Mia est écrivaine, plus exactement poétesse, qui a une certaine notoriété dans le cercle des auteurs de poésie.
Elle est mariée à Boris, neuroscientifique de renommée mondiale, et a une fille, Daisy, actrice de théâtre.
Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si Boris n'avait pas succombé aux attraits d'une de ses collègues de travail, une française, bien plus jeune que Mia. Cette dernière, incapable de surmonter la nouvelle, se retrouve hospitalisée pour dépression, ou plus exactement « pétage de plomb ». La descente aux enfers dure quelques mois à l'issue desquels, Mia décide de prendre le large, de quitter New-York et l'appartement de Brooklyn imprégné de la présence de Boris, pour rejoindre sa ville natale dans le Minnesota. Elle compte y passer l'été avant de reprendre son poste d'universitaire.
Mia loue la maison d'un couple de professeurs partis en Suisse poursuivre leurs recherches. La maison voisine appartient à un jeune couple doté de deux enfants, une petite fille de 4 ans et un bébé de quelques mois. Lola, la jeune mère, tout en douces rondeurs, semble dépassée par sa vie de famille entre une fillette qui ne quitte jamais la perruque dont elle s'affuble, un bébé geignard difficile à calmer et un mari impatient, prompt à quitter la maison dès qu'il en a la possibilité.
Mia retrouve aussi sa mère vivant dans une résidence pour personnes âgées. Elle a l'occasion de rencontrer son cercle d'amies intimes composant le club de lecture qu'elle fréquente. Les vieilles dames sont pétillantes, vives, rigolardes, de joyeuses veuves de quatre-vingts ans bien sonnés.
Mia s'occupera, également, d'un atelier d'écriture poétique. Elle y accueillera sept adolescentes pour une session de quelques semaines.
Jalonnant son été de pensées tournées vers La Pause, sobriquet qu'elle donne à la jeune maîtresse de son mari, et Boris, Mia prend le temps de regarder la vie en face, d'observer Lola, sa mère et ses amies ou encore de créer du lien avec ses sept élèves.
Siri Hustvedt raconte un été sans hommes, un été dont ils ne sont que vagues silhouettes en arrière-plan. Elle raconte la résilience d'une femme d'âge mûr, blessée au plus haut point par l'infidélité de son époux alors qu'elle a vécu, trop souvent, dans l'ombre de sa notoriété. Qu'a Mia de moins que La Pause ? Que n'apporte-t-elle plus à Boris alors que La Pause semble pouvoir combler un manque ?
Peu à peu, Mia découvre qu'elle parvient à penser à Boris sans sombrer dans le désespoir, que finalement, elle ne s'en sort pas si mal, seule dans le Minnesota en plein été, loin de l'exubérance new-yorkaise.
En s'ouvrant aux autres femmes, Mia s'enrichit, prend des forces et retrouve le sel de la vie. Les rivalités intestines au sein du groupe d'adolescentes ouvrent la voie à leur créativité, aux joies de jouer avec les mots, à la possibilité d'en mettre sur des émotions et des sentiments si difficiles à exprimer lorsqu'on a une quinzaine d'années. Pénétrer dans le monde secret d'une des amies de sa mère, lui permet de regarder derrière le miroir, d'être de l'autre côté. le travail de broderie de la vieille dame cache un autre travail derrière des morceaux de tissu à soulever : tout un monde de révoltes féminines, de rêves et de fantasmes indicibles et presque indécents. Mia reçoit les confidences de sa mère qui lui montrent combien la vie conjugale est tout sauf un fleuve tranquille, qu'elle n'est pas la seule femme à vivre l'infidélité conjugale et à être une ombre auprès de l'aura de l'époux.
Les moments partagés de Mia avec les femmes qu'elle rencontre sont autant d'îlots au coeur de la narration et leurs histoires sont universelles. de la violence conjugale larvée au harcèlement cruel des jeunes filles en passant par la liberté retrouvée après le veuvage et la douleur due à la perte de son statut d'aînée exprimée par le port d'une perruque improbable, une gamme importante des émotions féminines est jouée par les personnages du roman.
Je n'avais jamais lu d'oeuvre de
Siri Hustvedt, «
Un été sans les hommes » m'a agréablement surprise tant les propos de l'auteure sonnent juste. D'aucuns pourraient penser que le roman est adressé, en priorité, à un lectorat féminin …. certes mais pas que. En effet,
Siri Hustvedt aborde des sujets universels et propose une réflexion utile à toutes et à tous sans pour autant que le roman en devienne triste. Il y a de la joie et de l'humour, c'est certain.
Vivre dans l'ombre d'un conjoint, renommé ou pas, est toujours un peu frustrant, une part de soi est niée, peut-être dérobée. Alors, les mots, la poésie, la broderie cachottière, la création artistique sont autant d'actes de sublimation pour parvenir à exister, à être soi, à prendre sa place dans la société, surtout quand on naît femme.
«
Un été sans les hommes » est un roman lumineux, enjoué, jouant avec les infinies ouvertures de l'humour pour mettre en cause sans éreinter les dysfonctionnement d'une société toujours très patriarcale. Long est le chemin de l'émancipation féminine.
Traduit de l'américain par
Christine le Boeuf
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