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3,78

sur 149 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Que d'agréables et passionnantes heures de lecture Hwang Sok-Yong m'a offert grâce à ce beau roman qu'est - Shim Chong, fille vendue - !
Il faut dire que ce n'est pas le hasard qui m'a poussé vers ce livre.
J'avais eu, dans un passé pas très éloigné, l'occasion de faire la connaissance de cet écrivain Sud-Coréen via son magistral - Monsieur Han -, une histoire et une plume qui m'avaient touché...
C'est donc avec confiance que j'ai commencé la lecture de ce deuxième ouvrage de ce grand monsieur de la littérature mondiale... dont au passage on attend que les membres du Nobel récompensent une oeuvre et un talent bien plus à la hauteur de la renommée de ce Prix et de cette Académie que certain(e)s des lauréat(e)s qui figurent à son palmarès...

Hwang Sok-Yong a utilisé pour écrire cette épopée, au sens homérique du mot, la légende populaire de Shim Chong, devenu pansori ( art coréen du récit chanté ou opéra traditionnel, "proche d'un récit épique mimé et chanté" ) "figure mythique de l'imaginaire coréen".
L'auteur raconte avoir eu l'idée de ce livre alors que coincé dans les embouteillages de Séoul il observait les oiseaux et s'interrogeait sur les étapes et le but de leur migration...

"Shim Chong dont la mère meurt peu après sa naissance a pour père un homme aveugle.
Son enfance est misérable, faite de mendicité et d'obligations à l'égard de son père infirme.
Elle apprend un jour par un moine que celui-ci a sauvé son père de la noyade.
S'il fait don de 300 sacs de riz à son monastère, le père de Shim Chong recouvrera la vue.
Pour ce faire, la jeune fille âgée de seize ans accepte de se vendre à des marchands de Nankin en quête d'une vierge qu'ils sacrifieront aux démons des vagues et des tempêtes afin de s'assurer une traversée paisible.
Chong est jetée à la mer.
Émus, les dieux du Ciel ordonnent aux dieux des quatre océans d'accueillir la jeune fille dévouée, laquelle retrouve sa mère qui lui annonce qu'elle sera un jour réunie avec son père.
Elle est en effet rendue à la vie dans une fleur de lotus."
C'est à partir du socle de cette légende ( beaucoup plus riche ) que Hwang Sok-Yong initie l'épopée de Shim Chong.

Celle-ci débute vers le milieu du XIXe siècle en Corée du Sud.
Shim Chong, 15 ans, est vendue par sa belle-mère, devenue donc la seconde épouse de son père aveugle, à des marchands de plaisir chinois.
Avant de voguer vers la Chine, elle est immergée et apprend qu'elle est la réincarnation du Bodhisattva Avalokiteçvara ( Bouhha de la compassion ), venue dans ce monde "pour nous éclairer sur la futilité de la vie conjugale et la vanité du lien qui unit l'homme à la femme".
Les marins et les marchands à l'issue de son immersion la rebaptisent Lenhwa ( fleur de lotus ).
La jeune courtisane commence alors son périple entre Nankin, Suzhou, Formose, Singapour, Ryukyu, Satsuma, Nagasaki...
Comme Ulysse, Shim Chong parcourt les mers ; la mer de Chine orientale et la mer de Chine méridionale.
Les marins font autant, ou presque, partie de l'odyssée de la jeune femme que les compagnons d'Ulysse.
La mer est omniprésente dans le récit, même lorsqu'elle est à terre, où elle n'en est jamais très éloignée, où elle la récite, où elle la chante.
Car si Shim Chong est une fille de plaisir, une prostituée, une courtisane, une geisha, elle va très vite révéler des dons artistiques et devenir une musicienne recherchée.
Belle, très belle, intelligente, très intelligente, elle qui est "au service" des hommes, est et restera une femme très indépendante, jamais asservie, jamais soumise.
Sa volonté, ses désirs, ses engagements sont ceux d'une femme qui incarne toutes les femmes et beaucoup de leurs luttes.
"Elle a autant de visages que d'interprétations... fille vendue, concubine, prostituée, femme de pouvoir, musicienne, mère...", j'ajouterai cheffe d'entreprise, militante engagée ; ses combats pour réussir à ouvrir des centres d'accueil pour les enfants métis abandonnés par des mères prostituées et des pères occidentaux repartis vers d'autres conquêtes, sont remarquables de courage, de ténacité, de lucidité et d'avant-gardisme. Car le contexte colonialo-politico-économico administratif est, pour employer un euphémisme, très misogyne et très peu bienveillant à l'égard d'une fille de sa condition et de ses origines...
En outre, elle profitera de ses différents commerces, de ses statuts de "hwajia" ( titre donné à la meilleure courtisane de la maison de plaisir ), de "yelaixiang" ( patronne des hôtesses dans une maison de plaisir ), de "Mamasan" ( patronne de bar, de maison de geishas ) pour tenter d'améliorer les conditions de vie de ses compagnes d'infortune ( conditions de travail, conditions économiques, conditions sanitaires etc.. ).
Elle est aussi une révolutionnaire... il faut voir à travers son activisme "anticapitaliste" ( ce n'est pas un anachronisme )... le parcours politique de son auteur ( - Monsieur Han - en est l'exemple par excellence )...
Cette dénonciation de l'asservissement et de la marchandisation du corps des femmes, qui faisait florès à cette époque, s'inscrit dans un contexte politico-historique que Hwang Sok-Yong retranscrit avec talent et respect scrupuleux des faits.
De la guerre de l'Opium, à la révolte des Taiping, à l'extension "impérialiste" du Japon ainsi qu'à celle de l'Occident, dont celle des États-Unis via les "bateaux noirs" du contre-amiral Perry, en passant par la guerre sino-japonaise... sans oublier le marxisme et le christianisme qui "prosélytent" en Asie " au prix de l'exploitation et d'un déséquilibre social tragique," le roman odyssée s'avère être multigenres ou multifacettes.
Oeuvre romanesque, épopée, poème, conte, légende, roman du merveilleux, de la mythologie, dénonciation sociale, chronique de moeurs toute d'érotisme, de sensualité et de chair, bouquin historique sur fond d'engagement politique... sans oublier la dimension spirituelle du ou des messages adressés, - Shim Chong, fille vendue -, d'une lecture aisée à l'écriture riche mais aux clés d'interprétation et de compréhension parfois plus complexes, appartient à cette espèce de livres rares dont il faut se donner l'opportunité de les avoir entre les mains pour saisir ce qu'est la chance de pouvoir savourer ce à quoi peut ressembler une grande oeuvre littéraire.
Shim Chong est un personnage atemporel qui lutte dans une époque prémoderne en préfigurant des combats d'une acuité contemporaine brûlante.
Une légende dans une actualité, qui nous parle.


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Voici l'odyssée d'une jeune coréenne de quinze ans, au milieu du XIXe siècle, tout autour de la mer de Chine. C'est pour moi un énorme coup de coeur et une formidable découverte littéraire en lien avec l'histoire de l'Asie orientale, à l'époque charnière de l'arrivée des colonisateurs occidentaux et du début de l'impérialisme japonais. On a là un roman distrayant en surface, mais au-delà de cette apparence surgissent poésie, profondeur d'analyse et belle compassion humaine.


Shim Chong est une fille vendue, pratique courante à cette époque... Difficile de suivre le périple de Chong – en Corée le nom est en premier, avant le prénom souvent double et sans majuscule pour le deuxième – si on n'est pas un spécialiste de l'Asie de cette époque. J'ai dû plusieurs fois faire des recherches, les noms de lieux ayant bien souvent changé, ce qui casse un peu la lecture, aussi je propose une carte afin de visualiser l'itinéraire de l'héroïne.

Le récit est adossé à une célèbre saga chantée traditionnelle en Corée. Il débute par une cérémonie chamane pour la protection des marins. Hwang Sok-yong fait évoluer l'histoire vers la difficile émancipation de Shim Chong, figure de courage, de résilience et de révolte.


Chong est tour à tour vendue, soumise à la prostitution, cédée ou obligée de partir suite à la guerre. Quand elle est demandée comme concubine par un riche commerçant britannique, elle accepte car elle franchit ainsi une étape de sa libération. Elle crée alors un lieu d'accueil pour les enfants des prostituées. Par la suite, arrivée aux îles Ryukyu, elle devient femme de pouvoir quand elle épouse Kasutoshi, prince de Miyako :


Entre esclavage sexuel et maîtrise de son destin que le chemin est long. Les premières pages sont quasi-fantastiques puis on a un roman de geishas comme il en existe beaucoup d'autres avant d'arriver à des épisodes plus complexes sur le plan humain et historique. Chong apprend vite et, grâce à son intelligence, sa patience, grimpe les échelons hiérarchiques parmi les geishas. Les lieux où la contrainte la pousse ont des noms racoleurs, évidemment : le pavillon du bonheur à Jinjiang, le vent du sud à Keelung, le jardin de bambous à Tamsui, le palais de la mer à Naha et à la fin le Lenkaya à Nagasaki nom formé à partir de son surnom, un ryotei – avec restaurant, salon de thé – qu'elle dirige. Au début, sans éducation ni codes sociaux, elle ne maîtrise rien de sa vie. Elle aborde des ports inconnus. Peu à peu elle va réussir à s'émanciper, l'auteur donne de plus en plus d'indications sur L Histoire et l'ouverture du ryotei marque une dernière étape avant son retour au pays natal.
Toute leur vie, les geishas sont soumises, leur liberté bafouée, et n'ont pour seul but que de divertir les hommes avec la spécificité de pratiquer l'art de la conversation, de la musique, voire du théâtre. Chong a appris, grâce à une troupe ambulante et à Dame Wenji à jouer du pipa, du shamisen puis de l'Erhu, chanter les ryuka, ce qui va participer à son émancipation.


L'Histoire est en toile de fond depuis la guerre de l'opium (1839) jusqu'à la mainmise du Japon sur les îles Ryukyu (1879), indépendantes auparavant. D'un côté le colonialisme occidental à des fins commerciales, de l'autre la montée de l'impérialisme japonais – la Corée sera occupée en 1905 et ceci pour quarante ans – qui s'intensifiera jusqu'à la seconde guerre mondiale. Une période clé pour comprendre le monde d'aujourd'hui. Les pays les plus avancés techniquement imposent leur loi aux autres, par la guerre et le contrôle pur et simple, c'était la règle. Les japonais cherchent à asservir les pays de la région, la Chine également et les occidentaux se donnent pour objectif de contrôler l'ensemble (britanniques, français au nord et les hollandais plutôt au sud de la mer de Chine). Est décrit la révolte des Taïping entre 1851 et 1864 – peut-être la guerre civile la plus meurtrière de tous les temps avec des millions de morts –. On voit pointer les compagnies anglaises rapaces et les vaisseaux américains menaçants de l'amiral Perry en 1853 et 1854, obtenant par la force l'ouverture des ports.


Le texte montre la métamorphose que subissent les régions côtières, les entrepôts côtoyant les lieux de plaisir, à l'arrivée des occidentaux venus chercher le thé, la soie et le coton, et payant en opium, ce qui favorisait tous les trafics et intoxiquait la population. Les autorités chinoises voudront mettre fin à ces pratiques mais perdront cette guerre de l'opium. Savez-vous que c'est ainsi que les Britanniques obtiendront Hong-Kong en 1842 ?


Dénonciation de l'esclavage sexuel, du colonialisme d'où qu'il vienne, plaidoyer pour la liberté des peuples dans cette écriture fluide, économe d'effets, l'auteur se contentant en apparence de décrire les situations ? Un grand roman qui peut déplaire et choquer. Il faut accepter de s'immerger dans une culture autre, une histoire méconnue seulement esquissée, un réalisme parfois difficile à supporter...

J'ai aimé cette odyssée, source de connaissances asiatiques, le périple où Chong n'est plus la même au retour. Elle a croisé une multitude de « diables », des hommes soumis à la violence de leurs pulsions, et « quelques dieux plus cléments » du côté des arts et d'un prince dévoué à son peuple. Elle revient plus forte. Une femme a conquis par elle-même son avenir, elle n'est plus une chose, elle qui disait avoir entrevu ce qu'était la vie d'un homme et ne plus les craindre, jamais ! Chapeau à l'auteur d'avoir pu inclure autant de richesses dans ces quelques centaines de pages !

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Visitez mon blog Bibliofeel ou ma page facebook clesbibliofeel pour avoir la chronique complète avec photo composition personnelle de la couverture du livre au milieu de magnifiques lys jaunes et du Bouddha de compassion...
Également une carte pour suivre plus facilement le périple de l'héroïne et aussi un clip sonore de pipa, instrument chinois proche du luth, dont joue Shim Chong.
En espérant vos retour. Amitiés littéraires !


Lien : https://clesbibliofeel.blog
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C'est mon premier livre de cet auteur coréen, HWANG Sok-Young. Je dois avouer un hasard particulier car j'ai ce livre en version électronique et je croyais ouvrir un petit volume d'une centaine de pages alors qu'il a environ 560 pages de bonheur. Quel talent d'écriture et la traduction est impeccable.

Nous suivons Shim Chong depuis ses quinze ans jusqu'à sa mort. Donc presque 70 ans d'histoire partagée entre la Corée, la Chine du Sud, Taïwan et le Japon. Ce roman est basé sur une tradition orale, la légende de Shim, et témoigne de l'esclavage sexuel et des réalités sociales des femmes à la fin du XIXe siècle dans cette partie de l'Asie du Sud-Est.
Le romancier coréen a concocté un mélange de roman de moeurs, avec certains détails croustillants et d'autres scabreux, assaisonné d'événements historiques bien documentés.

L'histoire de Shim Chong dans le conte traditionnel est beaucoup moins élaborée. Elle raconte la vie d'une jeune fille,orpheline de mère, dont le père aveugle est contraint à mendier pour la nourrir. A 12 ans, elle est vendue à des marchands par sa belle-mère comme offrande pour un rite censé soigner les yeux de son père. Elle sera ensuite sauvée par le roi Dragon qui tombera amoureux d'elle. Ce dernier retrouvera le père de Chong qui, par bonheur d'être à nouveau avec sa fille perdue, recouvre la vue. Bon, ceci est la version qui a servi d'inspiration à l'auteur. le roman est beaucoup plus que cela.

Dans le roman, Chong est vendue par sa belle-mère à des trafiquants chinois et devra pour survivre, faire preuve de fierté et d'insolence pour s'élever dans la hiérarchie d'une maison de plaisirs, apprendre la musique et la danse, devenir prostituée, concubine et femme de pouvoir. Chong changera de nom, apprendra les langues nécessaires, celle du pays et celle de l'argent et survivra à des traversée houleuses, à des bandits et à la concupiscence des hommes.
Certaines scènes sont crues mais apportent une réalité au texte. Difficile de parler de la vente du corps des femmes sans en montrer les dessous, la violence et le pathétique; l'amitié et la souffrance. Chong, de prostituée, courtisane, geisha et mamasan (geisha supérieure) saura nous émouvoir et nous partager des émotions qui resteront longtemps en mémoire. Elle est ma nouvelle héroïne.

J'ai tout aimé de cette fresque romanesque. J'ai suivi sur une carte les différentes villes et pays que traverse Chong, bien sûr appelées selon les nomenclatures de l'époque. L'histoire de la guerre de l'opium est omniprésente ainsi que la révolte des Taiping; la dernière partie montre l'emprise progressive du Japon sur les îles Ryükyü, l'intrusion des bateaux noirs du commodore Perry et la guerre sino-japonaise à la fin du siècle. Tout cela en partageant la vie et le quotidien de femmes extraordinaires, des femmes qui croient en un monde meilleur, sur terre ou au delà. Nous nous retrouverons à Aushima Daushima, là-bas, tout le monde vit en paix.

« Sous le pin du village d'Onna
Il y a un panneau d'interdiction.
Mais l'amour,
Comment pourrait-on l'interdire! »
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Ce roman est un petit bijou que j'ai pris par hasard, dans le but de m'ouvrir à d'autres types de littérature. Ce fut un choix heureux et me voici en train de vous présenter ce coup de coeur.
D'emblée, je vous annonce une histoire difficile, triste et qui fend le coeur. Vendue pour quelques derniers par sa belle-mère, Shim Chong perd son identité pour n'être qu'un jouet sexuel aux mains des hommes soit en tant que concubine d'un vieillard soit en tant que prostituée dans des maisons closes ou des bordels. Certains passages sont assez brutaux et crus, mais comment décrire autrement la triste réalité de ces femmes?
Shim Chong est une femme attachante, qui sait s'adapter tant bien que mal à ce milieu sordide où elle vit. Elle est intelligente et vive et sait louvoyer pour tirer son épingle du jeu. Ici, pas d'états d'âmes ni de sensibilité, il faut tenter de survivre, racheter si possible sa vie en remboursant ses « dettes » à son exploitant ; avoir une bonne dose de chance pour échapper aux maladies et à une grossesse.
Il y a aussi un aspect géopolitique très intéressant dans ce livre et que je ne connaissais pas bien. On découvre toute la politique de l'Asie du Sud-Est au XIXème siècle : le conflit autour de l'opium, le trafic florissant d'être humains notamment de femmes et d'enfants, l'arrivée progressive des Occidentaux en Chine et au Japon et leur impact etc. Cela m'a donné envie de découvrir plus sur cette époque !
Enfin, parlons du style d'écriture qui est très doux, fluide, limpide et agréable à lire. On est rapidement immergée dans le contexte historique, dans la vie de Shim Chong et le livre se déroule sous nos yeux comme un film. L'auteur utilise un ton réaliste, sans sombrer dans le pathétique. Sincèrement, c'est beau, ça ressemble à nos grands classiques, un chef-d'oeuvre magnifique !
Pour finir, que dire de plus à part que je vous recommande vivement cette lecture !
Lien : http://leslecturesdehanta.co..
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Au XIXème siècle, en Corée, la jeune et jolie Shim Chong, orpheline de mère est vendue par son père, un mendiant aveugle à des marchands chinois qui l'emmènent sur le continent. Après une pénible traversée, elle sera d'abord acheté par un richissime vieillard chinois impuissant de Nankin qui décèdera dans ses bras avant d'être engagée dans une première maison de plaisir où elle apprendra son métier de prostituée puis d'être enlevée par des trafiquants de chair humaine à Sushou et finalement d'être exploitée dans les bouges répugnants de Formose. Son sort commencera à s'améliorer quand elle sera achetée par un riche anglais, vice-directeur de la compagnie des Indes, puis quand elle se mariera avec un prince libéral du Kyushyu. Mais ses aventures ne s'en arrêteront pas là car des bouleversements politiques feront à nouveau basculer son destin.
Quelle épopée que la vie de cette femme, figure mythique de l'imaginaire coréen ! le lecteur a l'impression qu'elle a vécu plusieurs vies à la fois. Avec elle, il parcourt l'Asie mystérieuse et exotique, de la Chine au Japon en passant par la Corée et Formose, avec pour toile de fond des évènements aussi extraordinaires que la guerre de l'Opium, la révolte des Taiping, les interventions occidentales pour forcer l'Orient à s'ouvrir au commerce, l'impérialisme japonais naissant et la guerre sino-japonaise à la fin du siècle. Les coutumes et les moeurs de chacun de ces pays sont finement analysées de telle sorte que ce roman, à la fois historique et social, est absolument passionnant. En dépit de sa longueur (550 pages), il peut se lire presque d'une traite tant son style est enlevé. Un livre majeur, très documenté, à conseiller aux amateurs d'histoire et d'anthropologie (traite des femmes sur près d'un siècle), que l'éditeur élève (à juste titre me semble-t-il) au niveau des plus grands, Zola, Dos Passos et Soljénitsyne. En effet, Chong est bien la petite soeur lointaine, souffrante et fière d'une certaine « Nana »...
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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A 15 ans, Shim Chong n'a connu que la misère d'une vie faite de mendicité. Loin d'en vouloir à son père aveugle lorsqu'il la vend à des trafiquants chinois, elle se réjouit au contraire d'avoir pu lui apporter un tant soit peu de confort. Commence alors pour Shim Chong un long périple qui la conduira, toute sa vie durant, à traverser de nouvelles villes et de nouveaux pays, sans ne jamais vraiment s'attacher nulle part.
Rebaptisée Lenhwa, qui signifie « fleur de lotus » en chinois, par ses propriétaires, la jeune fille commence sa nouvelle vie en tant que concubine d'un vieillard impuissant âgé de 80 ans. Loin de souffrir de sa nouvelle condition, Lenhwa en profite pour tirer parti de la situation en apprenant le chinois et en s'ouvrant à la découverte des sens. A la mort du vieillard, elle comprend que sa présence dans la demeure n'a plus de sens et vend sa virginité à Guan, le fils de son maître, en échange d'une place au « Pavillon du bonheur et des plaisirs ». Devenue courtisane, la jeune femme emploie sa beauté, afin de devenir une grande séductrice, capable de dominer l'homme par l'envie qu'elle suscite en lui. de simple courtisane, elle devient alors Hwajia, « titre donné à la meilleure courtisane de la maison de plaisir » [cf : glossaire p.555]. En mettant ainsi son corps au service de son intelligence, Lenhwa gagne en popularité et en prestige. Sa rencontre avec Dongyu, un jeune saltimbanque, va donner un nouveau tournant à sa vie. Amoureux, les jeunes gens se marient à l'insu de tous et s'enfuient. Mais le malheur les rattrape rapidement et la jeune femme de 20 ans tombe à nouveau aux mains de trafiquants et se retrouve dans une sordide maison de passe : «Le vent du sud ». Loin de se laisser abattre, Lenhwa n'aura de cesse de s'élever au-dessus de sa condition, jusqu'à devenir la concubine d'un riche européen, puis l'épouse d'un prince.
Avec ce roman extrêmement dense, Hwang nous ouvre les portes d'une culture en pleine mutation, très ancrée dans un contexte historique. Certes, l'esclavage sexuel auquel sont condamnées tant de femmes est le sujet dominant du roman, néanmoins, il peint également le tableau d'une époque ravagée par la guerre de l'Opium, où les pays d'Extrême Orient luttent comme ils peuvent contre l'occidentalisation apportée par les Etats-Unis, la France, l'Angleterre et la Hollande. Il évoque également les guerres internes aux pays, les mouvements de révolution qui provoquent de douloureuses scissions au sein du peuple et le sanglant impérialisme du Japon.
Néanmoins, malgré ce contexte difficile, responsable de la plupart des drames qui touchent nos personnages, Shim Chong se détache avec luminosité de cette terrible fresque. Malgré un destin mouvementé, où elle se retrouve perpétuellement ballotée d'un lieu à un autre, cette femme déracinée garde un sang-froid et une maîtrise d'elle-même inébranlable. Si elle s'attache, jamais elle ne s'enchaîne à autrui. Voici le portrait fort d'une femme de tête, en quête de liberté, capable d'avancer sans jamais se retourner. On regretterait presque que Shim Chong ne recroise par certains personnages rencontrés tout au long de son chemin... En tout cas, j'ai beaucoup aimé ce roman grâce à la puissance dégagée par son héroïne et à la richesse de sa narration.
Un immense merci à Libfly et aux éditions Points de s'être associés et de m'avoir permis de faire cette magnifique découverte !
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Ce livre est un de mes coups de coeur de cet auteur coréen. Hwang Sok-yong s'est inspiré d'un vrai conte ("Shim Chong, la fille de l'aveugle") pour écrire ce roman. Nous y découvrons une épopée, celle d'une jeune fille d'abord vendu à des marins, qui est obligée de partir de son pays natal et d'aller en Chine pour épouser un aristocrate. Dans ce pays dont elle ne connait pas la langue, elle va devoir maintes et maintes fois affronter des difficultés et essayer de tracer son chemin coûte que coûte. C'est ici l'histoire d'une femme forte, une femme qui se bat pour son avenir et pour s'en sortir.
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Avant tout, Shim Chong est une légende coréenne qui s'est transmise oralement de génération en génération, avant de prendre forme d'un pansori (art coréen du récit chanté, accompagné au janggu : sorte de tambour à double face), puis d'un roman. A travers ce roman, l'auteur nous décrit l'industrie prospère de la prostitution en Asie mais aussi, il donne des précisions historiques du XIXe siècle où les pays d'Extrême-Orient se trouvent mesurés aux défis des puissances occidentales.
Shim Chong, connaît une enfance difficile : déjà que son père est aveugle, sa mère, elle, décède quelque temps après sa naissance. A quinze ans elle a été enlevée pour être vendue. Ainsi nous suivons l'histoire de cette héroïne à laquelle je me suis beaucoup attachée par son intelligence, son courage et son avidité d'apprendre de nouvelles moeurs. C'est aussi une femme qui aime prendre soin de ses proches et qui aide les plus malheureux comme les enfants des prostituées entre autres.
Ce roman qui est très bien écrit, m'a captivé du début à la fin, il offre au lecteur une triste réalité de l'Asie au XIXème siècle. Même si, il y a quelques scènes crues cela n'a pas entaché ma lecture bien que je pense qu'elles peuvent rebuter certains lecteurs.
Bref, un très bon roman que j'ai dévoré en quelques heures.
Lien : https://meschroniquesdelectu..
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L'auteur s'est inspiré d'une légende coréenne, Shim Chong étant l'un de leurs personnages mythiques majeurs. Cela explique le côté fabuleux de ce roman.
L'histoire se déroule pendant la deuxième partie du XIXème siècle en Asie et c'est celle d'une adolescente coréenne vendue à des marchands chinois. Dans la première partie, notre héroïne passe par tous les niveaux de la prostitution. On se retrouve plongé dans ce monde particulier sans jamais virer au sordide, même quand on frôle le caniveau. En arrière plan, on vit la guerre de l'opium et l'arrivée des occidentaux.
Si l'on peut penser à priori qu'il s'agît d'une version sino-coréenne de Geisha d'Arthur Golden, puis d'une version asiatique de Pretty Woman, il n'en est rien. Puisque dans une seconde partie, on sort de la chambre à coucher pour participer aux chamboulements politiques et culturels de toute une région (côte chinoise, Taïwan, Japon et bien sûr, Corée).
Au delà d'une histoire de courtisane, c'est toute l'histoire d'une région, l'analyse des moeurs d'une époque ainsi qu'une culture qui nous est livrée. Tout est une question d'ambiance, d'esthétique et de sensation. On passe un très bon moment et on apprend plein de choses.
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Les émotions de lecture de Cécile
Shim Chong, fille vendue de Hwang Sok-yong aux Zulma Éditions. Premiers achats avec le Vieux Jardin après le premier confinement, j'ai dévoré immédiatement le second et patienté pour le premier. Un peu effrayée par l'histoire de cette jeune fille de 15 ans vendue et prostituée.
L'auteur m'avait emmenée dans la brutalité des prisons, de l'exil, du régime nord-coréen, de la désillusion d'un idéal politique et de la circonscription pour la guerre du Vietnam au travers de mes précédentes lectures. Je voulais être prête pour le destin que j'imaginais pour Shim Chong.
Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir les scènes pleines de sensualité dans la première partie de cette histoire. Et surtout du choix de Hwang Sok-yong de faire de ce personnage de légende coréenne une héroïne à la force de caractère incroyable. D'un destin qu'elle n'a pas choisi, Shim Chong va utiliser la faiblesse des hommes et l'art du sexe comme son arme d'émancipation, et de pouvoir. Des larmes, des douleurs, des cris, et de l'indicible horreur de la traite humaine, elle refuse d'en être un simple objet. de fille vendue, prostituée, courtisane, à femme de pouvoir, Shim Chong est sous la plume de ce grand écrivain un personnage féminin dans toute sa puissance en refusant d'être réduite à son statut de victime.
Ce roman est aussi une superbe fresque historique de l'Extrême-Orient du milieu et de la fin du XIXe siècle. L'esclavage sexuel, la réalité sociale, les conflits avec les puissances occidentales, la guerre sino-japonaise et bien d'autres. C'est exaltant et passionnant.
La force de la plume et de la littérature d'Hwang Sok-yong fait de Shim Chong, une héroïne qui restera longtemps dans ma mémoire. Un livre qui n'aurait pas dû patienter six mois dans ma bibliothèque avant que je ne l'engloutisse !
Lien : https://collectifpolar.wordp..
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