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Critique de Charybde2


À partir d'un bouillant hommage au merveilleux de la fantasy en tant que genre littéraire, concevoir une fulgurante fable politique résolument contemporaine. Encore un tour de force discret de Léo Henry.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/12/20/note-de-lecture-thecel-leo-henry/

Léo Henry, à qui l'on doit déjà les deux véritables monuments indispensables que sont « Hildegarde » (2018) et, avec Jacques Mucchielli, Stéphane Perger et quelques autres, le quatuor de Yirminadingrad (« Yama Loka Terminus » en 2008, « Bara Yogoï » en 2010, « Tadjélé » en 2012 et « Adar » en 2016), s'était lancé en 2013 dans le pari un peu fou, avec la complicité bienveillante de l'éditeur Folio SF, d'écrire trois courts romans synthétisant, hommages sans parodie, trois formes pleines issues des trois genres majeurs de l'imaginaire : ce furent « le casse du continuum » (science-fiction, 2014), « La panse » (fantastique, 2017) et à présent ce « Thecel » (fantasy), publié en mars 2020. Comme il ne sait absolument pas composer de simples hommages à plat, comme l'avaient aussi montré, pour Fredric Brown et le road novel, son « Rouge gueule de bois », et pour Werner Herzog et l'Eldorado, avec Jacques Mucchielli, son « Sur le fleuve », l'exercice de style se mue immédiatement en tour de force à part entière, fût-ce ici sous la contrainte de moins de 300 pages, pourtant particulièrement redoutable en matière de fantasy.

Il serait vraiment dommage de raconter, ou même de dévoiler un peu trop ici, ce fabuleux vrai-faux roman d'apprentissage express de la jeune Moïra, fille cadette de l'Empereur des Sicles. Sachez seulement que tout en organisant avec un extrême brio des résonances intimes et sans aucune gratuité avec les figures canoniques d'une certaine fantasy (qui n'est sans doute pas prioritairement celle de J.R.R. Tolkien), de la merveilleuse malice du Jack Vance de « Un monde magique » ou de « Lyonesse » au pouvoir de nommer et aux archipels potentiellement hantés de dragons de l'Ursula K. le Guin de « Terremer », des pérégrinations au milieu d'un groupe de baladins du Severian de Gene Wolfe (« le cycle du nouveau soleil de Teur », 1980-1987) au château d'autant plus gigantesque et gothique que l'on y est jeunes frère et soeur du « Gormenghast » de Mervyn Peake, en passant par bien d'autres, feutrées ou plus affirmées, c'est peut-être surtout par sa double capacité, sans jamais rien lâcher du côté du merveilleux, à mettre en scène, comme le laissait supposer off the record sa référence à l'historique revue Jeux & Stratégie, et comme Roger Zelazny jadis avec la Marelle des « Neuf Princes d'Ambre », un jeu cosmique brutalement performatif, et à pratiquer, à l'instar peut-être du collectif italien Wu Ming ou de Patrick K. Dewdney, un art avancé de l'anachronisme métaphorique, politiquement productif (et c'est ici que la mise en perspective des préjugés de race et de sexe, de l'emprise du religieux sur l'humain, ou du regard porté sur les réfugiés de la guerre et du climat – guère surprenant à nouveau de la part de l'auteur de « L'autre côté »), que Léo Henry nous offre ici beaucoup plus que la géographie personnelle d'un territoire de fantasy (même si c'est bien de cartographie, mais baignée d'analogies, qu'il est avant tout question), avec ce subtil roman de politique avancée, et du rôle que l'imaginaire et l'individu peuvent y jouer.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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