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3,58

sur 1308 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Cette histoire de fantôme dans un vaste domaine isolé a souvent été adapté, je me souviens de « les innocents » et dans une certaine mesure « The Others » mais cette nouvelle d'Henri James ne vaut pas les textes de Shirley Jackson.

Le format du récit, le journal de la gouvernante, nous épargne la description de la vie du manoir et se concentre sur les interactions, les dialogues principalement, des 4 personnages : la gouvernante, l'intendante et dans une moindre mesure, les 2 enfants. Mais cette absence de réalisme renforce le contexte éthéré dans lequel évoluent les protagonistes dont on ne sait pas grand chose pour vraiment s'y intéresser.

L'intrigue se limite souvent à une conversation entre les deux femmes qui se confient l'une à l'autre pour savoir si les enfants sont maléfiques et essaient chacune, dans certains cas, d'interpréter les propos de l'autre.

Ce récit mystérieux qui est avant tout basé sur la suggestion, pose, c'est vrai, quelques scènes d'apparition spectrale qui deviendront des gimmicks de l'univers fantastique. Cette histoire est construite pour nous amener vers le dénouement final qui doit répondre aux questions convergentes : La gouvernante voit elle vraiment des fantômes et réussira-t-elle à désenvouter le jeune garçon ?
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Une lecture vraiment enrichissante pleine de sous entendus et qui laisse le lecture sur une fin ouverte.
Il y a une tension nettement palpable dans ce roman. Des choses qui ne sont jamais prononcées et qui laissent place à l'imagination. Est-elle folle ? Saine d'esprit mais avec des enfants diaboliques ? Les enfants ont-ils vécus le pire ? Qu'à fait Miles au collège ? Les réponses ne sont pas données mais chacun peu se faire une idée. Diabolique.
Lien : https://letmentertainyou.com..
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Voici un roman gothique comme je les aime. Tout est dans l'atmosphère, l'intrigue étant distillée petit à petit, sans jamais fournir tous les outils ni toutes les réponses.
Le lecteur ne peut que se perdre avec ravissement dans cette histoire flirtant avec la folie ou le surnaturel... au choix et au final, qui pourra nous donner la réponse...?
Mention spéciale pour cette dernière édition commentée avec une re-contextualisation de l'époque bien utile et de nombreux liens avec d'autres ouvrages contemporains à l'auteur.
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Deux bonnes raisons au moins m'ont incité à lire ce livre. La première, c'est que je n'avais encore rien lu d'Henry James. Une grave lacune, car on parle ici d'un auteur majeur de la littérature réaliste américaine du XIXe siècle. La deuxième raison tient au fait que ce petit roman est pour beaucoup considéré comme un chef-d' oeuvre. Il figure aussi en bonne place dans les livres recommandés par Bernard Pivot dans sa "Bibliothèque idéale". Enfin, je peux y rajouter une troisième raison, plus prosaïque, celle de désencombrer ma table de chevet qui commence à craquer sous le poids des livres en attente de lecture.

 En deux mots, rappelons qui est Henry James (1843-1916). Il est né à New York au sein d'une famille aisée. La fortune de son père lui permet de choisir librement son activité. Après un court essai dans la peinture, il décide de devenir écrivain. Il voyage beaucoup et passera la majeure partie de sa vie en Europe en particulier à Londres. Son oeuvre est immense et très variée : romans, théâtre, essais, récits de voyage. Ses oeuvres les plus connues sont : "Les Bostoniennes", "Washington square", "Les ambassadeurs". Ses thèmes de prédilection : l'évolution de la société américaine de son temps, la naissance du féminisme, les histoires de fantômes. Et justement avec "Le tour d'écrou", publié en 1898, on est en plein dans le mystère, le fantastique, les maisons hantées, un genre dans lequel il excelle.

 De quoi s'agit-il ? Dans une vieille maison, un soir de Noël, au coin du feu, un homme raconte une histoire macabre à quelques amis réunis pour la circonstance. Ce récit provient du manuscrit rédigé par l'héroïne de l'aventure :

Une jeune institutrice est engagée par un riche gentleman pour s'occuper de ses neveu et nièce, Flora et Miles. L'action se déroule dans une vaste propriété qui au premier abord semble offrir une belle sinécure. de nombreux domestiques s'occupent de tous les détails matériels, il y a même une gouvernante qui libère l'institutrice d'un certain nombre de tâches, la vie se déroule paisiblement au milieu d'une agréable campagne. Première énigme, on ne saura pas pourquoi l'oncle a envoyé les enfants dans cet endroit relativement désert, de plus il ne veut en aucun cas être informé de quoi que ce soit, il délègue toute son autorité à l'institutrice. Très rapidement, celle-ci est séduite par les enfants, tous les deux d'une grande beauté et particulièrement intelligents, mais elle est aussi confrontée à d'effrayantes apparitions, celles de deux anciens serviteurs du domaine, Peter Quint et miss Jessel, décédés quelques années avant. L'institutrice va se comporter en courageuse gardienne de l'intégrité morale et physique des enfants. Elle va tout faire pour les préserver de l'influence maléfique des revenants tout en essayant de percer les secrets qui entourent leur personnalité. L'intérêt de l'histoire repose sur l'interprétation des phénomènes étranges qui se produisent et l'analyse psychologique des personnages. L'auteur entretient l'ambiguïté et le doute, rien n'est affirmé explicitement. On peut penser que l'institutrice est folle à moins que ce ne soient les enfants, dont le comportement est parfois déroutant. On peut même voir dans cette histoire un récit freudien ou le personnage principal exprime ses fantasmes. le suspense est entretenu avec finesse. L'histoire est découpée en petits chapitres qui se terminent souvent par un fait surprenant ou par une question de l'un des protagonistes qui laisse le lecteur en suspension. La réponse est partiellement distillée par touches impressionnistes dans le chapitre suivant. Jusqu'à la fin, le doute persiste. L'auteur a voulu nous plonger dans l'angoisse et le vertige provoqué par des événements d'apparence surnaturelle, sans nous donner la clé de l'énigme.

 À ses lecteurs qui lui reprochait de n'avoir pas expliqué la nature de ces mystérieuses apparitions, Henry James à répondu : «Aussi longtemps que les événements demeurent voilés, l'imagination s'emballe et suscite toutes sortes d'horreurs, mais dès que le voile est levé, le mystère se dissipe et, avec lui, tout sentiment de terreur.»

 Je ne sais pas si cette nouvelle est le meilleur point d'entrée dans l'oeuvre d'Henry James, mais je pense qu'elle donne un bon aperçu de son talent et de son style très raffiné. Certaines phrases sont parfois un peu longues et correspondent à la manière d'écrire un peu chargée de détails des écrivains du XIXe siècle, c'est la raison pour laquelle cet ouvrage pourrait ne pas plaire à toutes les générations. Il y a pourtant beaucoup de charme dans ce texte finement ciselé et qui se prête bien à la description psychologique des principaux personnages. Peut-être pas un chef-d'oeuvre, mais à tout le moins un grand classique du genre fantastique, avec une ambiance qui évoque le célèbre roman "Rebecca" de Daphné du Maurier. L'histoire se termine par un fait inattendu qui permettra peut-être aux plus sagaces lecteurs de trouver une interprétation satisfaisante.


Bibliographie :

"Le tour d'écrou", Henry James, le livre de poche (1995), 159 pages.

La meilleure biographie d'Henry James :

"Henry James Une Vie", Léon Edel, Seuil (1990) avec 24 pages de photos en noir et blanc, 855 pages.
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...
Revenons à nos moutons, ou plutôt à nos fantômes. Un homme recherche une jeune femme pour aller vivre en pleine campagne afin de s'occuper de deux enfants, ses neveux : Miles et Flora. Notre jeune femme accepte avec engouement. Deux enfants, un garçon et une fille et cet homme qui lui indique qu'elle devra se débrouiller pour tout. Rien ne doit lui être revenu aux oreilles. Curieuse demande, mais après un accord entre eux, elle part pour Bly, petit village de caractère où Mrs Grose, l'intendante de la maison, l'attend. Les enfants sont adorables, quoiqu'un peu en retrait. Doux, calmes, Miles et Flora ne font pas le moindre bruit, mais paraissent... étranges. Ils semblent ailleurs. Jusqu'à ce que notre institutrice comprenne : ils ne sont pas seuls ! Des êtres surnaturels peuplent les lieux.

Deux fantômes ont élu domicile et pour cause : ils ont vécu dans cette demeure avant que l'institutrice n'arrive. Mrs Grose les a connu, ils ne sont pas si vieux que cela. Que c'est-il passé pour qu'ils disparaissent et reviennent hanter les lieux ? Pourquoi sont-ils présents ? Leurs présences est quelque peu dérangeantes, surtout lorsque l'on apprend comment ils étaient de leur vivant. le début du récit est plutôt lent, déposant les bases, pour autant nous ressentons une certaine excitation : celle de notre institutrice qui va travailler.

Peter Quint et Miss Jessel. Deux personnages qui sont omniprésents et pour cause : ils sont capables d'avancer en terrain connu. L'air ambiant est stressant : c'est palpable dans le texte, dans la façon dont les personnages principaux agissent. Leurs regards est un élément déclencheur pour augmenter le stress du lecteur. La jeune femme de 20 ans a beaucoup de cran pour son âge. Il s'agit d'une époque où les responsabilités étaient différentes.Les relations également et le langage aussi. Nous nous retrouvons dans un autre style d'écriture et je dois avouer que c'était passionnant. Je ne dirais pas que j'en lirais plusieurs à la suite, mais de temps en temps cela ne fait pas de mal.

Des points restent en suspend : est-ce que l'oncle est au courant de ce qui se passe ? Est-ce pour cela qu'il ne veut rien savoir ? de nombreuses questions arrivent au fur et à mesure du texte lu et nous en avons un certain nombre de résolues. J'ai beaucoup aimé le langage de cette époque. Avec de l'imagination, des tournures de phrases qui nous font chercher le moindre indice. Entre les deux femmes il y a beaucoup de non-dits, de questions, de sous-entendus. J'aime cette manière détournée de l'époque dans un livre. Dans la réalité je déteste cela, je préfère quand il y a de la franchise et qu'on se dise franchement les choses. Mais nous sommes en 2020, ce qui signifie que nous avons modifié de nombreux éléments.

Les descriptions de la maison de campagne est parfaite. Il est impossible de dire que nous n'imaginons pas la maison et les tours qui la compose. Mrs Grose y vit depuis des années. Elle est au courant de certains points de détails qui nous donnent des moments d'effrois. Les sueurs froides s'invitent à la lecture. Surtout que nous apprenons que Miles a été viré du collège où il était. Pourquoi ? Les semaines passent et les événements s'enchaînent. Un homme sur l'une des tours qui les observe. Les accidents deviennent de plus en plus fréquents. La vision de Miss Jessel plus "visible" qu'auparavant. Et ce lac qui est tentant...

L'étrange devient un élément de leur vie. Les apparitions sont-elles bien réelles ? N'y aurait-il pas plutôt un type d'hallucination ? Les enfants ont leur quota de bizarreries. Sont-ils au coeur de ce qui se passe, ou sont-ils innocents ? La fin nous laisse avec plus de questions que de réponses. Je l'ai relu plusieurs fois pour tenter de trouver un sens caché. Je ne l'ai pas trouvé. Avoir le récit sous le regard de la jeune femme nous oblige à voir et à entendre ce qui l'entoure. Une pression est toujours présente, cette même pression qui nous indique que la fin n'est pas forcément celle que nous pensions au départ.

Beaucoup de réflexions, de recherches complètent le récit. Les actes viennent tranquillement, laissant la place à l'esprit. La psychologie est décryptée, nous cherchons encore si ce n'est juste pas une histoire qui est racontée pour faire peur aux autres un soir devant un feu de cheminée... Non, impossible, le lien ressenti entre les personnages est trop fort. Les mots sont forts, la présence de quelqu'un d'autre est palpable entre les lignes du texte. Les fantômes du passé reviennent en force. le fantastique est amené de manière naturelle, comme si tout ce qui se passait était normal. le côté dramatique est poussé à l'extrême.

En conclusion, un récit fantastique que j'ai beaucoup apprécié de part la qualité du texte. Je n'ai pas parlé des illustrations, mais elles sont magnifiques ! Mina M. a encore fait un très beau travail.

http://chroniqueslivresques.eklablog.com/le-tour-d-ecrou-henry-james-a183883792
Lien : http://chroniqueslivresques...
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Incrustons-nous dans ce petit cercle attentif, sagement assis autour du foyer où flamboie un joli feu, et écoutons cet interlocuteur qui nous a promis une histoire par trop horrible. Cette histoire épouvantable a été vécue et écrite par une institutrice qu'il a connue jadis. Lecture nous est donc faite de sa prose où l'élégance des verbes au passé simple et conditionnel imparfait côtoie un vocabulaire riche et précieux.

Filons alors dans une demeure, en campagne anglaise, où les corridors se terminent par des escaliers en vis, tortueux et sinistres, où nombre de chambres sont vides, où deux tours donnent le vertige.
Notre institutrice avait promis à son employeur, qui vivait à Londres et ne se déplaçait jamais dans cette demeure, de mener à bien la mission pour laquelle elle avait été embauchée, à savoir diriger la maison, tout gérer avec le personnel, éduquer une fillette et surtout ne jamais l'importuner avec de quelconques problèmes.
Elle étale en long, en large, son état d'esprit, nous fait part de ses émotions, ses impressions, ses surprises, puis de son agitation, ses doutes. Mais surtout, elle revient maintes fois sur l'attrait angélique de la fillette Flora, puis plus tard de son frère Miles. Deux enfants visiblement envoûtants, admirablement beaux, généreux, adorables, merveilleux, débordants de sagesse.
Elle s'attarde un peu longuement pour éviter d'arriver trop brusquement aux passages qu'elle trouve hideux, aux évènements terribles pleins de vilenie qui devaient suivre.
Car des choses couvent, se préparent dans ce ravissement initial.

Visiblement, les interprétations de cette oeuvre sont multiples. Avec l'apparition des deux fantômes, l'ancienne institutrice et l'ancien valet, qui représentent l'incarnation du mal et qui tentent d'atteindre les enfants, notre narratrice se trouve au beau milieu d'une bataille dans laquelle elle compte bien triompher. Car elle est franchement fière de sa mission, ne manque pas de nous faire part de ses triomphes d'une façon plutôt prétentieuse tout en étant persuadée de sa victoire contre les forces du mal.
Des soupçons hantent son cerveau sûrement très perturbé. Mais peut-être sont-ce les enfants, derrière leur comportement angélique, qui sont dérangés et manipulateurs ?

L'écriture est superbe, l'histoire est perturbante et plus on avance, plus le chemin tracé par l'auteur se ramifie et nous plonge dans l'incertitude d'un dénouement explicite. Je pense que chacun peut y trouver sa conclusion et c'est finalement un attrait supplémentaire à ce récit. Comme la supériorité ressentie par cette institutrice et les nombreuses félicitations qu'elles s'adressent m'ont prodigieusement agacée, je vous laisse imaginer vers quel côté penche mon interprétation.
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Une nouvelle adaptation cinématographique de ce roman sortira cette année (The turning). J'irai la voir, puisque ma douce @justematilda y double le personnage de Flora. J'ai décidé de le lire avant de visionner également l'ancienne version avec Deborah Kerr ( Les Innocents) et revoir "The Others", une autre version réalisée par Alejandro Amenabar avec Nicole Kidman.
Une jeune institutrice est engagée par un noble londonien pour s'occuper de Miles et Flora, ses neveux, orphelins, dans un manoir à la campagne.
Tout d'abord séduite par le charme et les manières des enfants, et le plaisir de sa nouvelle condition, elle se sent doucement emportée dans une atmosphère étrange.
Sa vie paisible est soudain perturbée par la vision des fantômes de Quint, l'intendant du domaine, et sa prédécesseur, Miss Jessel. Elle se sent pour mission de protéger les enfant, craignant que les spectres ne les possèdent...Mais ces fantômes, est-elle la seule à les voir? Et le danger, de qui vient-il? Peut-être de son esprit torturé? N'est-elle elle-même pas hantée par sa relation exclusive avec ses petits élèves?
Beaucoup de non-dits, de possibles, dissimulés dans les intentions des personnages, rien n'est tout à fait clair, on ne fait que percevoir des faits, c'est ce qui est troublant dans ce récit. Les manières de l'époque en rajoutent dans l'ambiguïté, à mon sens, les convenances rendaient parfois difficiles la possibilité d'aborder de front certains problèmes. Actuellement, on n'hésiterait pas à demander: "Bon, ils couchaient ensemble, ou pas?"...😁
Le style est exigeant, et des phrases longues, des tournures peu courantes m'ont rappelé le plaisir de se replonger dans les Classiques.
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Le Tour d'écrou... Titre à la fois intrigant et inquiétant pour toutes les évocations qu'il peut suggérer. C'est en tout cas un coup de maître pour Henry James de maintenir, tout au long de la lecture de ce roman, sa lectrice ou son lecteur dans le vertige du doute : celui dans lequel va les plonger ce récit noir et envoûtant.
En effet, tout est sujet à caution dans ce roman : les éléments du fantastique auxquels se réfère James; le fil de l'intrigue constamment rompu par des ambiguïtés déroutantes, les personnages dont le comportement se prête à de multiples interprétations. A commencer par celui de la narratrice, institutrice de son état et qui va se voir confier la charge de s'occuper de deux orphelins, Miles et Flora, dans une propriété de la banlieue londonienne, Bly. Pour la seconder, Mrs Grose, l'intendante, une brave femme qui a bien les pieds sur terre.
Si l'on adopte un postulat de lecture qui réfute le surnaturel et les apparitions, cette jeune femme dont on ne connaîtra jamais le nom présente un profil psychologique très inquiétant. Comment ne pas être dérangé par le fait que très vite les apparitions de deux personnages, Quint, le majordome et Miss Jessel, l'ancienne institutrice, vont la conduire à malmener son entourage, en l'occurrence Mrs Grose, avec laquelle elle va entretenir des rapports très complexes mêlant persuasion, aveux forcés puis une forme de persécution qui va avoir raison du bon sens de cette femme peu habituée par sa fonction à faire front face à l'adversité. Même jeu pervers avec les deux enfants dont elle a la charge. D'abord complètement idéalisés, ils vont devenir peu à peu dans son esprit des êtres diaboliques, sous l'influence des deux revenants maléfiques que sont devenus Quint et Miss Jessel, morts dans des circonstances que l'on ne connaîtra jamais. Obsession d'un complot qui se tisserait contre elle, paranoïa qui va d'abord la pousser à se poser comme sauveteuse des enfants, puis comme leur persécutrice, sa folie va la conduire au dérapage dramatique d'une situation qu'elle ne contrôle plus...
Oui mais... Cette lecture n'est pas la seule possible car le récit qui nous est fait par la narratrice concerne des faits passés, alors qu'elle a poursuivi apparemment sa carrière dans d'autres familles sans que rien ne puisse lui être reproché bien au contraire. Quid alors de sa folie ? Même si l'on doute de l'existence des deux revenants maléfiques que sont Quint et Miss Jessell comment mettre en doute les propos de Mrs Grose qui les dépeints comme deux êtres nuisibles et manipulateurs ? Quid alors de leur réelle influence et de leurs relations avec les deux enfants qui refusent d'en parler ? Vue sous cet angle, c'est un tout autre histoire qui se dessine...
Rien n'est donc simple dans ce roman et c'est ce qui, à mes yeux, est passionnant car à chaque instant tous les faits qui se présentent peuvent être soumis à une double lecture.
Je pourrais ajouter également que si l'on accepte les codes d'une écriture délicieusement surannée, certaines scènes d'apparitions ou avec les enfants sont d'une intensité dramatique et émotionnelle à couper le souffle.
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Il y a trois niveaux de lecture dans ce roman, trois mises en abyme. Ainsi l'histoire qui nous est contée, provient d'une institutrice dont on ignore le nom, qui s'est donc retrouvée confrontée à un étrange épisode impliquant des enfants. Cette histoire, elle l'a racontée à Douglas qui la rapporte lui-même au narrateur, probablement Henry James. Et puis ces deux premiers niveaux de lecture (Douglas / le manuscrit de l'institutrice) disparaissent subitement pour laisser place au récit de l'institutrice elle-même, sans qu'on ne les retrouve ultérieurement. C'est assez déconcertant au premier abord, mais on oublie vite ensuite ce point.

Cette institutrice nous raconte donc avoir été embauchée pour s'occuper de deux jeunes enfants, Flora et Miles, dans une vieille demeure perdue dans la campagne anglaise. Leur tuteur n'est pas sur place, il ne s'occupe d'eux que de très loin. Les enfants sont absolument charmants mais l'institutrice suspecte rapidement des non-dits puisque le petit garçon a été renvoyé du collège pour une raison que l'on ignore. Et puis elle finit par rencontrer deux silhouettes, Quint et Miss Jessel, et le mystère démarre.

L'atmosphère est lourde, le mystère rôde, l'intrigue est captivante. On frémit à l'idée de ce qui pourrait arriver à ces enfants livrés à eux-mêmes, loin de leur tuteur, au fond de la campagne anglaise. Plusieurs questions restent en suspens qui permettent de maintenir le rythme de l'histoire : le rôle exact de Mrs Grose, la relation qui unit Quint et Miss Jessel, les raisons du renvoi de Miles du collège... Il y a beaucoup de non-dits et cela participe grandement à l'atmosphère noire du roman. Tous les ingrédients sont là pour nous captiver. On retrouve en outre dans ce roman, le style habituel de Henry James, avec une plongée dans la tête de ses personnages, en l'occurrence, de l'institutrice. Les hypothèses s'accumulent : s'agit-il de fantômes qui essayent de détourner ces jeunes enfants de leur innocence ? Que cherchent-ils exactement ? Ces enfants sont-ils aussi innocents qu'ils en donnent l'air ? Sont-ils de connivence avec Quint et Miss Jessel ? Cette histoire n'existe-t-elle que dans la tête de l'institutrice ? Chacun pourra se faire sa propre idée !
Lien : https://riennesopposealalect..
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C'est la première fois que je lisais James (je précise : en anglais, par ailleurs).
Il est vrai que le style et le propos ont quelque peu vieillit. Rares sont les adultes, aujourd'hui, qui prennent un malin plaisir à se raconter des histoires d'horreur autour d'un feu, comme on ne faisait à l'époque de l'écriture de cette "tale" (comme on appelle le format plus long qu'une nouvelle, plus court qu'un roman).

Le point de vue choisi est celui d'une gouvernante pas très éduquée (fille de pasteur, tout de même, à la soeur Bronte mais moins cultivée). C'est tout ce que l'on sait d'elle, ou presque. Elle raconte comment elle perçoit les deux enfants dont elle s'occupe, de véritables anges, dont elle découvre petit à petit qu'ils sont plus ou moins possédés. Là, il a quelque chose de "facile" pour des lecteurs habitués aux films d'horreur d'aujourd'hui. On n'arrive pas bien à saisir ce qu'il y a d'abominable dans les enfants, mais on sent la peur de la narratrice et cela suffit à créer une tension.

Sur la technique, tout est très maitrisé. de bout en bout on ne sait pas si la gouvernante imagine les visitations (serait-elle le véritable danger), ou si au contraire, les enfants sont effectivement possédés. Les fin de chapitres sont réussis, donnant envie d'aller toujours plus loin et de savoir ce qui va se passer.

Plusieurs thèmes relativement modernes, à savoir : les enfants peuvent être manipulés et manipulateurs, les gouvernantes ne sont pas toutes angéliques, les différences de classes créent des dysfonctionnements, les soubçons de pédophilie... On se sent une parenté étrange avec ses angoisses victoriennes !

Last but not least: comme je l'ai lu en anglais et que je vois que de nombreuses personnes se plaignent de la lourdeur du style, je précise qu'en VO ce n'est pas un problème. :)
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