New Avengers Volume 3: Other Worlds

Ce tome fait suite à New Avengers Infinity (épisodes 7 à 12). Il contient les épisodes 13 à 17, initialement parus en 2014, tous écrits par Jonathan Hickman. Les épisodes 13 à 15 sont dessinés et encrés par Simone Bianchi, rehaussés de lavis réalisés par Bianchi et Riccardo Pieruccini, avec une mise en couleurs de Adriano Dall'Alpi. Les épisodes 16 et 17 sont dessinés et encrés par Rags Morales et mis en couleurs par Frank Martin.

La menace liée à Infinity a été circonvenue, mais la menace d'extinction engendrée par les incursions demeure. Les New Avengers (ou aussi Illuminati) se composent de Black Bolt, Namor, Doctor Strange, Reed Richards, Iron Man, Beast et Black Panther. Ils côtoient Maximus (le frère de Black Bolt) et Black Swan (Yabbat Tarru).

Dans une autre réalité (la terre 23099), une autre version des Illumaniti s'apprête à repousser une incursion. Au Wakanda, sur la Terre principale (Terre 616), Black Swan donne des conseils à Hank McCoy et Reed Richards pour construire un appareil capable d'observer d'autres incursions. Reed Richards se rend compte qu'il s'agit d'une variante d'un dispositif qu'il a déjà construit : un Pont (Bridge, voir Dark Reign: Fantastic Four). Ailleurs Doctor Strange se met sérieusement à la recherche d'une solution d'une nature magique pour mettre un terme aux incursions. Sur la Terre 2319, un autre groupe d'Illuminati s'apprête à repousser une incursion, pour la troisième fois.

Les 3 premiers épisodes sont ahurissants de maestria. Jonathan Hickman replonge en plein coeur de l'intrigue principale de la série, avec ce risque d'annihilation très réel (2 terres de réalités différentes qui se percutent, avec à la clef l'anéantissement de l'une ou l'autre, ou les 2). Il met ses héros dans une situation intenable : ils n'ont d'autres choix que de se préparer à détruire les terres qui menacent la leur, causant par la même la destruction d'une autre Terre, compromettant leurs idéaux, leurs valeurs, et risquant à chaque fois de devenir des criminels contre l'humanité (une humanité d'une autre réalité). Hickman pousse chaque personnage un peu plus dans ses retranchements, en les obligeant à recourir à des méthodes de plus en plus discutables. L'un d'entre eux va même jusqu'à renoncer à ce qu'il a de plus précieux pour acquérir un moyen de stopper ces incursions en série.

Hickman se montre encore plus malin dans la manière dont il joue avec les autres réalités (23099 et 2319). Il utilise à fond le fait qu'il a tout loisir d'inventer autant de variations de la Terre 616 que ça lui chante et de créer autant de versions différentes (mais proches de celle 616) du groupe d'Illuminati. du coup le lecteur ne sait plus trop bien se positionner, car il prend fait et cause pour chaque groupe d'Illuminati, alors que le principe même des incursions fait que tous ne peuvent pas survivre.

Ce dispositif retors du scénario est rendu encore plus sadique par la qualité des dessins de Bianchi. Il est possible de récriminer contre certains visages aux traits grossiers. Pour le reste, Bianchi (bien aidé par les lavis) conçoit et réalise différentes versions des Illuminati toutes aussi inventives les unes que les autres, au point que le lecteur en vient à souhaiter qu'une ou deux bénéficient d'un numéro spécial qui leur soit consacré. Il rend avec une consistance impressionnante les décors de science-fiction (technologie futuriste et outils d'anticipation). Il donne une apparence intimidante aux personnages, et méphistophélique au Docteur Strange. Grâce à Bianchi, ces différentes versions acquièrent une épaisseur peu commune, et existent de manière indépendante de la version originale de la Terre 616. L'effet est flagrant quand on compare ses pages à celles plus communes de Rags Morales (qui a pourtant disposé du temps nécessaire pour les peaufiner).

Hickman et Bianchi s'offrent même une page muette dans le premier épisode (juste avec un encadré stipulant Terre 23099) qui pourrait être sorti d'une histoire de science-fiction, sans rapport avec les Avengers, montrant à quel point ce récit s'émancipe de ses origines pour raconter un conflit qui flirte avec le conceptuel, sans rien perdre en action.

S'il y a une baisse d'intensité visuelle dans les 2 derniers épisodes, le scénario ne faiblit pas. Hickman trouve même le moyen d'intégrer un peu de respirations par des scènes d'interactions entre les personnages. Il y a ainsi Sun God (une sorte de croisement entre Sentry et Superman) qui délivre un discours très convainquant sur la nature de l'héroïsme), ainsi qu'une discussion émouvante entre Namor et T'challah, dénuée de toute mièvrerie (Namor n'est pas du genre à s'apitoyer), irradiant une onde de chaleur humaine.

Avec ce nouveau tome, Jonathan Hickman poursuit le développement de son intrigue liée aux incursions. Il révèle à quel point ce risque létal pour la Terre 616 pousse les Avengers dans leurs deniers retranchements, et il ne laisse entrevoir aucune porte de sortie. Il utilise de manière magistrale toutes les richesses qu'offre l'usage de Terres parallèles. Il bénéficie d'un excellent dessinateur pour les 3 premiers épisodes, dont les dessins emmènent le récit à un autre niveau, grâce à une consistance remarquable. Dans les 2 derniers épisodes, la qualité visuelle baisse de manière sensible (tout en restant de qualité pour des comics), alors que le scénario continue de triturer les Illuminati. En outre, Hickman ne se contente pas de faire fructifier les incursions, il intègre également d'autres niveaux de danger qui promettent une suite inoubliable.