ISBN : 9782226320926
J'avais déjà évoqué, dans ma fiche précédente - juste au-dessus - sur "
Poulets Grillés", l'indéniable mélancolie, non dénuée de poésie d'ailleurs, qui sous-tendait l'ouvrage. Dans ce second opus, je dirai qu'elle s'accroît considérablement. Ce qui n'est pas sans charme et, comme l'humour noir est toujours présent, ça aidera, je pense, chez certains, la médecine à passer.
Devenus des "donneurs de flics" en raison du succès de leur enquête précédente (Cf. plus haut, c'est fou ce que je me répète ), la Brigade d'Anne Capestan est de moins en moins bien vue de ses pairs. Toujours à part, toujours considérés comme (entre autres) bizarres, excentriques, alcooliques, complètement et dangereusement déjantés, voire complètement inutiles et nuisibles à l'image du 36, Quai des Orfèvres, on ne peut pas plus leur faire confiance qu'aux célèbres Boeufs-Carottes - lesquels ne les aiment pas non plus, soit-dit en passant. Les affaires "tordues", et même plus que "tordues", continuent pourtant à arriver sur leurs bureaux, bureaux qu'ils ont, rappelons-le, aménagés plus ou moins avec leurs propres deniers et pour lesquels le 36 leur refuse toujours la moindre gâterie. Qu'importe : Capestan et sa bande son têtus et ont repris confiance en eux. C'est là l'essentiel.
Toute la bande est ici au complet avec, en prime, Henri
Saint-Lô qui, un peu comme le Mr Dick de "David Copperfield" voyait avec horreur le pauvre Charles Ier d'Angleterre, s'immiscer dans ses pensées et plus encore dans la rédaction de son fameux mémoire sans qu'il pût le contrôler, en est resté, malgré quelques séjours dans des centres de soins spéciaux, à l'époque de Louis XIII et de Richelieu : on le surnomme d'ailleurs "d'Artagnan" et il assure s'être engagé dans la Police du Roy en ... 1612. Quant à notre flic-ivrogne (mais fine gueule) de service, Merlot, le voilà qui s'est mis en tête d'adopter un rat afin d'en faire un "rat policier" puisque, visiblement, l'Administration refuse de leur laisser la responsabilité d'un chien du même type. Illico presto, ce nouveau héros s'est vu baptiser ... "Ratafia" et honni soit qui mal y pense car il est loin d'être bête, notre petit rat. D'ailleurs, il s'entend plutôt bien avec le Pilou de Rosière.
Dans cette atmosphère que l'on n'hésitera pas de qualifier de "normale" pour notre Brigade, déboule, sans aucune politesse, un tueur en série - comment l'appeler autrement ? - qui assassine à des dates bien déterminées tout en choisissant ses cibles pour des raisons évidemment mystérieuses au début mais sur lesquelles il semble bien que dès le début aussi, Orsini, de la Brigade, ait sa petite idée. Cerise sur le gâteau : l'ex-beau-père de Capestan elle-même est visé ... et atteint. Comme il n'était guère très sympathique, on ne va pas le regretter beaucoup mais tout de même, ça fait bizarre et comment parler, dans ces conditions, de "coïncidences" ? En a-t-on le droit seulement ? ...
Une impression de pluie, de brume, d'hésitation et de flânerie se dégage de l'ensemble, que l'action se situe en ville ou pas. Parfois, quelques éclairs (très pâles cependant) à la
Simenon et, malgré de réelles scènes comiques, toujours cette mélancolie qui enveloppe le lecteur, le caresse, l'emmaillote, le fait rêver, divaguer ... Difficile de dire si
Sophie Hénaff a vraiment trouvé son style dans le genre policier. En tous cas, elle n'en est pas loin et je vous recommande de la suivre. Notamment avec ce "
Rester Groupés".
Voyez-vous, malgré les pointes de caricature, ce que j'ai lu de cet auteur jusque maintenant me rappelle tout simplement la vie, douce-amère, tendre et brutale, glauque et illuminée, sale et pourtant passionnante. Sensation curieuse, à approfondir. Surtout dans le policier. Enfin, ce n'est que mon avis. Bonne lecture si vous suivez mon conseil. ;o)