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Martin Hei-degger est un des philosphes les plus abordables par le grand public, c'est un pédagogue hors-pair et un vulgarisateur de grand talent. Ainsi sa philosophie est régulièrement abordée en primaire dans les ateliers philo. Dans les classes de moyennes sections des écoles Montessori, ses textes sont mémorisés sous forme de comptines comme la fameuse chanson "Dasein es-tu là ?"

(Petite remarque avant d'aborder le texte : il est important de se référer aux notices en bas de page pour bien comprendre ce qu'a voulu dire l'auteur)

Hei-degger nous parle du Dasein et de l'étantité de l'étant : l'existant s'interroge sur son être en tant qu'entité ontologique. (1)
Le Dasein est là, il est présence intentionnelle, ouverture ou encore disponibilité. Il est être-au-monde existant, tenant ouverte sa propre ouverture. (2)
Le Dasein perçoit, comprend mais rejette l'être. Il se trouve toujours dans un résolution devançante.(3)
La facticité du Dasein est son ipséité : il est jeté dans l'alternative entre une impropriété ou une propriété du soi. (4)
Si vous ne comprenez rien à tout ce charabia, c'est normal ! Hei-degger lui-même en se relisant, ne comprenait pas ce qu'il avait écrit. le matin, avec une belle gueule de bois, il se disait en relisant son texte :

Pour conclure Hei-degger, ce grand philosophe humaniste, a eu beaucoup d'amis super sympas.

(1) Hei-degger fait ici allusion à son ami d'enfance Adolf H.
(2)Hei-degger fait ici allusion à son ami de bistrot Rudolf H.
(3)Hei-degger fait ici allusion à son ami de teuf Hermann G.
(4)Hei-degger fait ici allusion à son fournisseur de schnaps Heinrich H.
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À l'aube du XXe siècle, le principe de référence scientifique monopolise déjà toute la recherche sur le monde et commence à s'imposer aussi aux recherches sur l'homme. Les « geisteswissenschaften » apparaissent et leur influence s'étend bien rapidement à l'esthétique de même qu'à la philosophie. Désormais, tout doit devenir vérifiable empiriquement, tout doit être mesurable à l'échelle d'une rationalité froide et objective, tout doit passer au crible scientifique. Très vite, le beau disparaît de l'Art, le bien de la Moralité, le divin de la Religion et la sagesse de la philosophie. Hypnotisés par les exploits techniques qui découlent de la science, tout ce qui reste des autres sphères de l'expérience humaine ne seraient plus que des expressions primales issues de mesquines pulsions que l'on doit désormais se consacrer, corps et âme à mettre à jour.
Parallèlement, la philosophie est devenue une discipline exclusivement universitaire. Il faut désormais faire des études pour ne pas être effrayé par les difficultés que comporte la lecture de ses textes les plus marquants. La lumière de l'humanité se trouve ainsi sous le boisseau pendant que cette dernière joue à l'apprenti-sorcier avec les technologies issues des recherches scientifiques de pointe.
Dans ce contexte, il est vraiment rafraîchissant de trouver encore un grand penseur qui a la naïveté donquichottesque de poser des questions impossibles et d'y travailler de tout son être. C'est en cela que réside tout le charme de Heidegger pour moi.
Partant en toute conscience directement contre toutes les tendances environnantes, Heidegger se pose en effet la question de l'être : « La question de l'être est aujourd'hui tombée dans l'oubli... la peine que cela demanderait d'engager une nouvelle γιγαντομαχία περί τής ούσίαζ (bataille de géants autour de l'être (Platon, Sophiste, 246a)), on s'en tient pour dispensé. »(25) Or, pour lui, on ne saura jamais pourquoi, « La question du sens de être doit être posée. »(28)
Ramenant la science à ce quelle est : une activité humaine se voulant ahumaine. Heidegger dit que les sciences « sont des comportements de l'homme, [elles] ont le genre d'être de cet étant (l'homme). Cet étant, nous lui donnons place dans notre terminologie sous le nom de d'a s e i n. »(36) Et c'est par l'analyse du Dasein que la quête de l'être pourra être entreprise.
La question de l'être dépasse évidemment d'emblée l'horizon du Dasein, mais le support a pour lui d'être à la hauteur de l'homme et la conviction heideggérienne de ne pas travailler en vain est si entraînante et nous engage dans des détours si étonnants qu'elle constitue un des plus beaux exercices de pensée qu'on puisse faire. Alors, si le coeur vous en dit, n'hésitez surtout pas!
Il existe même une traduction disponible gratuitement en ligne : http://www.philosophie-en-ligne.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=56:martin-heidegger-etre-et-temps-traduction-par-emmanuel-martineau&catid=34:articles-de-philosophie&Itemid=86
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Martin Heidegger veut remonter à la source du problème philosophique : arrêtons de nous demander « qu'est-ce que le temps », « qu'est-ce que la vie », « qu'est-ce que l'amour, la mort, le bonheur, le moi, le nous… ? » mais posons-nous LA question cruciale : « qu'est-ce que l'être ? » Non pas question tautologique (et pourtant, ce serait plus simple de l'admettre) mais question paradoxale, car comment arriver à définir l'être sans l'élucider en même temps ? Dans la question : « qu'est-ce que l'être », le plus grand risque serait de trouver l' « est » avant l' « être ». Pour pallier à cette difficulté, Martin Heidegger admet quelques principes de base :
- L'être se cache derrière une infinité d'étants.
- L'homme a une pré-compréhension spontanée et naturelle de l'être. Si nous ne l'avions pas, nous ne pourrions pas interroger.


Par simplification, l'homme est assimilé à la figure du Dasein. le Dasein est un concept d'homme qui questionne et s'auto-interprète lui-même. Puisqu'il est impossible d'interroger l'être à propos de l'être, Martin Heidegger s'appuie sur une méthode d'approximation et demande à l'étant dont l'être est cette compréhension elle-même de s'interroger.


Pour voir, encore faut-il ne pas être aveuglé. Et se laisser aveugler, cela revient à se laisser distraire par la vie : l'homme mène alors une vie inauthentique. Elle le sera d'autant plus qu'il aura l'impression qu'elle ne l'est pas.


« le On décharge ainsi à chaque fois le Dasein en sa quotidienneté. Mais il y a plus encore : avec cette décharge d'être, le On complaît au Dasein pour autant qu'il y a en lui la tendance à la légèreté et à la facilité, et c'est précisément parce que le On complaît ainsi constamment au Dasein qu'il maintient et consolide sa domination têtue. Chacun est l'autre et nul n'est lui-même. le On qui répond à la question du qui du Dasein est le personne auquel tout Dasein, dans son être-les-uns-parmi-les-autres, s'est à chaque fois déjà livré. »


Une explication religieuse comme celle du péché primordial serait la bienvenue pour justifier la raison mystérieuse de cette inauthenticité : si ce n'est visiblement pas dans l'intérêt du Dasein de mener une vie inauthentique, pourquoi la subit-il malgré tout ? On ne le saura pas. Martin Heidegger réfléchit surtout aux mécanismes qui permettraient de se rapprocher de l'Être. La plupart des néologismes dont il est l'auteur lui permettent d'aborder la question sous un nouvel angle. Martin Heidegger fait table rase des mots trop vieux, des mots usés par les abus de langage, des mots vidés de leur signification. Il aurait pu utiliser la poésie et ses métaphores –il préfère inventer au risque de devenir barbare, évitant le piège de la poésie pour le barbarisme d'un langage technique et difficilement accessible Dans le processus de passage de l'inauthentique à l'authentique –ce qui me semble être l'apprentissage primordial d'Être et temps, Martin Heidegger repense l'Angoisse et la Voix de la conscience en tant que concepts purs, comme s'ils étaient évoqués pour la première fois.


« le fait que l'angoisse saisit la conscience morale est là pour confirmer phénoménalement que, en entendant l'appel, le Dasein est mis en face de l'étrangeté de soi-même. le parti d'y voir clair en conscience aboutit à affronter l'angoisse. »


Première étape du processus : l'Angoisse comme pressentiment de n'être pas à soi-même. Deuxième étape (confirmation de la première) : l'appel de la conscience, qui n'est pas un appel ponctuel à visée éthique ou morale, mais un appel par soi-même au soi-même déchu dans l'inauthenticité. le Dasein ne peut encore se définir qu'en creux. Comment arriver à le définir dans toute son authenticité ? Martin Heidegger aborde moins la question d'un point de vue moral que d'un point de vue temporel.


Malheureusement, il n'a jamais réussi à terminer la rédaction de son essai. La deuxième partie, celle qui aurait dû permettre de répondre à cette question de l'être défini à travers le temps, n'a pas été achevée. Si une raison doit être invoquée, c'est peut-être celle de l'incapacité du langage à traduire une expérience temporelle qui relève davantage de l'expérience que de la théorie. Lorsque Martin Heidegger suggère, dans sa première partie, que le temps se dirige à la fois du passé vers le futur, mais aussi dans le sens inverse (« le Dasein « est » son passé de la manière où son être, pour le dire rudimentairement, « advient » [geschieht] chaque fois à partir de son avenir »), il dessine un Être cristallisé dans l'instant présent, rendu immense par la somme de son passé et par les possibilités de son avenir, dans un accord instantané avec l'ensemble de l'univers. Mais quels mots justes peut-on trouver pour décrire une situation trop éphémère pour exister ?


Le langage de Martin Heidegger a beau être aride, son livre illisible, sa vision du monde lance quelques étincelles, elle essaie de rendre l'homme «illuminé », de faire de lui quelqu'un qui, « en tant qu'être au monde, est éclairé, non par un autre étant mais en ce qu'il est lui-même la clairière ». de la même façon, il est certainement très difficile de saisir Être et temps dans son exhaustivité. Son langage aride laisse des zones d'incertitude sur son propos, incertitude que l'on peut traduire en interrogations ou en déformations. Parmi ces interprétations, il sera même impossible de trancher. La source Heidegger aura nourri de nombreux confluents plus concrets : peut-être vaut-il mieux se consacrer à ceux-ci ? Et réserver à Être et temps la lecture morcelée, a-temporelle, a-morale et a-topique qui lui convient ? …
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Imaginons une piste de danse. Ces étants sont des être-au-monde qui dansent sur la piste, ce sont des Dasein quotidiens. Ils mènent leur existence moyenne. Ils sont ententifs, tout à leur affaire dans la préoccupation de danser. La discernation dans l'entourance de leur monde ambiant respectif leur fait entrevoir les réseaux de renvoi des utilisables (un espace se libère, une table devient disponible, la file d'attente au bar diminue, la musique donne le rythme...). Ce sont des être-avec et comme ils ont consience des autres, ce sont des êtres-en-compagnie dans le soucis mutuel et la discernation. Ils sont sur le mode du nous-on. Au bar, idem, le barman a tout sous la main : les verres, les bouteilles, le tiroir-caisse ; lui aussi est un être-au-monde dans la manière d'être-avec. La différence c'est qu'il est en mode dégradé, en mode être-seul, c'est-à-dire que les Dasein autour de lui ne sont plus que des être-là-devant, comme le comptoir, les billets qu'on lui donne. Il n'est pas du tout dans le soucis-mutuel par exemple. Mais il suffit qu'une bouteille soit vide et c'est la récalcitrance, que l'évier se bouche et c'est l'importunance. Un réseau de renvoi apparaît : la poubelle, la remise où trouver la nouvelle bouteille, l'ouvre-bouteille ; c'est la mondéité qui apparaît dans ce réseau de renvois, toutes ces conjointures, la significativité. Mais aussitôt la surprenance passée, hop il en revient à la préoccupation et à la discernation de l'util utilisable de son entourance propre (les verres, les bouteilles, le tiroir-caisse...). La mondéité se voile à nouveau.

Jusque-là, Etre et temps est amusant. On est replongé dans l'univers du "roman de la Rose", comme quand Male-bouche et Chasteté donnent le change à Courtoisie et Bel-accueil. On entre dans le monde merveilleux de Martin, on est tout enchanté de ces nouveaux mots. Mais continuons.

Le type, là-bas, derrière les platines - effectuons un déloignement pour l'intégrer dans notre spatialité - est aussi un Dasein, mais il est silencieux. le silence de son souci l'a interpellé. Et là, c'est l'angoisse. le silence de son souci lui a dit "eh oh, souviens-toi, tu vas mourir !" - "ah oui c'est vrai" a répondu le Dasein du dj. Les autres Dasein qui dansent s'en fichent, ils n'écoutent pas la béance, la faute originelle qui est en eux qui fait que s'ils se retournent, il y a un grand trou. Pour oublier cette fâcheuse idée qu'ils ne sont rien qu'un être-au-monde qui n'a rien d'autre à faire, à être, que d'être - et pour se divertir, parce qu'empêtré dans le train-train quotidien, le Dasein moyen s'ennuie - ils fuient, se jettent dans la curiosité, qui mène à la bougeotte. le dj, lui, écoute son angoisse. Il l'affronte stoïquement, seul et en silence, il est en train de faire un choix, d'étudier les possibles qui organiseront son existence jusqu'à sa mort qui est là, devant, en pleine face, inévitable. Ca y est, il a trouvé. Sa résolution en marche n'a pas peur. La peur, c'est pour ceux qui fuient, la peur disperse. Derrière ses platines, le Dasein résolu dans son silence et sa solitude atteint la propreté de l'existence sous l'effet de son angoisse qui rassemble en une unité ekstatique sa databilité : maintenant, autrefois, alors, tout cela fusionne, et se projette. Désormais, le Dasein sera fidèle à lui-même, il sait ce qu'il a affaire, en chaque instant, l'unité ekstatique lui fera identifier les possibles, non pas toute la gamme de la manière dont il pourrait mener sa vie, cela c'est la bougeotte, non, les possibles dont il pourra utiliser ce que discerne sa discernation pour mener à bien son existence. L'existence est factive, elle est menée par l'utilité, il s'agit d'être effectif, pas le genre à s'amuser. Comme il sait où il va, il maîtrise le temps, il maîtrise les obstacles. Tout droit, il avance maintenant dans la répétition de la tradition, ce dont il a hérité et lui a fait voir les chemins que doit prendre son existence. Plus d'être-en-compagnie, plus de nous-on et de on-dit, plus de quotidienneté, plus de maintenant, plus d'agrément, le Dasein est maintenant seul et en silence, et il décide, il choisit, il agit, sa liberté se résume à mettre son projet à exécution, il marche, sa résolution est en marche, jusqu'à sa mort. Contrairement aux Dasein qui se divertissent, les imbéciles, et trompent leur morosité quotidienne, le Dasein résolu a pris le parti-d'y-voir-clair-en-conscience.

Oh, le temps se couvre on dirait. le vent se lève.

En vérité, il importe peu que le Dasein sache exactement d'où lui vient l'éclaircissement sur les choix de sa résolution, le principal est qu'il se choisisse ses héros (p. 450). Evidemment, la tradition étant une affaire commune, lorsqu'une génération de Dasein se résout à embrasser un destin, c'est un destin commun, et c'est même dans ce destin commun que le Dasein trouve la pleine et propre aventure, celle dont toute la puissance se libère dans le combat, dans cette puissance qui reprend le flambeau, toujours prête à surmonter les obstacles (p. 450 encore). Car une fois résolu, pas question pour le Dasein de changer la direction de sa marche d'un iota. Il projette son existence vers l'avenir et dégage de chaque instant les possibilités qui y mèneront, c'est cela, la liberté, l'enfermement dans sa résolution solitaire, silencieuse et angoissée par l'inéluctabilité de sa mort.

Bien. Tandis que le mode d'être des Dasein quotidiens est décrit en long et en large, on est surpris par l'absence de réflexion sur ce que doivent faire ces Dasein résolus chacun de leur côté à marcher droit vers la réalisation de leur destin, ni même ce sur quoi ils pourraient s'inspirer pour agir (hormis la tradition citée, mais il faut espérer que ce ne soit pas leur seul moyen, sinon il suffit de créer une situation de tradition façon roman national et c'est plié). Comment imaginer une réalité où tout un chacun est excité à se résoudre, dans le silence et l'angoisse à se trouver un destin dans le mépris des autres et avec sa propre mort en ligne de mire ? Comment ne pas avoir envisagé de "cadrer" un peu une telle philosophie par un chapitre sur "la morale", "le bien", "la civilisation", "le plaisir", "la joie", "le bonheur", "l'amour" ? On aura compris que ces mots sont absents du texte, éliminés par préoccupation, souci, faute, angoisse et mort. Si "morale" est présent, c'est qu'il s'agit de l'appel du souci. Par ailleurs, pourquoi l'être ne se choisit "qu'un" destin ? Ne peut-on faire deux choses à la fois ? Oedipe s'est crevé les yeux, Oreste fuyait les Erynies : sympa le rappel du destin. Et pourquoi on ne pourrait pas changer en cours de route ? ce n'est pas ça la liberté ? Si on se trompe, on fait quoi ? on continue quand même jusqu'à ce que mort s'ensuive ? Enfin comment dans un tel monde des réalisations qui dépassent le temps d'existence du Dasein pourraient se faire (accumulation des connaissances, développement des arts, de l'artisanat, de l'industrie, etc.) si le Dasein agit de lui-même par lui-même, résolu dans son silence et son angoisse ? On ne compte que sur la "suggestion" de la propag.. heu pardon de la tradition ? On pourrait rétorquer que la quotidienneté n'est que le mode le plus courant du Dasein, mais comment être à la fois - ou successivement - résolu et irrésolu, mener une existence propre et impropre ? comment passe le Dasein de l'un à l'autre, une fois la résolution prise ? Il redévale avant de se résoudre à nouveau ? Rien n'en est dit. Au contraire, on penche plutôt sur l'idée que les illuminés qui se sentiront des ailes à sauver le monde ou leur avenir, trouveront ici tous les arguments qu'il faut pour devenir un Dasein résolu qui ne dévale plus et écraser la masse de visages qui vivent une existence médiocre (le terme est de MH). La morosité et la grisaille étant du côté de la quotidienneté et la lumière de celle de la résolution, l'idée favorise nettement le mode "propre" (le vocabulaire est "limpide"), et comme celui-ci n'est limité par rien (hormis la mort)...

Bien sûr on trouve ces idées de la manière dont on peut assimiler les masses, mais Tocqueville l'a mieux dit et en plus détaillé quatre-vingt-dix ans plus tôt, on trouve cette idée de l'analogie de la temporellité du Dasein et de l'histoire (mais là je manque d'arguments pour déterminer en quoi Husserl ne s'était pas déjà approché de ces idées). On retient tout de même la description intuitive et assez surprenante de l'être-au-monde, mais il aurait fallu s'arrêter à la page 200 - les suivantes sont inquiétantes.

Etre et temps semble engager un retour vers le Moyen-Age : des seigneurs et des serfs, une danse macabre (les Dasein quotidiens sont en fait déjà morts), un air faussement démenti de christianisme (la lumière, l'obscurité, la "révélation", la faute originelle qui bien sûr n'a rien à voir avec ce qu'on sait : mais pourquoi ce mot alors, puisqu'on invente ouvertude et conjointure ? est-ce de là que JPS trouve "néant" ? c'est tout de même plus "laïque"...) : Schopenhauer est décidément un incorrigible optimiste, l'existence d'un homme équivaut à celle d'un pierre, c'est rassurant, chez MH, le Dasein résolu est un dictateur illuminé. Il m'a semblé que sa philosophie était particulièrement ancrée dans son époque et révélait davantage la Weltanschauung d'un moment historique localisé plutôt que des vérités éternelles. Il le savait puisqu'il cite Yorck : "il n'y a pas non plus de philosophie réelle qui n'ait été historique". Et comme les vérités éternelles n'existent que tant qu'un Dasein est là pour les reconnaître, il suffit de tuer tout le monde pour effacer toute vérité éternelle. CQFD.

En attendant on comprend que cette vision pessimiste de l'existence (si quand même), utilitariste et sans agrément qui fait passer le "bon vivant" pour un imbécile naïf ou une vache à lait soit quelque peu en contradiction avec le régime méditerranéen (petites olives, morceaux de feta et salade niçoise). En attendant, l'heure de l'apéro approche et en ce qui me concerne, je reprends de la blanquette. Ce sera fromage et dessert. Et après un petit cognac, j'irai faire une bonne sieste - et c'est pas mon souci qui va m'en empêcher, foi de morue.
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J'avoue n'avoir jamais apprécié cet auteur, et ne jamais avoir compris l'engouement fanatique qui semble avoir été celui de nombreux universitaires. Et pour deux raisons principales. 1) le début de l'ouvrage me semble très maladroit lorsque le philosophe réhabilite la question du sens de l'être en prétendant montrer que les trois arguments principaux de la tradition philosophique (indéfinissabilité puisque l'être n'est pas un genre, cercle vicieux cher à Pascal "l'être, c'est...",...) sont fragiles. En effet, Heidegger occulte de TRES NOMBREUX autres arguments : celui de Schopenhauer dans de la quadruple racine du principe de raison suffisante, celui de Condillac dans sa grammatologie, celui encore de Nietzsche (l'être comme fiction grammaticale), la théorie des incorporels stoïciens etc.. Très grande maladresse, donc. 2) Heidegger méconnaît les acquis de l'anthropologie et de la linguistique, lui qui a l'outrecuidance de croire que la phénoménologie existentiale peut les fonder !! Car le mot être n'est pas un universel : il n'existe pas dans l'araméen, dans l'algonquin, ni dans certains dialectes de l'Afrique noire ; et parce que, comme le remarque un linguiste comme Benveniste, le sens et la fonction du mot dépendent dans les langues du rapport avec le verbe avoir. Si Être et Temps conserve un intérêt, ce n'est certainement pas pour le mot être qu'il prétend analyser mais pour les analyses sur le langage et le rapport au temps et aux outils. le reste n'est que rhétorique. Et il vaudrait mieux méditer sur les incessants néologismes dont fait preuve Heidegger dans cet ouvrage, et donc sur la CAPACITE en l'homme à inventer et à créer la langue plutôt que sur la soi-disant relation à l' Être que les langues chercheraient à expliciter. Mais la création est le grand thème absent de la réflexion heideggerienne. C'est une pensée du "faire-être" plutôt que de l'être dont la philosophie a besoin, et c'est la raison pour laquelle j'invite tout lecteur à lire Castoriadis qui a parfaitement compris ce point (et qui a donc critiqué le philosophe allemand).
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On peut avec de bonnes raisons jeter Heidegger à la poubelle.
Il n'entre pas dans mon modeste propos ici d'ajouter un énième point de vue sur ce penseur.
Par contre je considère utile, comme le proposait Habermas, de « penser avec Heidegger, contre Heidegger. »
Concernant "Être et temps", il y a quelque intérêt à s'arrêter à son analyse de l'inauthenticité en acte.
C'est d'abord le « on », par lequel l'individu se dérobe à lui-même pour communier dans l'impersonnalité mondaine, le propos convenu, la parole attendue, le fameux « on dit » qui noie tout effort de relation authentique dans le « bavardage » qui s'ensuit ; ce bruit de fond repris en choeur au café, au bureau, à l'usine, entre collègues, et jusque dans les foyers si mal-nommés : cette dévaluation volontaire et universelle de l'usage des mots, les réduisant à nourrir finalement cette « curiosité » toute de surface derrière laquelle s'abrite et se recycle indéfiniment l'indifférence aux autres. Ce mode d'être inauthentique ne date certes pas d'hier – La Bruyère en a dressé quelques portraits acides - mais il a assurément pu prendre ses aises avec l'avènement moderne de la technique comme réduction de la pensée au calcul et à l'intérêt, ce dont Heidegger fait par ailleurs une analyse qu'on qualifierait difficilement "d'obsolète". Sauf à lui donner raison en s'exprimant ainsi.
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Un essai fondamental et fondateur qui, contre certaines démarches nihilistiques, se propose de penser l'être à son fondement radical - bien que je n'aille pas si loin. Hors des polémiques puériles dont cet auteur est atteint aujourd'hui sachons relire ce classique incontournable de la philosophie européenne, même si Heidegger n'a jamais achevé son projet.

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à lire dans la traduction de...le traducteur m'échappe, y s'agit d'une traduction retirée de la circulation aussitôt après parution. A quoi jouent les éditeurs ?. Martineau voilà le nom. Sans comparaison avec celle proposée dans le commerce. Je ne parle pas allemand mais ma traduction, me vient d'un professeur de philosophie qui me la photocopiée.
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Heidegger pose dans cet ouvrage la question fondamentale de l'ontologie, celle de l'être en tant qu'être, oubliée selon lui depuis Parménide. Un ouvrage difficile à lire, une pensée qui me laisse un peu sur ma faim.
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