Bon ben je ne suis pas dans la merde.
Il y a quelques mois déjà, une de mes collègues m'a prévenu que sa fille écrivait un roman policier.
Faute d'éditeur, le livre a été auto-publié une fois terminé.
Si ça avait été un roman relatant le pèlerinage d'une nonne nymphomane, j'aurais passé mon tour.
Mais ma curiosité l'a emporté et je me suis donc procuré ce premier essai.
Maintenant qu'est venue l'heure du bilan, comme je n'ai pas que du bien à dire, j'ai peur que ma collègue et son compagnon m'attendent un jour à la sortie pour me casser la figure.
Ou tout au moins de créer un climat hostile au bureau et de devoir venir chaque matin en rasant les murs, la boule au ventre.
Je vais sérieusement songer au télétravail.
Porter aux nues
L'affaire Jeansagne n'est pas possible. Je n'ai jamais fait dans la complaisance, quel que soit l'auteur, qu'il s'agisse ou non d'un premier roman.
Mais il n'y aura aucune moquerie ou agressivité dans mes propos comme j'en lis trop souvent dans des chroniques qui ressemblent davantage à des défouloirs.
Simplement évoquer ce qui m'a plu et déplu de la façon la plus constructive possible.
Parce que
Céline Hugues a fait, je n'en serais pas capable.
C'est là que je me rends compte que la critique est facile.
J'espère juste qu'elle encouragera l'auteure à corriger quelques défauts dans un second roman déjà en cours de rédaction.
Commençons par les qualités.
Déjà, la couverture est magnifique.
Je n'ai vu aucune faute d'orthographe, ce qui est plutôt rare dans le monde de l'auto-édition ( c'est parfois honteux ce que les gens osent publier ! ).
L'écriture est très aérée, agréable pour l'oeil.
Mais surtout, le livre se dévore.
Et si des livres lents peuvent avoir bien des qualités également, j'ai aimé ce rythme, ces courts chapitres qui se succèdent rapidement et qui chacun leur tour apportent leur pierre à l'édifice de l'énigme à résoudre ou un peu de tension.
Je recherche bien des qualités dans les livres que je lis mais la première c'est de ne pas m'ennuyer. Lire doit être ludique et pas un instant ça n'a été une corvée pour moi de tourner les pages. On devine assez facilement une partie de l'intrigue mais il y a toujours eu des interrogations sans réponses, des mystères mieux dissimulés, et tout simplement une envie de connaître la fin, entraîné par une plume très fluide.
Pari réussi donc en ce qui concerne la construction, la façon de maintenir l'intérêt du lecteur du début à la fin.
Un véritable divertissement.
Et c'est déjà la moitié d'un livre réussi.
J'ai trouvé dommage l'utilisation de certaines grosses ficelles déjà vues et revues. Je pense à l'intervention musclée de la police pour libérer des otages qui n'a pas lieu à l'endroit où les victimes sont réellement enfermées, aux secrets des personnages principaux même s'ils sont à contrario une des raisons qui nous poussent à lire en espérant que la révélation sera à la hauteur de la promesse.
Avouons qu'un flic avec des petits problèmes d'alcool, ça donne un air de déjà-vu.
L'écriture m'a parfois irrité brièvement comme avec l'utilisation du mot artéfact pour désigner une arme du crime. Bon, c'est peut-être ma culture de "gamer" qui est responsable de cette gêne puisque les artéfacts sont les noms donnés le plus souvent aux puissantes reliques magiques. Mais même après vérification malgré sa multiplicité de significations, le mot demeure très éloigné du sens que
Céline Hugues a souhaité lui donner.
Ou avec des phrases toutes faites et un peu maladroites à mon avis ( "J'ai ce sixième sens en moi, on ne peut pas me mentir." )
La narration m'a également beaucoup perturbé.
A une exception près, chacun des personnages principaux dit "Je".
Sont surtout concernés Elise Estratin, jeune avocate chargée du dossier de
l'affaire Jeansagne ( elle représente la femme de Jeansagne, qui a avoué avoir pendu son époux ) et Anthony le Goff, principal enquêteur d'une série de meurtres aux alentours de Brest.
Mais le lecteur ne sait jamais qui parle.
Le plus souvent heureusement c'est une évidence dès les premières lignes du chapitre mais quand le jeune Tanguy Guéguen ( stagiaire incompétent toujours fourré dans les basques de le Goff ) prend la parole pour la première fois, je ne l'ai réalisé que plus tard. Sur le moment j'avais pensé que c'était son supérieur qui se faisait passer pour lui.
La mère d'Elise, celle-là même qui lui révèlera un terrible secret, prendra elle aussi la parole plus tard, mais sans qu'on ait de difficultés à l'identifier.
Ce procédé, volontaire ou non, déstabilise.
D'un côté, il est intéressant quand l'auteure donne le regard de deux protagonistes sur une même situation, de voir comment elle peut être perçue d'un côté et de l'autre.
Mais sans aucune mention particulière, il y a certains chapitres où le lecteur ne sait pas immédiatement quel narrateur prend la parole.
Et puis il y a la mystérieuse "Elle".
Au service d'un roman parfois cruel, souvent dérangeant.
Une femme qui des années plus tard rêve encore de son père venant abuser d'elle la nuit quand elle était enfant, sans que sa mère ne se doute de rien.
Une victime qui déborde de haine et qui s'apprête à accomplir sa vengeance.
"Elle est complètement folle, allumée du bocal, tarée, aliénée, désaxée, cintrée, déséquilibrée, démente."
Difficile de l'expliquer sans révéler au passage tous les tenants et aboutissants du roman, mais pour faire court quand je me suis repassé en mémoire l'ensemble de l'intrigue après lecture, j'ai trouvé que c'était vraiment n'importe quoi et que ça ne tenait pas la route un seul instant.
Je suis pourtant un lecteur peu exigeant et je ne vais pas forcément m'attarder sur une trop grosse coïncidence ou une facilité scénaristique. Mais là c'est toute l'histoire qui devient incohérente.
C'est d'autant plus dommage que ça tient à peu de choses et qu'il y avait probablement moyen de contourner ces problèmes pour rendre l'histoire crédible sans lui enlever sa première fonction : tenir le lecteur en haleine.