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sur 172 notes
Une jolie surprise que ce texte et cette auteure que je lis pour la première fois…grâce à une camarade-libraire [Librairie Caractères / Issy-Les-Moulineaux ] Ayant rédigé un commentaire personnalisé et enthousiaste, en bandeau, cela m'a confirmé mon intérêt premier... Les traditions, usages japonais m'intéressant toujours, je me suis décidée à découvrir cette auteure, ayant déjà plus d'une dizaine de textes à son actif, sur les sujets les plus divers…

A travers la parole du narrateur, un tout jeune homme, kamikaze, ayant été admis au corps de chasse en octobre 1944, après deux ans de formation au Yokaren (école préparatoire de pilotage pour adolescents ) Stéphanie Hochet narre à travers le parcours de ce tout jeune homme l'esprit, les traditions japonaises ancestrales, dont l'allégeance absolue au Dieu sur la Terre, que représente l'Empereur.
Eduqué à l'ancienne par une grand-mère, d'origine noble, avec des ancêtres samouraïs dont elle éprouve une fierté immense…notre narrateur vit à l'écart des autres enfants, surprotégé (ayant une santé vacillante), il part dans son monde à lui, entretenu par son aïeule par les récits guerriers, et les seules sorties encouragées par la grand-mère : assister aux représentations du Théâtre nô…Comme il est l'aîné et le premier fils, tout le futur prestige de la famille repose sur ses frêles épaules…La grand-mère trouverait merveilleux que son petit-fils meurt en guerrier pour son Empereur !
Heureusement, il est passionné par l'aviation… et intégrer enfin un groupe de jeunes gens de son âge va le sortir de sa bulle et lui faire connaître la vie en collectivité…
« Je dois beaucoup à ma grand-mère. C'est elle qui m'a élevé de mes quatre à mes seize ans. (...)
J'ai adoré le Japon ancestral, ses rites, ses éloges de l'ombre et des beautés zen. (...)
Enfant, je résidais dans une maison, seul avec cette vieille dame qui m'a longtemps semblé étrangère. Sa culture et son austérité m'ont formé comme un tuteur redresse un arbrisseau. Je ne vivais pas dans mon époque. Plongé dans l'opéra et ses actes héroïques, je rêvais d'aventures mettant en scène le sacrifice du plus vaillant. «

Il sera admis à l'école de Chasse… puis choisi pour une opération Kamikaze… Je m'arrêterai là dans la divulgation de l'histoire… des imprévus surviendront sur son parcours, qui alimenteront ses doutes, ses interrogations sur son éducation, sur l'histoire de son pays natal, son histoire, le bouddhisme…, les différentes positions philosophiques, etc.

De nombreux sujets de réflexion et de questionnements jalonnent ce roman bref mais dense dans sa narration, dont un et pas des moindres : le conditionnement des individus à des règles, des usages, traditions immuables ( ayant parfois en elles une férocité inouïe..) , la nécessité, un jour, de remettre en cause, de désobéir , de partir, de prendre de la distance..!!
« Quand l'autorité exige de vous ce qui vous répugne, il va de soi qu'on obéit. C'est d'ailleurs ce que j'ai fait en rejoignant l'armée. Je n'ai jamais remis en question la cruauté de nos formateurs. (...) Habitué à ne jamais contester la violence de la hiérarchie, j'ai accepté des règles terribles, il suffisait qu'elles soient des règles. Je suis donc mal placé pour juger Izumi.” (p. 135)

Un roman très apprécié pour son style, ainsi que pour la force du récit des plus épurés, qui aborde des interrogations universelles…sans omettre les détails précieux nous plongeant loin ,dans l'état d'esprit japonais… Merci à la libraire- camarade,Françoise, d'avoir mis en avant ce roman d'une très belle teneur !
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Quelques mois avant la programmée capitulation du Japon, Kaneda pilote de chasse japonais, se prépare à prendre son avion pour aller s'écraser sur l'ennemi américain et se sacrifier pour l'empereur qu'il vénère tant.

Mais juste avant de crasher son avion sur un navire américain, que peut il bien se passer dans son esprit?

Des doutes forcément pour ce jeune soldat élevé par sa grand mere, qui connait le code de conduite des samourais et qui semble également rien ignorer des auteurs grecs antiques et des tragédies de Shakespeare sur le bout de ses doigts . Entre patriotrisme irrévocable et peur de mourir, qui l'emportera?

On connaissait Stéphanie Hochet, qu'on a eu la chance d'interroger il y a quelques années comme fanatique de littérature anglaise et de félin on connaissait moins sa passion pour le Japon

A la facon dont elle décrit de facon aussi réaliste que poétique le pays du Soleil Levant, de ses coutumes à ses ses codes ancestrales, on voit que l'auteure s'est particulièrement documentée sur la société nippone et la relationque les japonais peuvent entretenir par rapport à la vie, et au suicide, question qui interpelle forcément lorsqu'on parle de kamikaze .

Dans ce triptyque aux trois parties bien distinctes, l'auteur nous plonge dans un récit aussi implacable que poétique et c'est une vraie jubilation de lecture !
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Pacifique, un titre nomimal qui interpelle.

Stéphanie Hochet se renouvelle d'un livre à l'autre et ainsi surprend ses lecteurs. Il y a eu l'abécédaire des chats ( Eloge volupteux du chat), une analyse du tatouage ( Sang d'encre), le quotidien d'une autrice en résidence (L'animal et son biographe).
Ici, total changement, l'écrivaine campe son récit au Japon, en avril 1945 au moment de la seconde guerre mondiale et revisite l'Histoire avec la bataille d'Okinawa.

Si la première citation en exergue offre une image de légèreté avec « la fleur de cerisier » s'envolant « sauvage et belle », la citation suivante qui évoque « la valeur martiale » d'un soldat s'avère dramatique.


« Une fleur de cerisier », ainsi se définit le narrateur, le soldat Isao Kaneda, qui ceint autour de son casque le « hachimaki »(1). Il est prêt à sacrifier sa vie, à tout juste vingt et un ans, à devenir l'un des « kikusui, un chrysanthème flottant ».
« Donner sa vie pour un pays était un exploit, une destination enviable. Un acte de beauté ». D'un côté, il est mu par l'honneur de remplir une telle mission, de l'autre il est à la fois taraudé par la peur au ventre qui tétanise et rongé par le pessimisme.

Élevé et modelé par une grand-mère descendante de samouraïs, Kaneda a intégré très tôt le code du «  bushido » (2) et a été initié à la culture du théâtre nô. Il suit ensuite une formation dans une école de pilotage, à la discipline de fer, avant d'être admis au corps de chasse. Ces combattants nippons sont conscients d'être « le dernier rempart « contre la destruction de leur peuple ». Tous ne reviennent pas.

Dans une conversation avec son compagnon de dortoir, Kaneda émet des réserves quant à la nécessité de leur sacrifice. Kosugi, lui, fou d'orgueil » et exalté, rêve de gloire et d'immortalité, alors que Kaneda pense à sa famille et craint de mourir pour rien. Lucide, il anticipe sa disparition, l'après « eux ». Il ne manque pas de rédiger une lettre (pétrie de reconnaissance) destinée à être envoyée à sa mère, y glisse une photo et une mèche de cheveux. de quoi se souvenir de son fils guerrier, digne d'un héros grec. La voix du père qui lui a dit « Reviens » pourrait -elle le faire hésiter ?

Stéphanie Hochet clôt la première partie laissant Kaneda à son maelström. Mais on devine la pression, la montée de l'adrénaline, dans le compte à rebours des jours avant le jour J. Les douleurs lui vrillent le ventre, « une main de fer lui tord les tripes », « les herbes de lâcheté », dirait sa grand-mère. le lecteur est avide de savoir la décision ultime du protagoniste.
Mais laissons le suspense. Ne dévoilons rien du dénouement.

Dans la deuxième partie, Kaneda livre une sorte d'autobiographie, il revient sur son enfance et adolescence, seul avec sa grand-mère rigide, qui l'isole.
« Un confinement » qu'il accepte, justifié par sa santé fragile !
Élève studieux, il montre comment l'éducation classique reçue par son précepteur l'a forgé pour devenir un homme valeureux. Les humanités enseignées sont variées : le latin et le grec, le japonais, les maths et l'histoire. Grâce à M.Mizu, il découvre le théâtre de Shakespeare qui l'éveillera à l'amour « ce sentiment étrange » qui lui est encore inconnu. Pourtant une jeune fille le hantera. Il prend goût à la littérature occidentale.

Il confie son bonheur d'avoir eu la compagnie d'Usagi, un adorable lapin, une vraie valeur refuge. « Caresser durant des heures son pelage d'une douceur infinie » lui procure une jouissance jamais éprouvée /inégalable.
A seize ans, il réintègre le foyer familial, poursuit ses études au lycée avec l'objectif de devenir pilote de chasse : « l'école militaire est la promesse d'une expérience exaltante ». Son rêve se réalise en octobre 1944.
A dix -sept ans, il suit un entraînement accéléré, il est alors conditionné pour se préparer au combat. Il est désormais engagé pour servir le Yamato. Il se projette à bord de son engin de guerre, « l'avion sera sa nouvelle voie du sabre ». Se métamorphoser en « machine d'acier » lui « procure une jouissance criminelle ».

Le jour J arrivé, il dresse comme le bilan de sa vie, et énumère tout ce qu'il n'a pas fait, n'aura pas fait : « aimer une femme, se marier, concevoir un enfant... ». On plonge dans son monologue intérieur : «  Isao, le courage c'est de savoir serrer les dents ». On croit entendre «  Action » suivi aussitôt des vrombissements des moteurs.

Ce jeune, prêt à mourir pour défendre l'Empereur, rappelle un autre soldat, celui mis en scène par l'Académicienne belge dans Une forme de vie. Toutes deux dénoncent l'absurdité, l'atrocité et la férocité de la guerre ainsi que les dégâts collatéraux.

Connaîtra-t-il l'amour, ce kamikaze ? Deux femmes, en particulier, troubleront le guerrier amoureux. L'une, son « oeillet du Yamato » devient un fantasme dont il rêve, l'autre, Izumi, le séduit et le comble de bonheur en lui offrant un éventail.


Le printemps au Japon, c'est l'émerveillement devant la floraison des cerisiers, le « sakura , fleur symbole ». Si Amélie Nothomb évoque cette célébration du « hanami », fascinée par la beauté de « la déflagration des cerisiers » au point d'avoir connu l'extase, un «  kensho », dans La nostalgie heureuse, le mot «  sakura » prend ici une connotation tragique puisqu'associé au destin de ces soldats, fauchés « au paroxysme de leur jeunesse. » Une nature qui ignore le conflit avec les Américains. Pourtant « la Sumida charrie les cadavres ».
En filigrane, l'écrivaine évoque le conflit qui opposa Américains et Japonais.
Tokyo bombardée au napalm, perte de Saipan en juillet 1944, démission du Premier ministre, la capitulation et la fin de l'empire du Grand Japon.


On connaît la passion de l'auteure pour les chats, on découvre qu'elle n'est pas seulement ailurophile mais aussi lapinophile ! D'ailleurs dans son inépuisable et riche abécédaire « Éloge voluptueux du chat », à l'entrée « Végétarien », elle évoque leurs points communs.
On retrouve l'écrivaine angliciste quand Kaneda trouve des liens entre les oeuvres de Skakespeare et le besoin de vengeance d'un samouraï.

La romancière se glisse dans la peau de ce kamikaze viril, seul aux commandes, à bord de son chasseur, nous restitue ses états d'âme (avant l'attaque, puis pendant le vol) avec beaucoup d'intensité et de réalisme et décline tous les degrés de la peur : insomnies, cauchemars, tremblements, sanglots, coeur qui s'emballe, car « la nuit, les digues sautent ».
Les vrilles, les piqués, loopings, turbulences suscitent le vertige chez le lecteur.
L'écrivaine élargit notre champ lexical pas seulement dans le domaine guerrier : kendo, shinaï, kenjutsu, katana, tanto, seppuku…, mais aussi sur le plan des coutumes, du mode de vie nippon: sentō, Shigon, yukata, le Hagakure.
Stéphanie Hochet met en lumière « le système hiérarchique ( shi-no-ko-sho) qui plaçait les guerriers ( les bushi) au sommet des classes sociales. Eux seuls étaient lettrés ».
De plus l'auteure nous offre une immersion dans la culture japonaise qui ne peut que plaire à Amélie Nothomb, une invitation au satori, « stade ultime du bouddhisme zen » et un bouquet de poésie grâce au « lecteur officiel » du cacique de l'île.
Laissons le lecteur découvrir la partie finale, l'acmé du récit, qui le plongera dans un état de décompression, de sérénité inattendue !
Tout le talent de l'écriture.

Voici un roman époustouflant par sa densité qui donne envie de se nourrir des poètes cités :Kyoshi Takahama, Masaoka Shiki ou de l'auteur bouddhiste Kenji Miyazawa.

Pacifique revêt un triple intérêt par la trame historique, le destin romanesque du héros dont l'écrivaine fait une oeuvre d'art et en apothéose : la force de la poésie, « un cataclysme dans l'existence des villageois ».
" Le courage et la poésie sont deux soutiens insoupçonnés de la vie" pour Jacques Luysseran.

(1) Hachimaki : bandeau que les Japonais arborent autour de leur tête comme symbole de détermination, de courage et de travail.
(2) bushido : Code des principes moraux que les samouraïs étaient tenus d'observer.

NB : Pacifique a été retenu dans la sélection du PRIX Françoise Sagan.
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𝘼𝙙𝙟𝙚𝙘𝙩𝙞𝙛 𝙋𝙖𝙘𝙞𝙛𝙞𝙦𝙪𝙚 : qui aspire à la paix …

1945, 𝙜𝙪𝙚𝙧𝙧𝙚 𝙙𝙪 𝙋𝙖𝙘𝙞𝙛𝙞𝙦𝙪𝙚 :
Chrysanthèmes flottants … « c'est le nom poétique donné au sacrifice d'un avion et de son pilote sur un navire ennemi ».

Troublant comme parfois un mot peut révéler de terribles contradictions…
▫️▫️▫️▫️▫️▫️▫️▫️▫️▫️▫️▫️▫️▫️
" 𝙁𝙡𝙚𝙪𝙧 𝙙𝙚 𝙘𝙚𝙧𝙞𝙨𝙞𝙚𝙧 𝙗𝙤𝙧𝙙𝙚𝙚 𝙙𝙚 𝙣𝙤𝙞𝙧𝙚, 𝙢𝙖 𝙛𝙞𝙣 𝙜𝙡𝙤𝙧𝙞𝙚𝙪𝙨𝙚 𝙨𝙚𝙧𝙖 𝙡 '𝙖𝙘𝙘𝙤𝙢𝙥𝙡𝙞𝙨𝙨𝙚𝙢𝙚𝙣𝙩 𝙙𝙚 𝙢𝙖 𝙫𝙞𝙚."

Me voilà happée dans l'esprit de Isao Kaneda, jeune nippon et futur kamikaze …

Dans les pensées de Isao, à l'aube du sacrifice ultime, c'est une lutte qui se joue … celle des croyances face aux doutes …
Face à face effroyablement angoissant, quand le mécanisme d'un long processus d'endoctrinement vient à s'enrayer, laissant alors l'âme exprimer son amour de la vie.

De sa plume divinement poétique, Stéphanie Hochet explore ces profonds ancrages, ceux d'une enfance emmurée dans des traditions asservissantes.
L'histoire de Isao, c'est l'histoire de toute une jeunesse japonaise sacrifiée pour l'honneur du pays face à l'ennemi. Une jeunesse bercée dans l'illusion d'une gloire post-mortem. L'esprit d'un samouraï devenu maléfique …

C'est aussi, malgré tout, la réalité de la vie.
J'ai bien perçu dans ces lignes les forces du Yin et du Yang ; des forces qui ne peuvent exister l'une sans l'autre, infiniment complémentaires …
Et c'est bien en cela, il me semble, que réside toute l'essence du roman !

Un roman saisissant, d'une savoureuse intelligence !
Celle d'une plume à la poésie et à la délicatesse semblables à celles d'une fleur de cerisier ….
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Gentillet. Une sorte de haïku en version longue, sur fond de guerre du Pacifique. le héros se partage entre le respect envers les traditions ancestrales et la tentation d'échapper au destin qu'il s'était fixé, à laquelle il finira par succomber (c'est du moins ce que j'ai déduit de la "chute" du récit, qui m'a paru pour le moins abrupte). Dans le genre, on pourra préférer le Chasseur Zéro, de Pascale Roze (1996).
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Isao Kaneda est pilote et se prépare à accomplir un destin glorieux. « À vingt et un ans, j'ai l'honneur d'accepter de mourir pour l'empire du Grand Japon. Je dissimule le vertige qui me saisit. » (p. 12) le monde entier l'appelle kamikaze, lui qui se prépare à écraser son avion sur une cible américaine. Au Japon, on l'appelle sakura, ou fleur de cerisier : comme elle, l'intense beauté de sa mission est vouée à passer en un souffle. « Ce n'est pas la mort qui nous fait peur mais de ne pas être à la hauteur de notre future mission. Quant au pire, ce qui ruinerait notre honneur et celui de notre famille, ce serait de tomber vivants entre les mains de l'ennemi. » (p. 72 & 73) Élevé selon le bushido, strict code de conduite des samouraïs, Kaneda sait qu'il est préférable de se suicider au lieu d'être déshonoré. Aussi ne sait-il pas comment vivre avec ses doutes. Cela a-t-il du sens de continuer à mourir après 6 ans de guerre ? le roman commence le 27 avril 1945. Kaneda est à quelques jours de monter dans son avion pour la dernière fois. Qui sait comment cela finira ?

En regardant du côté du soleil levant, Stéphanie Hochet explore avec brio un nouveau terrain d'imagination. Après les chats et les aurochs, elle étudie l'animal humain et sa stupide complexité. « le moment où l'appareil ennemi apparaît dans le viseur et où l'on fait feu est l'un des meilleurs. La traque a porté ses fruits. L'adversaire devient une proie. » (p. 79) Ce faisant, elle déploie une magnifique poésie du sacrifice, faite de fleurs et d'étoiles. Quant au double sens du titre, il prend toute son ampleur dans la dernière partie du roman, quand la guerre se fait mirage, écho lointain et oublié, presque irréel. La bascule dans un univers rêvé est faite : sans doute n'est-ce qu'ainsi que l'on peut échapper à la folie du monde.
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Stéphanie Hochet m'avait captivée en 2015 avec Un roman anglais, si anglais qu'on aurait pu le croire écrit par l'un des sujets de la Reine Elizabeth II. J'avais admiré son habileté à capter l'essence d'une époque, d'un milieu et à explorer l'ambiguïté des sentiments à travers un personnage aussi fort que complexe. J'avoue que je suis assez épatée de la façon dont elle change radicalement de style et d'univers pour se glisser ici dans la peau d'un kamikaze de la guerre du Pacifique. Autre culture, autres moeurs, autres références littéraires. Reste la finesse du trait, l'acuité du regard, la précision du mot.

Avril 1945. le soldat Kaneda sait depuis longtemps ce qui l'attend, toute sa formation s'est effectuée à l'aune de cet objectif. Mais depuis quelques minutes il sait aussi que l'échéance se rapproche : ce sera dans deux jours. Ces dernières semaines, les "attaques spéciales" se multiplient dans le Pacifique pour tenter de freiner l'avancée américaine. Kaneda est prêt. Dans deux jours il décollera avec son escadrille et ira fracasser son Zéro contre le porte-avion américain qu'on lui aura assigné comme cible. Il a été élevé dans un certain code de l'honneur au service de l'Empire et de son représentant divin, celui des samouraïs. Mourir, se sacrifier le sourire aux lèvres, le summum de l'honneur. Sa vie n'a pas d'importance face à la grandeur du destin de l'Empire. Pourtant, un petit grain de sable vient titiller ses certitudes alors que des rumeurs interrogent de plus en plus durement les chances de victoire du Japon et de ses alliés. Sa vie n'aurait-elle vraiment aucune autre importance que celle du sacrifice ? Et si ce sacrifice ne servait finalement à rien ?

Il suffit de deux pages pour se laisser embarquer dans le dilemme de Kaneda, revisiter son enfance et son adolescence et ressentir tout le poids d'une culture. Mais pas seulement. Car ce n'est pas rien que de s'interroger sur le sens d'une vie, de tenter de dépasser des années de conditionnement. Et le plus remarquable dans tout ça, c'est que Stéphanie Hochet parvient à nous faire ressentir les émotions de Takeda par-delà les barrières culturelles, par la grâce d'un animal de compagnie, la silhouette d'une jeune fille ou l'énumération de ces choses que le jeune homme est conscient de ne jamais connaître. La Japon est là mais le propos est universel.

Si le roman réserve son lot de surprises, il pose aussi les bases d'une réflexion sur ce qui fait une civilisation, grâce à une deuxième moitié aussi inattendue que passionnante et qui m'a beaucoup fait penser, dans son esprit, au propos de Pascal Manoukian dans son dernier roman, le Cercle des Hommes. Peut-être qu'un organisateur de manifestation littéraire aura la bonne idée de réunir ces deux auteurs ? Pour l'heure, je veux surtout saluer la qualité littéraire du roman de Stéphanie Hochet ; un style impeccable, épuré, certainement très travaillé pour atteindre ce degré de fluidité et de précision. Jusqu'au choix du titre. Preuve que l'on peut trouver dans 140 pages de vraie littérature un peu de l'essence du monde.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Nous sommes en avril 1945. Isao Kaneda a été formé à l'école militaire et se prépare pour une opération Kamikaze qui devrait l'amener à s'écraser en piqué sur un porte avions américain.

Stéphanie Hochet a choisi de nous relater cet événement en habitant l'esprit de son jeune héros le temps des 150 pages de son court récit.

À la veille de cette expédition programmée pour être son dernier voyage, Isao revient sur les années écoulées de sa courte vie, l'éducation de sa grand mère aux ancêtres Samouraïs, les leçons de littérature de son précepteur, ses premiers émois amoureux et l'évocation de sa famille.

À la veille d'un sacrifice pour lequel on l'a toute sa vie préparé, Isao s'interroge, tiraillé entre son sens de l'honneur et son appétit de vivre.

L'écriture est belle, sobre et limpide. Les émotions d'Isao, jeune homme sensible et réfléchi sont crédibles et pleines de justesse, la dernière partie du livre, plus onirique, invite à une réflexion élargie sur le sens de la vie.

Quelques réserves cependant sur l'abondance de termes Japonais pas forcément utiles à la compréhension du récit et qui semblent parfois convenus et inutilement didactiques au milieu d'un texte si délicat; de même que sur la fin très rapide que j'ai trouvée presque bâclée. Elle m'a donné le sentiment que Stéphanie Hochet n'avait pas réellement trouvé de conclusion à son propos. À moins que je ne sois passée à côté.
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Un très beau roman où Stéphanie Hochet nous plonge dans les pensées d'un jeune kamikaze, prêt à mourir pour son pays.
Tout au long de ce texte, l'auteur explore la dualité des sentiments du jeune homme de 21 ans, qui au fond de lui-même n'a pas choisi cette destinée qui s'est imposée à lui. Doit-il défendre coûte que coûte son pays et son honneur, même s'il doit mourir pour cela, où doit-il continuer à vivre car sa mort ne changera peut-être pas le destin du Japon ? Est-ce dans la mort qu'il atteindra cet état de Grâce qu'il recherche ?
J'ai beaucoup apprécié cette lecture où l'on découvre également les traditions japonaises lorsque Isao Kaneda nous conte les apprentissages de sa jeunesse ainsi que son parcours à l'école d'aviation. L'écriture de Stephanie Hochet magnifie quant à elle les sentiments qu'elle prête à son personnage, et une sensation d'apaisement m'a accompagnée tout au long de cette lecture.
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Ado en découvrant les kamikaze Je m'étais posé cette question, qu'est ce qui peut pousser un pilote de zinc à aller s'éclater sur un navire ennemi ?

L'auteur nous apporte ici quelques éléments de réponse, se met à la place du héros et nous raconte son histoire.

A la façon japonaise, de manière très sobre et épurée elle décrit la culture locale, forgée dans l'honneur et les valeurs, dans une époque où les traditions ancestrales mutent de l'esprit du samouraï à celui de l'aviateur guerrier qui doit donner sa vie pour sauver l'empire de l'invasion ennemie.

La lecture est courte et plaisante car bien documentée mais subtilement dosée et sans longueurs et donne accès à la compréhension d'un mode de vie bien différent que celui que nous connaissons en occident.

La plume est légère et empreinte d'un lyrisme agréable qui confère un vrai plaisir de lecture.

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