Un architecte vieillissant, Park Minwoo, qui a très bien réussi sa carrière, est confronté à ses souvenirs. Des amis atteints de maladies, des problèmes personnels, une solitude qui s'affirme, et surtout son premier amour qui se manifeste, tout cela lui fait revivre les moments de sa jeunesse, dans un quartier et un monde disparu maintenant. Son histoire se mêle à celle de Jeong Uhee, auteur et metteur en scène de théâtre, qui pour pouvoir vivre sa passion, survit de petits boulots. Son histoire à elle, est celle de l'autre Corée, en dehors des chemins de la réussite et de l'argent, celle que Park Minwoo a choisi de quitter pour se construire une place jugée enviable. Mais les compromissions, la cécité volontaire sur le résultat de ses actions ont un coût, pour lui comme les autres.
J'avoue avoir eu du mal jusqu'à présent à entrer véritablement dans l'univers de
Hwang Sok-yong. Malgré les appréciations très positives de ses livres, malgré un certain nombre de qualités que je leur trouvais, je n'arrivais pas à adhérer vraiment, à me laisser embarquer dans ses récits. Heureusement, une lecture au musée Guimet d'extraits de ce roman (par ailleurs lauréat du Prix Émile Guimet de littérature asiatique 2018) m'a donnée envie d'essayer encore une fois, et j'ai été sous le charme.
L'auteur entremêle habilement plusieurs fils narratifs qui finissent par se rejoindre, il évoque des personnages dont la route ou le destin se croisent, d'une façon ou d'une autre. Et en arrière fond, une partie de l'histoire de la deuxième moitié du vingtième siècle de la Corée du Sud défile : toutes les transformation du pays et de la société, les crises politiques, et au final un état des lieux qui n'a rien de réjouissant. le livre joue sur plusieurs registres, entre tendresse, douceur, nostalgie, mais aussi noirceur, amertume, tristesse voire désespoir. Tout cela dans une sorte d'esthétique minimaliste, économe de mots, de gestes inutiles, de pathos. Qui n'exclut pas l'émotion, mais qui refuse de la chercher par des effets faciles. Au lecteur d'y placer ses affects, ses révulsions, ses jugements. Mais le texte est suffisamment fort pour qu'il puisse le faire.
Très beau texte, dense et pudique.