roman parce que chacun peut l'interpréter comme il veut, souhait du vrai lecteur. Merci au Bison pour sa critique inégalable. La Corée a le vent en poupe avec les mangas, une littérature originale et même les JO d'hiver qui approchent !
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Quel curieux roman!
Lauréate du Man Booker Prize International 2016, Han Kang étonne et déstabilise avec cette Végétarienne.

Yonghye fait un cauchemar qui l'incite à vider le réfrigérateur de tout son contenu en viande.
Yonghye est mariée, mal marié on pourrait dire. Son mari l'a épousé bien « qu'elle fût dépourvue de tout charme remarquable et sans défaut notable ». C'est donc dire que lorsque Yonghye décide d'être végétarienne, et ultimement, cesser de manger; le monsieur n'est pas content. Cette femme qu'il a marié parce qu'elle ne cause pas de problèmes, l'embête vraiment. Pour son travail, pour sa santé, pour son avenir. Nous avons ici, la première des trois parties de ce romans, que d'aucuns appelleraient nouvelles mais que je préfère plutôt en roman dystopique, car l'autrice nous révèle une vision cauchemardesque de la société sud-coréenne.
Yonghye est le reflet d'un mal être généralisé lié à un mariage stérile, à une société sud-coréenne exigeante et une planète qui préfère nourrir des animaux de boucherie que des êtres humains.

«Il lui arrivait souvent de réfléchir à tous les facteurs qui avaient dû jouer un rôle dans le destin de Yonghye et de méditer à leur propos. »

La deuxième partie est plus ahurissante car elle mets en exergue un beau-frère artiste qui fantasme sur Yonghye qui se transforme en un être végétal. Celui-ci donne dans les arts visuels mélangeant la peinture corporelle et le sexe dans tous ses ébats. Partie, party, qui en dit long sur l'état d'esprit des protagonistes.

La troisième et dernière partie, la plus humaine, ramène la soeur de Yonghye, qui s'est débarrassé de son mari ( le beau-frère de la partie deux) et tente de sauver sa soeur de son état végétatif, après l'avoir mise dans un institut psychiatrique. Quelle période dense. Alors que tout va mal, Yonghye perd encore plus ses pétales, s'enfonce dans son anorexie mentale et déploie ses racines vers une mort certaine.
Je résume, un peu en blague, car le sujet est lourd et sème en moi beaucoup de perturbations. J'ai beaucoup apprécié cette lecture, malgré la lourdeur et le sujet qui vient me chercher. J'ai lutté une partie de ma vie contre certains des démons mentionnés et l'angle d'attaque choisi par l'autrice est troublant. J'ai eu l'impression d'entrer dans le psyché d'une personne souffrant de troubles alimentaires par le biais d'un conte asiatique. WoW!

« Les seuls moments où le mal cesse sont ceux qui suivent un éclat de rire. »
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Coup de coeur pour ce roman atypique, étrange, surprenant, fascinant, inoubliable.
J'ai été happée par cette lecture, par l'histoire de cette femme qui se métamorphose sous nos yeux et qui persiste jusqu'au bout à suivre sa destinée. J'ai vibré avec elle, souffert avec elle.
Cette lecture donne matière à réfléchir, les thèmes abordées sont nombreux :l'anorexie, la peur du jugement si on ne suit pas les chemins de la "normalité"ou les règles dictées par la société/la famille, l'influence de l'éducation sur la personnalité d'un être, la folie ou encore l'autodestruction.
L'écriture est délicate et raffinée.
Une très belle réussite !
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Voici un livre puissant, détonant, dérangeant.
Le titre est de mon humble point de vue mal choisi par l'éditeur français (au moins).
En effet, ce roman est composé de trois chapitres, ou trois parties, dont la première s'intitule "la végétarienne". Et de surcroît, la présentation par l''éditeur en quatrième de couverture est très trompeuse, à croire que l'éditeur n'a pas lu l'opus.

Il s'agit de l'histoire d'une jeune femme dont l'histoire, la vie est racontée par son mari, un gentil petit gars sans histoire, qui a voulu une épouse d'une banalité exemplaire ...
Le premier chapitre intitulé "la végétarienne" décrit une société coréenne assez triste à la fois coincée dans ses règles et principes familiaux, moraux, ancestraux et également d'entreprises (il faut rester avec les collègues le soir pour boire un verre), des principes qui nient pour ne pas dire bafouent les droits simples d'existence de la femme, qui doit d'abord être une monnaie d'échange et d'honneur pour sa famille, qui se doit d'être une bonne ménagère, une bonne mère, une bonne épouse. Tout ce cadre est posé dans ce premier chapitre. Et ce cadre explose.
Dans le second chapitre, l'explosion, choix de l'auteure, est dans le registre de l'art et des rapports humains. Alors, on se dit, pourquoi pas.
Mais, dans le troisième et dernier chapitre, l'auteure nous emmène d'abord près de la folie puis nous plonge dedans, tout en gardant un regard quant au traitement de cette folie.
C'est terriblement éprouvant. Il m'a fallu un temps de "rien"' à la fin de la lecture, même si (faiblesse peut-être romanesque) j'avais appréhendé la tristesse, la culpabilité, l'absence de réponse du dernier personnage.
Bien construit, bien écrit, bien traduit.
Une lecture qui, comme je l'ai dit en introduction, est surprenante, dérangeante, émouvante, et pose des questions quant à notre rapport à la nature.
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