Avant de s'investir corps et âme dans la promotion de la lecture par le biais de l'association Lire et Faire Lire qui permet aux anciens de renouer des liens avec les plus jeunes et à ceux-ci de découvrir un monde éloigné des jeux vidéos mais pourtant ô combien plus passionnant. Avant même de lorgner vers la politique jusqu'à vouloir être candidat aux dernières élections présidentielles,
Alexandre Jardin fut un grand enfant. Un éternel enfant.
Fils du scénariste
Pascal Jardin, surnommé
le Zubial dont Alexandre a dédié un de ses romans, à qui l'on doit le scénario du bouleversant Vieux Fusil et petit-fils de Jean Jardin, dit
le Nain Jaune, qui fut directeur de cabinet de
Pierre Laval sous Vichy, le fils prodige enchaine les succès depuis ses vingt ans.
Quand on ouvre un roman de Jardin, troisième du nom, on est à peu près sûr de retomber en enfance.
Si
Amélie Nothomb regrette l'innocence et la pureté du corps de l'avant adolescence qui ruine tout, tant sur la prise de conscience du monde qui nous entoure que sur ces fameuses hormones qui chamboulent une symbiose que nos cellules n'atteindront plus jamais, Jardin garde la nostalgie de l'inconséquence enfantine, d'un style sincère et direct, d'une espièglerie taquine et ce refus du mensonge et des concessions.
Avec
le Petit Sauvage, on retrouve cette volonté de bazarder toutes les conventions du monde adulte (l'adultie). Alexandre Eiffel (l'auteur a tout de même prit le soin de changer son nom de famille), arrière petit-fils du génial constructeur de Mécano géant, s'aperçoit qu'il ne mène pas la vie dont il avait souhaité lorsqu'il découvre un rendez-vous qu'il s'était lui-même fixé en compagnie de trois camarades, vingt ans plus tôt. Il était question de devenir des Robinson de fortune dans une petite ile abandonnée, au large de la Côte d'Azur.
Ajouté à cela le souvenir d'une maison où il a grandi aux côtés d'une grand-mère passionnée et la rencontre avec la femme qui l'initia sensuellement… plus exactement avec la fille de celle-ci.
Alexandre envoie tout en l'air.
Vend son entreprise de clés à son proche collaborateur, rachète le manoir devenu un détestable hôtel, enlève sa grand-mère d'un mouroir où elle s'étiole, convoque ses anciens camarades pour une virée sur l'ile promise et entreprend de séduire la belle Manon. Il ne se déplace plus qu'en vélo, construit une cabane dans les arbres et jette sa montre aux orties.
Mais peut-on se conduire comme un gamin de sept ans lorsqu'on en a trente de plus?
Alexandre va, petit à petit, s'enfoncer dans ses propres chimères.
Si l'auteur utilise alternativement la première et la troisième personne pour bien souligner la bipolarité du héros, j'ai le sentiment qu'il ne va pas assez loin dans cette schizophrénie latente. Bien sûr, la fin du roman est moins enjouée que ses débuts tonitruants. Mais on aurait aimé plus de névrose, une vraie descente aux enfers, une sorte d'Eté Meurtrier en quelque sorte. Et ce n'est pas les libertés typographiques dans les trente dernières pages qui masquent un classicisme de bon aloi.
Finalement,
Alexandre Jardin est trop conventionnel.