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EAN : 9781880100646
328 pages
Russian Information Services (31/01/2011)
4.5/5   1 notes
Résumé :

Cette autobiographie de Marguerite Harrison, une journaliste du "Baltimore Sun" , qui a été emprisonnée en URSS pour espionnage, a été écrit en 1921.

En 2000, Christopher Rowley et Jane Armstrong en ont fait un documentaire, dans la collection "Les grandes aventurières" avec comme titre : "Marguerite Harrison, une espionne à Moscou".
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+++ COINÇÉE À MOSCOU : L'HISTOIRE D'UNE AMÉRICAINE EN PRISON EN URSS

90 années après sa publication initiale par Marguerite Harrison, en 1921, son récit a été réédité, annoté et illustré, en 2011, par l'éditeur William Benton Whisenhunt, qui a élaboré une fort utile introduction de 17 pages.

Marguerite Harrison est née Baker à Baltimore aux États-Unis en 1878. Pour une fois, Wikipédia m'a doucement fait rigoler avec sa description de l'Américaine, qui a été : "journaliste, réalisatrice, traductrice et... espionne", comme s'il s'agit de petites variantes dans la même catégorie.
La réalité est légèrement plus prosaïque. Lorsqu'en 1915 son mari Thomas Harrison meurt d'une attaque cérébrale, à 37 ans, Marguerite est obligée d'aller travailler pour gagner son pain et celui de son fils Tommy, 13 ans. C'est ainsi qu'elle a démarré sa carrière en écrivant des articles pour le journal local, le "Baltimore Sun".

Comme son père était actif dans la navigation maritime, adolescente elle avait traversé plusieurs fois l'Atlantique et, fascinée par l'Europe, elle avait appris le Français et l'Allemand.
C'est fort de ses atouts linguistiques qu'elle s'est présentée en, septembre 1918, au "Military Intelligence Division" (MID) avec la demande d'être envoyée en Allemagne comme combattante clandestine. Grâce à de solides appuis, sa requête fût acceptée et elle partait sous couverture de journaliste pour l'Allemagne, qui cependant venait juste de signer, le 11 novembre, l'armistice. Elle avait entretemps fêté ses 40 ans.

Intriguée par la Révolution d'Octobre et le régime soviétique, elle a offert ses services au MID, et est partie comme journaliste du même journal et avec un mandat de l'Associated Press à Varsovie, il y a exactement un siècle, durant l'été 1919. À nouveau manque de pot avec son timing, Marguerite est arrivée en pleine guerre russo-polonaise et il lui a fallu traverser les lignes militaires des 2 pays et utiliser divers moyens de transport et de très longues marches à pied pour arriver finalement à Moscou.

Les premiers 8 mois de son séjour en URSS, elle a joui d'une liberté relative et déployé d'énormes efforts journalistiques. Comme le note Whisenhunt la liste des personnes avec qui elle a eu au moins un entretien est impressionnante. Si elle n'a pas eu le temps d'un échange de vues avec Lénine, à cause des longs délais d'attente, elle a réussi à rencontrer Trotsky, Karl Radek, Gueorgui Tchitcherine etc. Avec les femmes communistes elle a eu de très bons rapports, notamment avec Alexandra Kollontaï, commissaire du peuple (ministre) à l'Assistance publique, et l'influente théoricienne socialiste et féministe Angelica Balabanova (1878-1965) - qui était devenue communiste pendant ses études à l'université de Bruxelles ! Tout à fait étonnant est sûrement qu'elle considère que ses échanges de vues les plus intéressants ont été avec Félix "de Fer" Dzerzhinski, créateur de la Tchéka, la police politique et précurseure du KGB. Cet homme d'origine aristocratique polonaise a probablement été zigoullé, en 1926, sur ordre de Staline, dont l'auteure ne souffle dans ses mémoires de plus de 300 pages pas un simple mot.

À part les politiques, elle a rencontré de fameux artistes, tels le génial poète Vladimir Maïakovski (1893-1930), le pianiste et compositeur, Alexandre Scriabine (1871-1915) et le fameux chanteur d'opéra Fédor Chaliapine (1873-1932).

Marguerite Harrison a évidemment aussi fréquenté les peu nombreux étrangers qui se trouvaient comme elle à cette époque en Russie. Parmi eux, signalons Emma Goldman (1869-1940) d'origine lituanienne, anarchiste et philosophe. Elle est l'auteure de mémoires "Vivre ma vie" de 1931. Puis, elle a été très proche du célèbre couple Louise Bryant (1885-1936) auteure du témoignage "Six mois rouges en Russie" et l'épouse du grand reporter John Reed, mort de typhus en 1920, qui est l'auteur du mémorable ouvrage "Dix jours qui ébranlèrent le monde" de 1919. Ce livre a inspiré Warren Beatty a en faire un film en 1981 "Reds", dans lequel il interprète John Reed, avec Diane Keaton à ses côtés comme Louise. Il existe un autre film "Les cloches rouges" dans lequel ce sont Franco Nero et Sydne Rome qui assument ces rôles. Ce film vaut moins la peine que le premier.

La question que tout le monde se pose est naturellement : mais qu'elle mouche l'a piqué pour, à son âge (40) et comme mère d'un fils de 17 ans, aller jouer la Mata Hari ou la Christine Granville à un endroit où les périls étaient pléthoriques ? Si l'auteure est minutieuse dans ses récits de rencontres, elle l'est, au contraire, nettement moins pour ce qui est d'expliquer ses motivations profondes.

Est-ce la mort soudaine de son époux qui l'a convaincu qu'une escapade s'imposait ? Cet argument me paraît un peu naïf pour devenir espionne et courir de tels dangers. Il en va de même pour l'argument du patriotisme. On ne traverse pas, comme volontaire, des champs de la mort et des lignes militaires de l'autre côté de l'Atlantique poussée par un soudain amour de sa patrie. Personnellement, je penche plutôt pour l'explication qui la présente comme une nature exceptionnellement curieuse frappée par ce que les Allemands appellent "Wanderlust" ou en Français un esprit d'aventure ou une obsession de voyager.
Après tout, elle a été membre fondatrice de la "Société des femmes géographes" en 1925.

Mais avant, notre Marguerite a fait un peu de taule. le 20 octobre 1920 elle a été arrêtée et placée 10 mois, jusqu'en juillet 1921, derrière les barreaux. Une expérience abominable bien sûr, mais moins horrible que le système du Goulag introduit plus tard sous le tsar rouge. Pratiquement un tiers de son mémoire est dédié à cet emprisonnement, mais elle en parle avec un détachement inattendu et fait preuve d'une remarquable objectivité.

En rentrant chez elle, Marguerite Harrison s'est mise à écrire son livre de souvenirs, qu'elle a terminé et publié fin 1921.
Et chose incroyable, en juin 1922, elle se trouvait au Japon, en Chine et en Mongolie... Et arrêtée à nouveau par la police politique russe, qui !'accompagna, en novembre 1922, d'Oulan-Bator à la prison Lubyanka, qu'elle connaissait déjà . Au bout de 10 semaines, en mars 1923, elle fût libérée et en rentrant à New York a écrit "Red Bear or Yellow Dragon" (Ours rouge ou dragon jaune).

En 1926, Marguerite a épousé un acteur anglais, Arthur M. Blake, avec qui elle est restée jusqu'à son décès en 1949.
Son "Wanderlust" n'était pas calmé pour autant, et elle a continué à voyager en Iran, Amérique latine et l'Afrique. Elle avait plus de 80 ans, lorsqu'elle se trouvait encore à Berlin.

Elle est morte en 1967 d'un accident cérébro-vasculaire, à l'âge de 88 ans.

Quand bien même si son ouvrage ne s'est pas bien vendu à l'époque, malgré de bonnes critiques, il n'en demeure qu'il s'agit d'un récit extraordinaire, à une époque et un endroit extraordinaires, écrit par une femme extraordinaire. Écrit, qui plus est, totalement de mémoire, les bolcheviks lui ayant refusé d'emporter ses notes.
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