Citations sur L'Art de l'oisiveté (57)
Par le terme d'artiste, j'entends tous ceux qui éprouvent le besoin et la nécessité de se sentir vivre et grandir, de savoir où ils puisent leurs forces et de se construire à partir de là suivant des lois qui leur sont propres.
"Si je n'étais pas au fond un homme extrêmement laborieux, comment aurais-je eu l'idée d'inventer des éloges et des théories sur l'oisiveté ?
Les oisifs-nés, ceux qui ont le génie de l'inaction, ne font jamais ce genre de chose."
(1928)
Notre forme d'existence actuelle résulte principalement de la valorisation excessive de chaque minute écoulée et de la domination de la vitesse, choses qui, sans aucun doute, détruisent de manière radicale toute joie de vivre. ( pages 11 et 12)
"Je suis ici-bas pour m'étonner de ce que je vois", dit un vers de Goethe. Au commencement, il y a l'étonnement ; à la fin, il y a aussi l'étonnement, et pourtant, le chemin parcouru n'est pas vain. (...) Cette faculté d'émerveillement me rapproche de lui, des poètes et des sages, mais aussi de toutes ces choses que je contemple ébahi et que je sens vivantes : le papillon, le scarabée, le nuage, le fleuve et la montagne.
Le pathos a quelque chose de merveilleux, et il sied souvent admirablement aux jeunes gens. L'humour convient davantage aux vieilles personnes, la capacité de sourire, d'être léger, de voir le monde comme un spectacle, de regarder les choses comme s'il s'agissait des jeux fugaces des nuages dans le ciel du soir.
Aucune école n'apprend mieux à maîtriser son propre corps et ses propres pensées que celle à laquelle sont formés les insomniaques. On n'est capable de traiter les choses avec douceur, de les ménager, que lorsque soi-même on a besoin d'être traité ainsi. Seul celui qui s'est maintes fois senti livré au flot déchaîné de ses pensées dans le silence implacable de ces heures solitaires peut observer ce qui l'entoure avec bienveillance, examiner les choses avec amour, prendre en compte les motivations psychologiques des autres et être assez bon pour comprendre toutes les faiblesses humaines. (Livre de poche, 2007, p.55-56)
Il est possible de perdre de l'argent, la santé, la liberté, la vie, mais les valeurs spirituelles que nous avons vraiment acquises, qui font désormais partie de nous-mêmes, ne peuvent nous être retirées sans qu'on nous ôte en même temps la vie.
Plus le travail intellectuel s'est conformé au mode de fonctionnement d'une industrie brutale... plus la science et l'école se sont appliquées à nous dérober notre liberté et notre personnalité en nous inculquant dès l'enfance l'idéal de l'effort imposé et constant, et plus l'art de l'oisiveté a dépéri.
Il est possible de perdre de l’argent, la santé, la liberté, la vie, mais les valeurs spirituelles que nous avons vraiment acquises, qui font désormais partie de nous-mêmes, ne peuvent nous être retirées sans qu’on nous ôte en même temps la vie.
Lorsque tout nous paraît désespéré, lorsqu’un ciel d’azur, une nuit étoilée ne parviennent même plus à éveiller notre enthousiasme, lorsque nous ne savons plus quel auteur lire, il arrive bien souvent que surgissent des trésors de notre mémoire : un lied de Schubert, une mesure de Mozart, un accord entendu dans une messe, une sonate – mais nous ne savons plus où et quand. Leur clarté nous arrache alors à notre indifférence et leurs mains aimantes viennent se poser sur nos plaies douloureuses… Ah, que serait notre existence sans la musique !