Avec l'histoire de deux soeurs orphelines manipulées par de riches entrepreneurs de pompes funèbres,
Mary Hooper fait revivre l'époque et l'ambiance des romans de
Charles Dickens. Elle offre une intrigue sociale passionnante, qui s'inscrit dans la lignée des grands romans réalistes du XIXème siècle.
Transporté au coeur de Londres, dans une intrigue pleine de suspense et de rebondissements, le lecteur découvre les quartiers insalubres de l'ouest de la capitale. Il arpente les venelles sombres et embrumées et rencontre juste ce qu'il faut de filles perdues abandonnées à leur sort, de prêteurs sur gages véreux et de bonimenteurs prêts à tout pour gagner un penny ou deux.
Dans une langue sobre,
Mary Hooper décrit un portrait saisissant de Londres à l'époque victorienne. La parenté avec
Charles Dickens y est évidente et la critique sociale à peine déguisée. le lecteur découvre, stupéfait, les problèmes de surpopulation, l'insalubrité, la famine et la menace d'épidémies de choléra, à mille lieues du faste et des frou-frou de la haute société londonienne.
Si les conditions de vie des plus misérables sont fort bien restitués, c'est surtout la mort du Prince Albert, qui fournit à l'auteure l'occasion idéale de décrire le développement invraisemblable de l'industrie du deuil, que certains entrepreneurs de pompes funèbres vénaux ont élevé au rang de culte ou commerce de la mort.
En effet, après que la Reine Victoria ait décrété un deuil national pour honorer la mémoire du Prince consort prématurément décédé de la typhoïde en décembre 1861, un véritable culte de la mort s'est emparé de l'aristocratie. le port très codifié du deuil s'est également étendu aux riches industriels, aux commerçants et jusqu'aux plus démunis, créant ainsi un effet de mode des plus lugubres et inattendus !
On apprend également que certains cimetières de Londres étant pleins depuis l'année de la grande peste en 1665, il fut alors proposé aux londoniens d'enterrer leurs morts dans de nouveaux sites aménagés en dehors de la capitale. C'est à cette époque que fut mise en place une ligne ferroviaire transportant les défunts jusqu'à leur lieu de sépulture. L'express funéraire Necropolis, reliant la gare de Waterloo à Brookwood dans le comté du Surrey fonctionnera jusqu'en 1940.
"Serrant contre elle son précieux fardeau, Grâce trouva sans grande difficulté l'entrée de la gare. L'express funéraire disposait, exactement comme l'avait dit Mrs Smith, la sage-femme, de sa propre ligne reliant la gare de Waterloo au cimetière de Brookwood, situé dans le comté du Surrey. Et c'est là, dans la gare de Londres, que se rassemblèrent, juste avant onze heures, les familles des défunts en tenue de grand deuil. Les quelques femmes en mesure de supporter nerveusement la cérémonie portaient un voile épais, et leurs robes de crêpe noir n'étaient égayées par aucun bijou scintillant, boutons ou ornements fantaisie ; les hommes, en chapeau haut de forme bordé de crêpe, portaient une redingote de cérémonie et une cravate de bombasin. Tous attendaient le train qui les emmènerait, eux et leurs proches, à la campagne, dans le grand jardin du sommeil éternel, à Brookwood. Là-bas, loin de la crasse et du brouillard londoniens, leurs chers disparus reposeraient en paix au milieu des pins, des roses et des chênes verts."
Intelligent, romanesque et surtout très réaliste,
Waterloo Necropolis est un roman jeunesse tout à fait original et captivant, qui séduira les lecteurs adultes comme les jeunes lecteurs à partir de 13 ans. Quoique qu'un peu sombre et mélancolique, l'ambiance rafraîchit de l'invasion littéraire des vampires et autres zombies ! Une belle entrée en matière pour qui souhaiterait découvrir (ou redécouvrir) les grands classiques de
Charles Dickens ou
Victor Hugo !
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