J'ai mal à ma foi, docteur, c'est grave ?
Effectivement ce livre fait très mal à la foi. Garanti 100 % hérétique, ce livre est une ode à l'athéisme et au laïcisme. du pur nihilisme théologique. Un chemin de croix dont il faudra porter l'épaule lourde pour en gravir la colline.
Jake Hinkson, l'auteur, lui-même fortement marqué par son éducation religieuse frappe là où ça fait mal et nous délivre une charge sauvage contre la bigoterie. Il a du en baver gamin et on ressent les traumatismes de cette éducation que l'on imagine sans peine avoir été rude et peu amène.
Empli de cynisme, l'auteur délivre son poison qui lentement va se distiller dans vos veines au fur et à mesure des pages tournées.
L'écriture est sèche, clinique, donne des coups de trique aux plus récalcitrants.
Jake Hinkson nous plonge dans un univers d'une noirceur étouffante et nous n'aurons pas de bons mots comme dans "
Pike" de son collègue
Benjamin Whitmer pour nous permettre de prendre quelques goulées d'oxygène avant de replonger tête béante dans ce marasme. Non, il faudra boire la coupe jusqu'à la lie et se régaler de cette hostie vénéneuse que nous sert le diacre Hinkson.
Digne héritier d'un
Jim Thompson, personne n'est épargné et ne trouve grâce aux yeux d'Hinkson. Ce bouquin est une violente diatribe contre la religion et l'hypocrisie qui en émane, tant de la part de ses porteurs de foi que des ouailles qui s'en repaissent.
Jugez plutôt :
"Mais c'est exactement la raison pour laquelle la religion, pour l'essentiel, est une escroquerie. En dépit de toute son histoire et de son prestige, de tous les bâtiments construits pour l'honorer et de tout le sang versé pour la diffuser, la religion n'a rien de différent des lignes de la main ou de l'interprétation du marc de café."
"Cela me frappa de plein fouet, comme une inspiration divine. La religion est le boulot le plus génial jamais inventé, parce que personne ne perd jamais d'argent en prétendant parler à l'homme invisible installé là-haut. Les gens croient déjà en lui. Ils acceptent déjà le fait qu'ils lui doivent de l'argent, et ils pensent même qu'ils brûleront en enfer s'ils ne le paient pas. Celui qui n'arrive par à faire de l'argent dans le business de la religion n'a vraiment rien compris. »
Jake Hinkson crée avec son personnage, Geoffrey Webb, l'archétype de l'odieux personnage, d'un ministre de Dieu plein de vices, veule et vil. Une revisite du "Tartuffe" violente et immorale pour le plus grand bonheur du lecteur. Manipulations, mensonges, abus, meurtres, tromperies sont le pain quotidien dont va se nourrir ce personnage principal pour tenter de se hisser au sommet de la chaîne alimentaire chrétienne. Et nous, pauvres hères naïfs, qui allons nous bien pouvoir prier pour en sortir vivant ? Saint-Roman Noir, priez pour nous...
ps : Impossible de terminer cette chronique sans saluer l'excellent travail éditorial des éditions Gallmeister et la qualité du papier de leurs couvertures, aussi douces que leurs contenus sont rugueux et âpres. La première immersion sensorielle est présente dès la prise en main et c'est un petit bonheur de se plonger dans les tréfonds et tourments de l'âme humaine