Une courte pièce poétique (60 pages), mais que j'ai eu du mal à lire, et du mal à finir. Ce n'est pas un dialogue philosophique entre un âne philosophe, et le philosophe
Kant, mais un monologue, il n'y a pas d'interruption dans le récit. Je devrais dire plutôt dans le poème, mais il se présente sous une forme très monolithique, quelques rares sections qui donnent des titres et organisent un peu les idées, mais pas de strophes, pas de retour à la ligne. J'adore Hugo quand il joue avec talent sur la longueur des vers, sur les sonorités, sur les rimes, alternant la taille des
poèmes... Ici, c'est presque un bloc unique d'alexandrins - ou quasiment, avec des rimes, oui, mais sans virtuosité du langage. J'ai noté toutefois une fin de vers où il faut nommer la lettre "Y" pour la faire rimer, ce qui m'a fait sourire... Oui, j'ai aussi été vite dépassée par la somme, qui assomme, des noms propres (savants, théologiens, physiciens, écrivains...), même si c'est une volonté délibérée de Hugo, le lecteur est comme le collégien, abruti par ce qu'il ne maîtrise pas.
Au-delà de la forme qui m'a un peu découragée - j'ai dû lire tout d'un coup, je ne suivais plus si j'arrêtais ma lecture, sur le fond, on retrouve des obsessions de Hugo, mais sans qu'il soit présent par un "Je", ce qui est plutôt rare. L'Âne est évidemment son porte-parole, condamnant les prêtres mais adorant le Christ, admirant
Shakespeare,
Molière et
Voltaire, célébrant les beautés de la nature, critiquant les doctes pédagogues qui abrutissent en transmettant un savoir par coeur plutôt que de faire réfléchir, et donc forment des imbéciles - une critique sévère pour moi qui suis professeure, même si je n'enseigne pas comme les maîtres de latin du XIXème siècle...
On retrouve aussi la critique de la foule, incapable de reconnaître le génie, l'homme exceptionnel - j'ai d'ailleurs pensé aux Contemplations, mais surtout à
Baudelaire avec "
l'Albatros". Enfin, c'est une charge violente contre l'hypocrisie de la société, qui entasse des savoirs inutiles mais sans résoudre les problèmes de la société, la faim, la pauvreté - et on retrouve l'auteur des Misérables...
Dense, très dense, j'aurais dû passer beaucoup plus de temps sur certaines pages pour bien maîtriser les idées, mais la forme ne m'a pas séduite.