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C'est compliqué la littérature de genre: on aime y trouver ce qu'on est venu y chercher; on aime y être surpris mais pas décontenancé; l'équilibre est périlleux.
Polar classique de chez classique, ce douzième et dernier opus des aventures de Charlie Resnik met fin au cycle non par une mort mais par l'effacement progressif du héros vieillissant, en deuil et désillusionné.
Sa dernière enquête est un cold case et le renvoie aux grandes grèves des mineurs sous Thatcher. La postface contient une bibliographie impressionnante qui témoigne de la volonté de John Harvey à restituer le contexte socio-politique de ces événements. C'est d'ailleurs assez ballot parce que, perso, ce que je connais du contexte me vient de mon DVD de "Billy Eliott" et je n'ai pas eu l'impression d'en apprendre plus ici. Ah, si, quand même! La très bonne idée de ce polar, c'est de s'être basé sur l'argent envoyé de partout pour soutenir les grévistes et qui généra évidemment des convoitises. Très bonne idée, donc, mais très sous-exploitée, ce qui réduit un tantinet l'intérêt qu'elle aurait pu susciter.
Donc l'histoire se poursuit cahin-caha, alternant les épisodes de l'enquête et les réminiscences du passé (procédé éprouvé et pour tout dire rapidement ennuyeux). Les révélations ne sont jamais dues à l'enquête mais tombent assez au hasard - après tout, ce doit être souvent comme ça dans la vraie vie.
Rien d'épastrouillant, donc, mais rien non plus de rédhibitoire (c'est d'ailleurs plutôt bien écrit), mais je me demandais ce qui pouvait bien me gêner dans ma lecture.
Et j'ai fini par trouver.
Alors, oui, hein, on s'en doute, avec un titre pareil, noir c'est noir: les flics ne font pas leur boulot, les syndicats se laissent corrompre, l'amour est un leurre, et surtout le monde est un terrain de chasse pour mâles arrogants qui courent la gueuse.
La victime est une femme dont on peut dire sans trop dévoiler l'intrigue qu'elle fut tuée par un homme. Un meurtrier en série trucide les femmes. Un petit meurtre annexe renvoie à la disparition prématurée d'une jeune femme insuffisamment soumise.L'épouse du détective est elle-même passée de vie à trépas dans un épisode précédent (tuée par un homme, est-il nécessaire de le préciser?) et la détective en chef choisit très mal son petit ami.
Alors loin de moi la volonté de minimiser la réalité des féminicides mais serait-il possible de ne pas faire des femmes d'éternelles victimes? Deux hommes meurent aussi dans ce roman, l'un dans un accident de voiture, l'autre emporté par le blizzard: pas du genre petites choses fragiles et martyres.
Alors déjà qu'un mâle m'explique avec condescendance à quel point il est désolé pour moi ça m'énerve, mais le plus drôle c'est que cette bonne conscience ne se sent pas gênée de coexister avec le cliché le plus relou (littérature de genre, vous dis-je)
Donc, le héros, qui n'est plus de première jeunesse et qui fait équipe avec une ravissante jeune femme, est à deux doigts de se glisser dans son lit. "Elle mentionna Lynn. Cela le sauva. Les sauva tous les deux." Lynn étant l'ancienne femme de Charlie, tuée en service. Avant le meurtre, les collègues plaisantaient sur lui: "Il est au chaud avec cette jeunette de la Criminelle, le petit veinard." Donc, le Charlie a beau être un féministe de bon aloi, il n'ira pas jusqu'à se taper une femme de son âge.
Résumons: dénoncer les violences faites aux femmes, d'accord, mais sans renoncer au héros vieillissant qui s'envoie de jolies jeunettes. Y'a des limites à l'autoflagellation, faut croire.
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Solitaire et déprimé, Charlie Resnick passe ses journées à regarder des films ou à écouter des cd de jazz, un chat arthritique confortablement installé sur les cuisses. Que du bonheur ! Pour briser la monotonie de ses journées, il occupe un poste de réserviste à temps partiel dans un commissariat de Nottingham. La découverte d'un cadavre sous les fondations d'une maison d'une cité ouvrière va ramener Resnick à un passé vieux de trente ans. Jeune policier, il avait été chargé d'y recueillir le maximum de renseignements sur les grévistes. La victime est rapidement identifiée. Il s'agit de Jennifer Hardwick l'épouse d'un mineur, mère de trois enfants, qui s'était lancée dans le mouvement social. La jeune femme avait disparu en décembre 1984, au moment de la grande grève des mineurs. Resnick va aider Catherine Njoroge, une jeune inspectrice d'origine kényane, à mener l'enquête. La mission du duo d'enquêteurs se complique ; avec les années, les souvenirs s'effacent, certains témoins sont décédés et d'autres ont disparu de la circulation. Et les pistes se multiplient : tueur en série, drame conjugal, crime passionnel... John Harvey revient sur cet épisode marquant de l'histoire britannique : la grande grève des mineurs brisée à l'aide de méthodes policières contestables. Répression brutale, manipulation, infiltrations campagnes de presse, toutes les méthodes sont bonnes pour mater et discréditer le mouvement. Jenny, la victime, incarne la lutte passionnée pour un monde ouvrier en lutte, dans un dernier sursaut avant le naufrage. Et il y a un parallèle entre l'enquête sur les circonstances de son meurtre et l'éclairage sur cette période sombre de l'histoire. Charlie Resnick tire sa révérence avec cette histoire pleine d'humanité dans un monde chaque jour plus monstrueux.
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Un polar magistral !

"L'adieu à Resnick" annonce le bandeau rouge entourant le livre. John Harvey le dit dans sa postface, il est temps pour son flic fétiche, Charlie Resnick, de prendre du recul après vingt-cinq années de présence dans les romans et nouvelles de son créateur. Et si le livre s'ouvre sur une scène d'enterrement, Harvey a le bon goût de ne pas faire mourir Resnick mais de le laisser posé sur son banc, dans un square de Nottingham, rêvant de la seule passion qui lui reste : le jazz.

Ténèbres, ténèbres est un vrai polar noir : l'histoire est sombre, les personnages aussi et l'espoir ne montre que rarement le bout de son nez. L'intrigue, remarquablement construite sur un rythme lent (on est loin du page turner...) se développe selon deux axes-temps.

Dans le premier, contemporain, une femme - Jenny Hardwick - considérée comme disparue depuis trente ans est retrouvée par hasard, enterrée sous la terrasse d'un pavillon. Resnick reprend alors bénévolement du service pour assister Catherine Njoroge, chargée de l'enquête. Peu de pistes sinon des fausses, des témoins aux abonnés absents et des moyens limités puisque finalement, personne ne tient vraiment à élucider les travers du passé.

Parallèlement, on suit la vie au quotidien de Jenny en 1984, lors de la grande grève des mineurs anglais que Thatcher avait décidé de faire plier. Si cette histoire finira par donner peu à peu la clé de l'énigme, elle est remarquablement documentée sur cette période trouble. La grève dure, les affrontements avec la police sont quotidiens, les "jaunes" font l'affaire du gouvernement (il faut bien manger...) et les femmes se jettent dans la bataille. Les consciences se forgent ou se défont. Un monde est en train de basculer.

Et c'est là qu'Harvey excelle : dans la description très fouillée de ses personnages, ceux d'il y a trente ans comme ceux d'aujourd'hui. Jenny et toutes les autres femmes, passionnées autant que déboussolées. Catherine, brillante inspectrice, confrontée au sexisme, au racisme et à la violence. Et Resnick, qui traverse le livre avec le regard désabusé de celui qui a tout vu, trop vu.

Oui, après 1984, le monde a basculé en Angleterre. Mais les gens ont-ils changé pour autant ?

"Mécanique" parfaitement ficelée, écriture extrêmement soignée, profondeur des personnages et ambiance léchée : ce livre de John Harvey est impérativement à lire pour qui apprécie les polars "Plus" : ceux qui sont des grands livres avant d'être des polars.
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Le mot « ténèbres » est pour moi un des plus beaux, parce que la lumière ne se voit jamais mieux que lorsqu'elle perce les ténèbres, quels qu'ils soient.
Charlie Resnik est le héros de John Harvey, il lui a consacré douze enquêtes, en vingt-cinq années d'écriture – dans la postface, John Harvey explique comment il a choisi le dénouement pour son personnage, après en avoir écrit un autre. A mes yeux, son choix définitif est bien meilleur que le premier.
Charlie Resnik est officiellement à la retraite, mais il a pu rempiler dans un travail administratif qui l'occupe, et surtout, l'empêche de trop penser, lui qui rentre presque seul chez lui, avec un chat et ses disques de jazz. Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est que l'on retrouverait le corps d'une femme disparue depuis trente ans – et morte depuis trente ans. Les cold case, dans les séries télévisées, c'est bien, c'est facile. Dans un roman qui se veut crédible, cela l'est nettement moins, rares sont les personnes qui n'ont pas déménagées en trente ans, qui n'ont pas changé de métiers, surtout vu le contexte. Trente ans plus tôt, se déroulaient les grandes grèves des mineurs. Resnik était un jeune policier, confronté aux ordres de ses supérieurs et au méthode de certains collègues, sur lesquelles les supérieurs fermaient les yeux – tant que les événements allaient dans le sens qui convenait à la police, tout était bon à prendre.
Resnik jeune, et Jenny, la victime, vivante, voilà les morceaux de passé qui nous sont livrés dans le récit rétrospectif. Jenny, bien vivante, soutenant la grève, participant à des meetings, se débrouillant pour faire garder ses trois enfants, ou pour être revenue à temps pour les chercher à l'école. Un mari, Barry, non gréviste qui ne comprend pas sa femme, qui sort trop du rôle traditionnel des épouses soumises, cantonnées à leur maison, qui ne comprend pas non plus ses grévistes venus d'on ne sait où et qui le traitent de « jaune », lui qui veut seulement continuer à travailler pour que sa famille ait de quoi se nourrir.
Dans le présent, le travail est minutieux, long, fastidieux, surtout que Resnik et Catherine, assignés à cette mission avec deux autres agents, n'ont qu'une semaine pour trouver une piste valable – il est tant d'autres affaires qui attendent, surtout que Picard, le charmant supérieur imbuvable, est assez fataliste, ou réaliste, comme on voudra : le coupable est peut-être mort depuis longtemps !
Petite précision : Catherine Njoroge est noire, pas noire Beyoncé, non, noire noire comme elle le dit elle-même, et j'entends déjà le commentaire (j'en ai déjà eu) précisant que de nos jours, on s'en fout. Ce serait bien, effectivement. Catherine est cependant très consciente que tous ne s'en moquent pas, et qu'elle, son avancement, dérange, certains pensant qu'elle ne l'a obtenu qu'à cause de sa couleur de peau, au nom de la discrimination positive et n'attendant qu'une chose, un bel échec. Ajoutez à cela des parents qui ne comprennent ni son choix professionnel, ni sa rupture avec son compagnon dont, selon eux, elle n'était pas à la hauteur. Ou comment introduire dans un roman, sans jamais utiliser le terme, un personnage de pervers narcissique. Catherine a été suffisamment fine pour s'en rendre compte, de là à dire qu'elle est suffisamment forte pour lui résister constamment, c'est une intrigue qui sous-tend le récit principal.
J'espère que vous apprécierez autant que moi ce roman.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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Encore une lacune dans mes connaissances sur les auteurs de romans policiers : j'ignorais l'existence de John Harvey et celle de son personnage l'inspecteur Charlie Resnick.
C'est réparé grâce à la critique de Nameless en février dernier sur la dernière aventure de l'inspecteur Resnick "Ténèbres, Ténèbres", critique qui m'a donné envie de lire cet ouvrage. Je ne le regrette pas bien au contraire.

Nouveau retraité Resnick occupe un poste de citoyen réserviste au commissariat central.
A l'occasion de travaux un squelette est découvert. Il s'agit de celui d'une jeune femme,Jenny Hardwick, disparue en 1984 lors de la grande grève des mineurs.
l'enquête est confiée à l'inspectrice Catherine Njoroge, d'origine Kényane. Elle se fait assister par Charlie qui était en poste en 1984. Il était à la tête d'une équipe d'agents secrets qui se mêlaient aux grévistes.

Le livre est construit sur deux périodes : la période actuelle et 1984.
les chapitres consacrés au présent nous permettent de suivre l'enquête, les interrogatoires des différentes personnes ayant eu un lien avec la grève ( syndicalistes, témoins, policiers, membres de la famille et amis de Jenny.)
Les chapitres concernant l'année 1984 nous plongent au milieu des grévistes et dans la vie Jenny. Ils nous apportent des informations sur cette grève qui dura un an et se termina sans que les grévistes obtiennent satisfaction. Jenny est une mère de famille mariée avec un mineur non gréviste "un jaune". Au contraire de son mari elle milite du côté des grévistes. Sa disparition restera un mystère jusqu'au dénouement de l'enquête.

Bien que ce soit mon premier contact avec Charlie Resnick, j'ai apprécié le personnage avec son côté humain, honnête et modeste. J'ai également aimé le personnage de Catherine qui doit affronter le racisme coté professionnelle et la violence côté vie privée.

PS : ceux qui écrivent la quatrième de couverture ont-ils toujours lu le livre concerné ? la quatrième de couverture de l'édition Rivage/Noir indique que Jenny est "l'épouse d'un meneur de la grève" alors que c'est exactement le contraire !



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Avec ce dernier opus, le rideau tombe sur les enquêtes menées par Charlie Resnick. John Harvey a décidé de nous le donner à suivre une dernière fois, devenu policier de "seconde ligne", plus en situation de responsabilité mais de soutien et de taches complémentaires pour la police de Nottingham . Il va devoir se replonger dans une affaire qui le ramènera une trentaine d'années en arrière pendant le conflit qui opposait les mineurs au gouvernement Thatcher.
D'une manière subtile et vivante, Harvey retrace la dureté de ce conflit, des compromissions, des trahisons qui pouvaient déchirer la communauté et les familles, révélées au fil d'une passionnante enquête. On referme le livre avec une pointe de tristesse en pensant qu'il s'agit du dernier Resnick qu'écrira John Harvey et un peu plus qu'une pointe en pensant que c'est même, comme il l'a annoncé lui-même, son dernier livre tout court. Il termine en tout cas en beauté, atteignant (encore une fois) magistralement ce qu'il a décrit comme étant le but qu'il s'était assigné : faire se rencontrer Ken Loach et un Philip Marlowe contemporain.
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De John HARVEY,je n'ai lu que quelques polars de la série Franck HELDER, que j'avais vraiment appréciés.
Je n'avais lu aucun des 11premiers tomes de la série Charlie RESNIK, mais j'ai quand même décidé d'emprunter ce dernier opus qui me faisait de l'oeil sur le présentoir de la bibliothèque que je fréquente. Ce personnage m'a plus touché encore que Franck, j'aurais tendance à le comparer à John REBUS, l'inspecteur écossais cultissime (pour moi du moins) de Ian RANKIN. du coup,je vais essayer de lire la série dans l'ordre chronologique.
L'enquête est prétexte à nous replonger dans un épisode sombre et peu glorieux de l'Histoire de la Grande-Bretagne, la grande grève des mineurs de 1984. le climat social de l'époque est très bien décrit, les personnages sont crédibles, certains très attachants, d'autres plutôt répugnants. L'auteur attache beaucoup d'importance à la place de la femme dans la société, prenant le parti de ces femmes qui revendiquent leur liberté de pensée et d'action, à l'époque (ces deux égéries du mouvement de protestation) comme de nos jours (l'inspectrice d'origine kenyanne qui se rend bien compte qu'elle a bénéficié de la double "discrimination positive").
J'apprécie particulièrement ces polars d'auteurs britanniques (Rankin, Bruen, Millar, Harvey, Dolan, ...) qui se servent de bonnes intrigues menées par des flics attachants pour décrire très justement l'état de la société avec de nombreuses références historiques, musicales, littéraires et politiques. Il me semble que nous n'avons pas ce genre d'auteurs en France, je n'en ai aucun qui me vient à l'esprit.
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Angleterre. Bledwell Vale. le corps de femme retrouvé dans les fondations d'une maison est celui de Jenny Hardwick. Elle avait disparu et militait du côté des grévistes alors que son époux continuait de bosser. Il se disait que leur couple était vacillant. Catherine Njoroge se voit confier cette affaire par son patron qui s'en débarrasse comme s'il tenait un nid de vipères. Les exactions policières sous le règne de Madame Thatcher n'ont pas toujours été très clean. L'inspectrice va convaincre le vieux Charlie Resnick de la rejoindre dans son équipe.

Si, comme moi, tu découvres le célèbre Charles Resnick alors qu'il fait ses bagages après une belle série de son auteur, sache qu'il ma été vivement conseillé de commencer par le commencement pour suivre l'évolution du personnage. Comme de bien entendu je fais le contraire. Na ! Tant pis pour moi. Et tant mieux puisque j'avais faim de Resnick et que je n'ai pu me résoudre à attendre de me procurer les onze titres précédents. Ceci étant dit, et même si je ne suis pas fiérot de passer pour un arpète, j'ai été conquis par le « métier » de John Harvey, sa parfaite maîtrise de l'intrigue, sa capacité à se débarrasser du superflu, son attachement à créer des personnages qui nous parlent, sa représentation d'une société en proie à de profonds bouleversements. Et puis il y a Charlie.
La suite sur : http://bobpolarexpress.over-blog.com/2016/02/des-femmes-en-lutte.html
Lien : http://bobpolarexpress.over-..
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Une plongée dans le monde des ouvriers anglais de 1984, qui luttent contre Thatcher et sa politique ultralibérale. Une femme, dont le mari reste un "jaune" (continue de travailler) s'engage fortement dans le mouvement syndical qui incite, soutient les grévistes. Et un jour, elle disparaît, laissant ses 3 enfants et son mari.
Nous sommes 30 ans plus tard, et Resnick est appelé pour servir de suppléant à une belle jeune policière de couleur pour enquêter sur le corps d'une femme, retrouvé sous la chape d'une extension immobilière.
L'intrigue passe d'une période à une autre en permanence et les narrateurs diffèrent aussi.
L'ensemble est simple, efficace, avec le charme de ces enquêteurs que l'on suit depuis si longtemps.
La postface de John Harvey est touchante également!
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Après 25 ans de bons et loyaux services et 12 enquêtes, Charlie Resnick raccroche les gants, comme nous l'apprend son papa, John Harvey, dans la courte postface de Ténébres, Ténèbres. Il va manquer dans le paysage littéraire le flic d'origine polak comme moi, créateur d'invraisemblables sandwiches, féru de jazz, qui partage sa vie avec ses cinq chats baptisés de prénoms empruntés à des jazzmen célèbres. J'ai entamé cette lecture avec beaucoup d'émotion.


Charlie est à la retraite, il regarde Colombo l'après-midi, se couche à 22h00 et Dizzy est le seul survivant parmi ses chats, vieux et rhumatisant. Mais en Grande-Bretagne comme ailleurs, les crédits alloués aux grands services de l'Etat sont amputés, et la police rappelle des réservistes-retraités quand elle croule sous la charge. L'enquête dans laquelle on demande à Charlie d'assister Catherine Njoroge, policière de la nouvelle génération, concerne la découverte d'un squelette féminin resté enterré durant trois décennies. Il s'agit de Jenny Hardwick, femme de mineur, mystérieusement disparue en 1984 au cours de la plus longue et de la plus violente grève de Grande-Bretagne qui a opposé durant un an, les mineurs à « l'autre garce » Margaret Thatcher, connue sous l'acronyme Tina (There Is No Alternative).


Charlie est sollicité parce qu'il a vécu les événements quand il était jeune policier, en poste dans la région où vivait Jenny, et qu'il connaît de nombreux témoins. 30 ans plus tard, il revient sur son passé, sur sa jeunesse, sur sa liaison avec Lynn. Fidèle à ses thèmes de prédilection, l'auteur parle avec humanité des petites gens, de leurs difficultés, les observe dans leur contexte social. Ici, il a choisi comme fil conducteur la grève de 1984, restée dans la mémoire collective comme l'extermination de la classe ouvrière par la dame de fer au nom d'un néo-libéralisme qui a plongé une génération dans la misère et le chômage. Il raconte la bataille d'Orgreave, au cours de laquelle la répression a été élevée au rang d'un art, l'infiltration des grévistes par 3 000 agents du renseignement, la déclaration d'illégalité de la grève, la mise sous séquestre des avoirs des syndicats, le sort réservé aux jaunes, les promesses mensongères, le goutte-à-goutte de la désinformation, la famine. Il raconte la solidarité des mineurs russes, tchèques, polonais, français. Tous ont envoyé de l'argent à leurs collègues ; des valises pleines de billets voyageaient en train, en bus, tous les comptes des syndicats étant bloqués. Les mineurs de la Ruhr ont diligenté des camions de jouets pour que le Noël des enfants soit moins triste. Mais c'est surtout aux femmes que John Harvey rend hommage, celles qui se sont engagées aux côtés de leurs hommes pour assurer la collecte de la nourriture, les repas, s'exprimer dans les réunions, transporter clandestinement l'argent quand il arrivait.


John Harvey n'est pas manichéen, il n'hésite donc pas à évoquer les magouilles, les embrouilles, les conflits qui ont agité tous ceux qui avaient des intérêts dans la poursuite ou l'arrêt de la grève, y compris dans le camp des mineurs. Jenny s'est-elle enfuie avec un bel amant roux rencontré dans un meeting ou a-t-elle été victime de ses engagements ?


Ténèbres, Ténèbres, roman magnifique, est un chant du cygne poignant, mettant pour la dernière fois en scène Charlie, homme fatigué, témoin durant 25 ans de la déliquescence de la société, observateur davantage qu'acteur, qui comprend de moins en moins le monde qui change trop vite autour de lui. Merci John Harvey d'avoir offert un tel personnage à la littérature.
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