Heurtebise d'un soir

Etre Ange Heurtebise une fois dans sa vie, me parait être une excellente idée. Dans le Monde égoïste, matérialiste, et eugéniste actuel, Cela rendra sa modestie à plus d'un. L'humain se trouvera, enfin, face à de vraies valeurs: celles de la vie, de l'empathie. Auguste, après une journée de dur labeur, rentre chez lui. Comme tout le monde, il s'imagine, assis sur son divan, zappant tranquillement, à la recherche d'une chaîne qui lui permettra de se détendre. Mais, il y a un hic. Son destin va basculer. Il est choisi pour accompagner l'âme d'un suicidé vers sa destination finale. Quelle est-elle? Auguste a-t-il vraiment envie d'incarner un Ange pour une nuit? A t-il le choix? L'aventure débute pour l'ange éphémère et son compagnon d'une nuit.

Auguste, expert comptable, ne semble pas habitué à éprouver de l'empathie envers son prochain. Vous n'imaginez pas le nombre de fois où j'ai eu envie de lui donner des claques tant sa manière d'être, sa manière de faire m'ont révoltée. Ce qui démontre une très belle plume. Une plume qui fait en sorte que le lecteur s'identifie à l'un des personnages et ressente un sentiment plus ou moins positif envers ce dernier. L'histoire prend au coeur et pousse à se questionner. Qui est cette âme qu'il doit accompagner? Pourquoi Auguste a t-il été choisi plutôt qu'un autre? Quel sera le destin de cette âme? Arrivera-t-elle à destination avec cet huluberlu égoïste, insensible et fier de l'être, qui est son accompagnateur? L'auteur nous fait réfléchir à notre propre fin. Je pense pouvoir dire, sans me tromper, que personne ne voudra d'un Heurtebise tel que Auguste.

C'est le voyage de sa vie, pour Auguste. C'est un voyage qu'il fera aussi à travers sa vie. A travers ses souvenirs. Il va à la recherche de lui-même. Il lui est, peut-être, offert la possibilité de réfléchir à sa vie étriquée, à son entourage. de reprendre sa vie en main d'une meilleure manière. C'est peut-être un voyage dans la conscience d'un homme qui se rend compte de sa vie routinière, de son égoïsme, de son indifférence envers l'autre. Qui est l'âme qu'il accompagne difficilement? Il s'agit peut-être de sa conscience? de cet enfant qu'il était qui apprenait à écrire sous le regard énigmatique de son père? C'est un voyage initiatique pour un homme qui a toujours cru que tout lui était acquis. Notre Heurtebise éphémère se remettra t-il en question? Va t-il rempiler? Une très belle histoire.

J'ai terminé en beauté ma lecture des romans de Maxime Herbaut avec le magnifique
« Heurtebise d'un soir », qui m'a encore fait découvrir l'une des nombreuses facettes du style et de l'imaginaire de cet auteur fabuleux !

Auguste, un homme ordinaire avec des réflexions ordinaires, quoiqu'un peu rêveuses parfois, est choisi pour incarner un ange Heurtebise, gardien jusqu'à une destination mystérieuse d'un homme fraichement suicidé dans la gare où il attend son train . Doté d'une empathie plus que limitée, il va se retrouver dans un univers étrange où le merveilleux et le dangereux se côtoient.

Si vous ne connaissez pas encore l'écriture fluide et magistrale de cet auteur, je vous la conseille vraiment ! Il réussit à créer des décors grandioses, des descriptions savoureuses et très visuelles et je me suis immédiatement immergée dans l'histoire dès les 1ères minutes, au sein de cette gare baignée par une ambiance particulière de fin de journée.

Auguste est un anti-héros que pour ma part j'ai trouvé terriblement attachant, tiraillé par sa conscience et d'autres souvenirs plus sombres de son existence, mais aussi extrêmement drôle, dans sa façon d'affronter les nombreux écueils réels ou projetés lors de son voyage et dans ses répliques.

Certains passages sont génialement inquiétants, l'auteur a ce don d'animer les choses et les objets, à travers notamment des métaphores si belles et tellement bien pensées… Les rencontres avec différents personnages sont étonnantes !

Je ne me suis pas ennuyée une seconde, j'ai aimé particulièrement la présence de petites histoires dans l'histoire, qui elles-mêmes sont très prenantes. La construction du récit est impeccable, je me suis sentie souvent très remuée et partagée entre rire, mélancolie et une émotion intense.

Je suis enchantée d'avoir eu l'occasion de découvrir cette pépite livresque Fantastique, onirique et d'un humour irrésistible et subtil. Je ne peux que vous conseiller vivement et avec enthousiasme de la découvrir à votre tour !

Pourquoi se plonger dans la lecture d'Heurtebise d'un soir ?

Une mauvaise raison serait parce que l'auteur Maxime Herbaut s'avère prolifique avec 3 sorties depuis le début de l'année. Étourdissant ce garçon.

Une raison valable est parce que vous avez déjà lu une de ses autres excellentes créations et que vous avez été conquis par son style.

La première bonne raison pourrait donc être son style. En tout cas c'est ce qui m'a séduit au premier abord à la lecture de ses manuscrits (l'un nous a échappé, l'autre non) et ce dès les premières pages.

Fluide et travaillée, son écriture est belle. Ni ampoulée, ni basique, un juste milieu accessible à tous.

Plus encore la construction de son récit qui nous renvoie sur des à côté qui sonnent par échos au récit principal, comme ici ce couple qui se croise dans des escalators, image d'un film d'espionnage imaginaire ou souvenir réel d'un film vu par l'auteur. Maxime détaille le réel pour nous plonger dans un fantasme onirique, un cauchemar dérangeant.

Car la deuxième très bonne raison est l'univers inhabituel.

L'auteur explore des terres inconnues ; un univers fantasmagorique qui peut parfois nous amuser, parfois nous déranger ou nous inquiéter. Sa gare de départ (Anglefonds) est une et plusieurs, un mélange de nos gares traditionnelles, pour moi une variante de Saint-Lazare, pour vous sans doute une autre. Toutefois elle a quelque chose de plus, une étrangeté, une atmosphère de mal-être. Et les gares qui suivront dans le voyage (telle Montlazare) que l'auteur nous invite à faire apporteront elles aussi leur lot de bizarrerie tels ces escalators sans fin repris en parti sur la couverture réalisée par Chabarb.

Une troisième raison est ses personnages qui s'insèrent à la perfection dans l'univers qu'il décrit. Insaisissables aux premiers abords, ils incarnent des étapes dans le parcours d'Auguste le personnage principal de ce récit. Des étapes, mais aussi des grains de conscience, parfois des débuts d'explications sur l'au-delà, perspective du trajet qui lui demeure bien mystérieux. Croiser avec lui la matrone, le barman ou le SDF et progresser pas à pas sur le chemin vers les Limbes à bord de ce train si spécial.

La dernière raison est bien sûr l'histoire elle-même que je vous rappelle ici.

Auguste est un comptable banal, un homme marié qui va prendre son train pour renter chez lui après une journée de travail. Mais en gare, c'est le bazar, une personne vient de se suicider, bloquant une partie des départs. le cadavre brisé est là sous un drap blanc, tel un premier linceul. Et puis la réalité du comptable bascule lorsqu'un être vient lui proposer de jouer les anges d'une nuit pour accompagner le défunt jusqu'à son dernier repos.

Pourquoi Auguste accepte-t-il ? Par dépit ? Par curiosité ? Parce qu'il estime ne pas avoir le choix ? Mais il accepte. Il prend donc ce train étrange vers la gare des Limbes, affublé d'un chapeau melon et d'un parapluie indispensable à sa mission. le cadavre sous son drap flotte à ses côtés ; l'Auguste à son Pierrot. Mais Auguste a-t-il vraiment réalisé l'ampleur de sa mission ? Pas si sûr !

S'il fallait une raison supplémentaire pour vous plonger à corps et âme perdus dans Heurtebise d'un soir, je pourrais plaider pour l'interview de l'auteur que vous trouverez en fin de roman.

Ne passez pas à côté de ce Roman !
Lien : http://fredericgobillot.over..

C'est facile de juger les gens, d'ailleurs, moi, je le fais tout le temps. Et je pense que vous aussi. Aussi au départ de cette intrigue je considérais le héros de cette histoire comme une personne infecte, désagréable et méritant deux trois bonnes paires de claques (remarquez, c'est peut-être juste mon tempérament violent qui parle.) Et si je pensais que cette caractérisation était la base d'un "redemption arc" tout ce qu'il y a de plus classique, je me rends compte que cette lecture, c'est en fait une rédemption pour le lecteur. Parce que plus on connaît ce cher Auguste, plus ses failles le rendent humain, mélancolique, idiot parfois mais aussi touchant. Et finalement, c'est là dedans que Maxime Herbaut se démerde le mieux : utiliser le fantastique comme prétexte pour parler des pauvres types de tous les jours, de leurs souvenirs, de ce qui les rend fragiles et qui fait que leur vie est tout aussi poétique que celle d'un grand héros tragique.
Finalement, ne jugeons peut-être pas trop vite. On ne sait pas comment pensent les autres.