Voilà un (petit) roman policier, mais surtout un écrit complètement déjanté, composé d'une succession de calembours et autres jeux de mots, je me demande si une seule phrase est écrite d'une façon « normale » ! Plus d'une sont d'un niveau en-dessous de la ceinture, voire carrément scatologique, mais l'auteur manie tout cela avec un aplomb extraordinaire, sans jamais tomber dans la vulgarité (du moins c'est mon avis, mais le degré d'acceptation du vulgaire est sans doute variable d'une personne à l'autre) ; d'ailleurs il a prévenu le lecteur d'emblée, dès une espèce de prologue numéroté bien à propos « chapitre 0 ».
Alors, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, il faut surtout lire ce livre au 86 ou 87e degré (ce qui doit correspondre à l'âge moyen de nos fameuses mémés), sinon ça risque de déplaire profondément, et c'est peu de le dire. Je n'ai pu m'empêcher de me demander : aurais-je autant apprécié si ce livre avait été plus long ?... La réponse se trouve peut-être dans une expérience similaire, faite il y a quelques mois, quand j'avais lu « le mystère Sherlock » de
J.M. Erre : on avait aussi un humour complètement décalé et omniprésent, avec le risque de devenir lassant – ce qui n'avait pas manqué, mais la recette avait été simple : il suffisait de le lire par petits morceaux, afin de ne pas trop frôler l'indigestion, et alors ça passait sans souci. Car, il faut bien le reconnaître : ça fait du bien de rire, et ici j'ai dû m'arrêter à plusieurs reprises pour une mini-crise de fou rire !
La vraie différence avec le Sherlock précité, c'est que, ici, contrairement à Sherlock que je n'avais jamais lu, je maîtrisais (enfin, je crois) les codes des nombreuses références citées à tout-va dans l'histoire. Pour ne citer que quelques exemples : outre une allusion gentiment irrévérencieuse à un
Honoré de Balzac ou un
Victor Hugo, l'auteur nous offre au passage un réel hommage à
Frédéric Dard – dont j'ai relativement peu lu, et pas récemment, mais j'ai gardé un souvenir plaisant des quelques aventures de
San Antonio, découvertes autrefois ! et je ne parle pas de nombreuses allusions à la politique, à la télévision, à la bande dessinée, et j'en passe – le tout toujours accessible, à moins de vivre sur une autre planète. En outre, certaines phrases, toujours sous le couvert de cet humour dévastateur en rafales, posent de vraies questions qui font tout à coup réfléchir – c'est assez inattendu, et ça touche d'autant plus.
Dans cet esprit, le seul truc qui m'a fait bisquer –évidemment !-, c'est l'inévitable blague belge « une fois » : était-ce vraiment nécessaire de s'en prendre, pour l'auteur, à ses voisins du nord ? J'étais complètement sous le charme, jusque-là, mais cette seule phrase a gâché une grande partie du plaisir ; ces attaques répétées de certains auteurs français envers leurs voisins (parfois ce sont les Suisses ou les Anglais qui en prennent pour leur grade), même sous le voile d'un humour qui par ailleurs me plaît beaucoup, ça agace profondément la Belge en moi.
Eh oui ! on peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui et, si j'ai trouvé tout à fait acceptable le niveau sous le slip qu'il instille (et qui ne m'a pas semblé vulgaire, juste très imagé !), l'auteur m'a déçue à cause d'une seule petite expression, en cédant à la facilité idiote d'une « blague belge ». Ou peut-être s'imagine que seuls les Français vont lire son délire à tenue policière ? C'est dommage, vu la publicité qu'il ne manque pas de faire autour de sa production, toujours avec cette touche d'humour qui dit « ne me prenez pas au sérieux, mais lisez mes livres quand même ! », car la langue française, même ainsi maniée, dépasse les seules frontières de l'Hexagone…
Quant à l'intrigue, je ne vais pas développer un quelconque pseudo-résumé ici, le livre est tellement court qu'il n'en a même pas vraiment besoin. Sachez aussi qu'il se termine par une espèce de quizz qui prolonge le plaisir d'une telle lecture, ainsi qu'une invitation à converser avec… Goupil (donc le héros, mais l'auteur se cacherait-il derrière ?), et de quelques extraits du premier tome des aventures de ce fameux Goupil, le présent ouvrage étant en réalité un préquel.
Mais donc : l'intrigue. J'ai envie de dire, rien de bien nouveau sous le soleil. L'histoire d'un gang de mémés qui parvient à mettre en déroute un gang de caïds, certes c'est original, mais c'est du déjà-vu – même si, là tout de suite, je ne retombe plus sur le ou les titre.s qui s'inspire.nt du même type de scénario. Ce n'est clairement pas le besoin de connaître les tenants et aboutissants de l'affaire qui tiennent en haleine dans cette pseudo-enquête, mais plutôt la manière dont elle va être menée : quand ces « sacrées mémés » vont intervenir, comment elles vont interagir avec les caïds et avec notre duo de flics, etc. – et ces aspects-là sont menés de main de maître !
Je pense donc que je lirai le premier (vrai) tome mettant en scène le commisssaire Goupil et son lieutenant Gédéon, avec plaisir, mais aussi avec l'espoir (j'espère pas vain) de ne pas y retrouver une quelconque « blague belge » qui m'irrite tant, et de ne pas me lasser trop vite de cet humour complètement barré qui anime la moindre phrase.