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sur 201 notes
Assez déroutée au début par les propos émis par les deux rédactrices, j'ai très vite succombé à ce roman épistolaire d'une grande violence. Quel bagout ont ces deux dames, quel scandale de lire leurs propos virulents et pleins de haine, et pourtant quelle jubilation ! Parce qu'au début, si les propos tenus et pleins de hargne vont à l'encontre de l'une ou l'autre, bien vite elles s'allient pour se tourner vers la cible de leur haine, l'homme. Jusqu'à imaginer la mise en scène de sa mort. Et ici en l'occurrence, l'homme ciblé est le fils de l'une (enfant non désiré) et l'ancien amant de l'autre (indigne car non revenu supplier son amante de le reprendre après leur séparation).

Mais petit à petit, des révélations surprenantes, saugrenues, mettent la puce à l'oreille au lecteur. Est-ce du lard ou du cochon ? Sont-ce vraiment des propos échangés entre ces deux femmes ou une invention de l'esprit ? Goeffrey, l'homme ciblé, a-t-il lui aussi participé à ces échanges de courriers ?
Et notez bien au passage que ce sont de vrais courriers et non des mails, ces dames ne supportent absolument ces derniers, remplis d'espions, qui pourraient avaler, diffuser, mémoriser leurs propos. Deux femmes torturées, fortes de leur domination sur autrui, imbues d'elles-mêmes. Deux harpies.
Et c'est la fin, surprenante, qui m'a totalement dégagée de ces rumeurs affreuses, méchantes et bouffies de haine. Les esprits malades peuvent être redoutables.

C'est un roman d'une grande beauté, d'une grande richesse d'écriture et de style. de nombreuses citations méritent d'être relevées sur l'amour, la haine, le couple, la femme, l'homme, les enfants, sans oublier la religion. Quelques phrases assassines jalonnent également le récit. C'est riche de réflexions et de cynisme aussi. Mais surtout, c'est un très bel exercice sur la folie, la schizophrénie.
Mais c'est un roman qui n'aura pas emporté ma totale adhésion, cet humour cinglant, cynique, cruel est, pour moi, poussé à son paroxysme. L'excès m'a petit à petit détachée du propos.
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Voilà un roman qui déroute, de part sa forme épistolaire mais surtout pas le verbe de l'auteur.
Une jeune femme écrit à sa belle-mère au sujet de sa rupture avec Geoffrey, le fils et amant. Au début, ces deux femmes sont à la limite de la haine puis se rapprochent dangereusement jusqu'à la folie autour de leur haine commune Geoffrey qui est rapidement envisagé comme un futur festin alimentaire...
L'auteur réussit à travers les lettres à dresser le portrait de ces deux femmes, à inoculer un vent de folie et dresse le portrait le plus détestable de l'Homme dans toute sa splendeur.
C'est une pluie de métaphores qui s'invite, des adjectifs cruels, fous qui s'immiscent dans le texte et un rythme tantôt lent, tantôt déroutant.
Au final, que l'on adhère ou pas, l'histoire et le style ne nous laissent pas indifférent et pour ma part, j'ai apprécié cette lecture particulière
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Ce livre est une farce. Jauffret nous en met plein la vue, nous propose deux héroïnes qui passent par toutes les phases épistolaires. Jauffret joue avec nous , leur faisant dire tout et son contraire. Tantôt résignées, tantôt pleines d'espoirs, elles sont toujours excessives. On rit de tels personnages. A un moment cependant, l'action ne progresse plus. Les deux mégères radotent, se perdent dans leurs élucubrations, deviennent grotesques. On les trouve ridicules, mais ne les confondons pas avec l'auteur !
Sur l'écriture, on notera que pour mettre en scène ses trois personnages, Jauffret a choisi d'accumuler les images par 3. Dans la plupart des phrases, les images, toujours réussies, vont par trois.
Paraphrasant une pensée de Jeanne, on peut se demander au final "quel est le sens de ce galimatias". Jauffret ne cache pas sa réponse dans la même lettre : "je vous répondrai que je n'en sais rien et m'en soucie comme de colin-tampon".
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Voilà un roman qui se résume vite. Vite, car en réalité on a l'impression qu'il ne se passe pas grand chose … Je dis bien l'impression … le style épistolaire est sympathique, bien qu'un peu déroutant au départ. Mais, on s'y fait rapidement et on prend goût à lire ces lettres un peu « dérangées ». Quoiqu'on puisse en penser en refermant ce livre, on ne peut indéniablement pas lui rester indifférent. Qu'on aime, qu'on déteste ou qu'on reste dubitatif, ce roman provoque inévitablement un sentiment étrange. Pour ma part, j'ai eu le sentiment de voyager dans l'esprit schizophrène d'une jeune femme aux personnalités multiples.
Pourquoi ai-je eu ce sentiment ? Eh bien, dans un premier temps parce que chaque lettre est rédigée dans le même registre et use des mêmes figures de style. Ce qui ne nous permet, pour ainsi dire, pas de différencier les trois personnages récurrents. de ce fait, les protagonistes ne développent pas réellement d'univers rien qu'à eux. Heureusement que les noms des auteurs des missives apparaissent à la fin des lettres. Dans un second temps, il m'est rapidement apparût que nous voyagions à travers un des délires de trois des visiblement nombreuses personnalités de Noémie. Si ces lettres étaient adressées à des personnages réels et distincts, le postulat de base ma paraîtrait peu plausible. En effet, comment une femme peut-elle décemment imaginer envoyer une lettre à son ex belle-mère afin de se plaindre de son fils qui refuse de l'implorer à genou ? Et comment s'imaginer qu'une mère, aussi imparfaites puissent-elles être parfois, répondrait à cette femme en lui proposant de tuer son fils puis de le dévorer à un festin ? Il m'a semblé saisir du doigt la bonne solution lorsque Noémie a avoué être schizophrène. de plus, plusieurs fois on a pu remarquer que certains personnages s'effaçaient complètement au profit d'autres. Quand les personnages secondaires d'une multiple personnalité passe « dans la lumière » ; c'est-à-dire, qu'elles se mettent au devant de la scène ; le personnage central (ici Noémie) s'efface. Il s'agit de phase. Parfois, ça peut durer une journée, une semaine ou même un mois. le personnage central se bat généralement pour faire respecter un semblant d'ordre et de règles dans cette petite communauté imaginaire. Je dois avouer que ce côté un peu psychologique m'a beaucoup plu, bien que j'aurais aimé que ce soit plus clair. Plus clair parce qu'en discutant de ce roman avec des proches, je me suis rendu compte que peu de personnes avait fait le même constat que le mien et pensait suivre la vie de deux mégères qui s'étaient étonnamment retrouvées sur les chemins de la folie et du crime. La question que je me suis donc posé est la suivante : Est-ce une oeuvre où plusieurs théories sont possibles et qui ne donne de réelle solution à personne ? C'est possible, oui ! Et si je me trompe sur le coeur même de l'histoire, et bien force me sera de constater mon H.S. Mais surtout, je ne comprendrais pas l'incohérence d'où part l'histoire.
Le roman épistolaire a tendance à poser des barrières assez importantes. Ce style ne permet pas à l'auteur d'ancrer un paysage, une odeur, un ressenti ou même un contexte par les descriptions. C'est quelque chose qui peut parfois bloquer certains lecteurs car ce genre demande beaucoup d'imagination. On a un peu l'impression que c'est notre propre imaginaire qui crée l'histoire. On suit simplement un fil conducteur, mais brodons le reste tout autour. Généralement, on aime ou on aime pas. Pour ma part, j'étais un peu dubitative au départ. Puis, au fil de ma lecture j'ai pris plaisir à faire vivre ce (ou ces) personnages dans mon propre imaginaire.
J'ai remarqué également que l'auteur, bien qu'il soit lui-même un homme, semblait avoir prit le parti des féministes. Oui, mesdames les engagées à la cause, n'hésitez pas à lire ce livre. Il vous épanouira tant il rabaisse clairement l'homme … Presque plus bas que terre. En tant que femme qui ne prône pas l'égalité des sexes mais la complémentarité des sexes, je trouve ça peu approprié d'essayer de glorifier la place des femmes en rabaissant les hommes. Si réellement ce qui est recherché n'est que l'égalité des sexes, pourquoi rabaisser les hommes au lieu de démontrer, par A + B, qu'une femme est autant capable ? Diminuer quelqu'un ne signifie pas, pour moi en tout cas, être meilleur … 
Une phrase dans ce roman m'a un peu choqué. Je l'ai trouvé déplacé et presque irrespectueuse. La voici : « Je fus du nombre, mais ce matin je me sens une âme d'épouse de moudjahidin, humble crachoir dans lequel s'égouttent les terroristes avant de s'en aller massacrer nos dessinateurs. » - Je pense que tout le monde aura fait le rapprochement avec les attentats qui ont touché Charlie Hebdo … Je ne sais pas … Je trouve ça tiré par les cheveux de faire adhérer cette femme aux pratiques des terroristes, même si ça ne dure qu'une phrase. À mes yeux, et je parle vraiment personnellement, certains sujets doivent être respectés. N'oublions pas que des hommes sont morts dans d'atroces souffrances et que derrière eux, il reste quand même leurs familles qui doivent vivre avec ça jusqu'à la fin de leurs jours. Je comprend ensuite ceux qui défendront cette réplique parce qu'ils aiment les satires autant qu'ils aiment les caricatures de Charlie Hebdo. Encore une fois, il ne s'agit là que de mon ressenti de sensible (peut-être, un petit peu).
Moi qui suis généralement en admiration devant les figures de style dans les romans, cette fois-ci, je me retrouve complètement lassée. Dans la vie comme en littérature, rien n'est bon dans l'excès ! Et là, trop c'est trop ! Ce travail lorsqu'il parsème un texte a tendance à poétiser une histoire, à l'adoucir. Ici, c'est tout l'inverse puisque ça devient très très lourd. Une lourdeur qui s'en ressent brutalement puisqu'à 50 pages de la fin, on a l'impression que le roman s'essouffle … Et nous avec ! Il ne se passe plus rien, si ce n'est des échanges sans intérêt entre Jeanne et … Et Jeanne, puisque plus personne ne lui répond.
En résumé, j'ai apprécié ce roman qui nage subtilement avec un important trouble psychologique : le dédoublement de personnalité. Je regrette simplement que cette maladie n'ai pas été davantage abordée afin de rendre la fin plus explicite (pour moi, Jeanne a finalement voler « la lumière » aux autres et en refusant de léguer sa place, elle a, de ce fait, bannit Geoffrey et Noémie). Seule la lecture de ce livre vous permettra de vous faire un avis sur le véritable sens de cette histoire. N'attendez pas de tomber sur un chef d'oeuvre, mais quoiqu'il en soit sur un genre particulièrement intéressant et déstabilisant.
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Roman épistolaire entre deux femmes : l'es maîtresse de Geoffrey et la mère de ce dernier. Les deux femmes se prennent d'amitié l'une pour l'autre au travers de la haine pour l'homme. Elles prévoient de se venger de lui jusqu'à projeter de le faire rôtir et de se repaître de ses chairs persillées ... Il faut tout le cynisme outrancier de Régis Jauffret pour finalement s'amuser de cette invraisemblable correspondance. A lire pour passer un moment humoristique des plus agréables !
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Depuis Les liaisons dangereuses, et plus modestement depuis Liaisons, qui entendait rendre hommage à son merveilleux précurseur, le roman épistolaire a été très négligé. Je trouve cela fort dommage car ce genre offre à l'auteur un mode de narration qui permet de dévoiler au fur et à mesure le caractère des personnages et les détails de l'intrigue, tout en étant contraint de laisser dans l'ombre bien des pièces de son puzzle et d'entretenir ainsi le mystère. Rendons par conséquent grâce à Régis Jauffret pour avoir brillamment écrit toutes ces lettres.
Ajoutons que pour tous ceux qui trouveront le procédé quelque peu désuet, il s'agit ici de déjouer les risques de piraterie informatique dont Noémie, l'une des principales protagonistes à été victime, et sans doute aussi de jouer avec le temps nécessaire à l'envoi desdites missives.
Noémie prend donc la plume pour s'adresser à sa belle-mère, car elle entend s'expliquer sur sa séparation avec Geoffrey, le fils de cette dernière. La réponse est cinglante et aurait pu conduire à l'interruption de cette correspondance : « Gardez donc votre famille. À petites gorgées, buvez jusqu'à la lie la honte d'en être et d'avoir gâché la chance que vous aviez de faire partie de la nôtre, si Geoffrey était un jour assez sot pour vous offrir le mariage. »
Mais Noémie et Jeanne, les deux correspondantes, ont un caractère bien trempé et n'entendent pas en rester là. Elles vont continuer à s'expliquer, vont se rencontrer et si bien aplanir leurs différends qu'elles vont s'allier et ourdir un plan diabolique qui consiste à se débarrasser de cet importun, qui « éprouve un profond dégoût » pour les femmes, en le… mangeant.
Toutefois, à peine élaboré, ce plan se heurte à la susceptibilité de Jeanne, qui ne supporte pas de voir Noémie mettre son amie d'enfance, Marie-Bérangère d'Aubane, dans la confidence. Mais le désir de vengeance des femmes bafouées reprendra vite le dessus. Les détails de l'assassinat sont élaborés : « Nous louerons une maison de campagne pour l'apprêter. Après avoir salé et poivré sa dépouille, tenant chacune une extrémité du manche sur lequel nous l'aurons empalé, nous le ferons griller à la broche au-dessus d'un feu de sarments de vigne et de bois d'olivier. Nous pilerons ses os dans un mortier afin de pouvoir nous repaître de sa moelle montée en mousseline avec un kilo de bon beurre. »
L'exaltation joyeuse, le joli scénario et «le fantasme enfoui de beaucoup de mères. Ingurgiter ce que nous avons un jour expulsé, rendre à la nature le fruit de nos entrailles. » va toutefois devoir se confronter à la réalité du terrain. Je ne dirai pas ici jusqu'où cette quête quasi mythique va nous conduire, mais je ne peux m'empêcher de vous révéler que, contrairement aux apparences, Cannibales est une très joli roman d'amour, dont j'emprunte à Jérôme Garcin la formule qui le résume le mieux: «Savoureux de férocité, onctueux de préciosité et délicieux d'absurdité.»
Lien : https://collectiondelivres.w..
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Cannibales est un roman épistolaire qui ne laissera personne indifférent mais risque de diviser ses lecteurs du coup de coeur à la détestation. Je serai dans le clan des coups de coeur pour cette plume qui manie si bien les métaphores, pour cet esprit qui pousse les attitudes au paroxysme pour mieux en cacher la réalité des sentiments.
Noémie, une jeune artiste peintre vient de rompre avec Geoffrey, un architecte de cinquante deux ans. Elle adresse une lettre à Jeanne, la mère de Geoffrey pour lui annoncer cette rupture.
« A votre âge vous savez sans doute que les amours sont des ampoules. Quand elles n'en peuvent plus de nous avoir illuminés, elles s'éteignent…Soyez sereine, nous ne soufrons pas »
Si Jeanne ne comprend pas le besoin de cette missive, elle va toutefois entretenir une correspondance avec Noémie allant du rejet, de l'indignation, de la confession a la complicité et à la passion aveugle.
» un coup de foudre crapuleux entre une vieille dame et une jeune femme sortant de l'oeuf réunies par le désamour d'un homme qu'elles ont peut-être aimé un peu jadis ou naguère. »

Plus Noémie est odieuse, plus Jeanne s'attache. Les deux femmes, ayant vécu des passions amoureuses deviennent complices dans leur logorrhée, veulent se venger de la race pénienne, imaginent l'assassinat de Geoffrey et se délectent déjà de sa chair grillée au feu de bois.

Les propos sont incisifs, parfois cruels, voire surréalistes. Et pourtant, ce ne sont que nos travers grossis par la vision acerbe de l'écrivain. L'orgueil de Noémie lui vaut des propos sans concession, sa schizophrénie la rend tortueuse, manipulatrice en quête d'un amour idéal. » Il nous les faut admirables, forts, invincibles et d'une douceur indicible sous le roc. »

La solitude de Jeanne la pousse vers cette jeune femme, dernier lien avec la société. Son fils est pour elle » l'écrin d'un souvenir« , fils du seul homme qu'elle a jamais aimé. A Noémie, elle donnera tout ce qui lui reste.

Régis Jauffret illustre le désenchantement des anciens amoureux à l'issue des rapports humains du couple.
Geoffroy vient parfois ponctuer cet échange incisif de ses déclarations d'amour ou de désamour.

Le style est d'une grande richesse avec de nombreuses métaphores, le ton est direct, incisif.
Cannibales… je l'ai dévoré tout cru et je m'en suis léchée les babines.
Lien : https://surlaroutedejostein...
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Quel sentiment étrange en refermant ce livre ! L'impression de ne pas savoir quels mots choisir pour démarrer ma critique. Je vous mets au défi de rester de marbre. le constat est sans appel : Ce livre ne peut vous laisser indifférent, la palette d'émotions qu'il est susceptible de provoquer chez vous... est assez vaste.
Vous pouvez haïr, prendre en pitié, maudire, vous réjouir, etc. pour ces personnages. Dans la lutte entre leurs différents égo, difficile de prédire si l'un d'entre eux sortira vainqueur de ces multiples joutes épistolaires.

Bref, un roman à l'écriture soutenue qui renouvelle le genre épistolaire. Je vous conseille de le découvrir.

Bonne lecture :)
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En écrivant Cannibales, Régis Jauffret s'est lancé dans une aventure périlleuse, très difficile en tout cas : mener un roman avec uniquement un échange de lettres. Noémie et Jeanne en sont les personnages principaux mais Geoffrey, fils de Jeanne qui a quitté Noémie, fournit aussi quelques missives.
Noémie est une artiste peintre de 24 ans qui rêvait d'être chanteuse d'opéra. Elle écrit à Jeanne (Chère Madame) qui lui répond (Chère Noémie) en lui disant que son mari s'appelait Poutine ( !), qu'elle a 85 ans et qu'elle fait de l'ostéoporose. Elle lui demande de ne plus lui écrire. Son cynisme perce déjà.
Noémie enchaîne en lui avouant : « Vous devez avec raison préférer le silence qui est au langage ce que la paix est au conflit. » Elle décrit Geoffrey sans complaisance : « Un être intelligent qu'aucune femme ne regrettera jamais d'avoir connu. » Ajoutant un peu plus loin que Jeanne est « chanceuse d'avoir mis Geoffrey au monde. Aujourd'hui, je regrette que vous ne vous soyez pas tenue à la plus grande chasteté le soir où vous l'avez conçu. »
Les amabilités continuent. Les premières lettres sont les meilleures mais Régis Jauffret distille tout au long du livre quantité de formules assassines réussissant le tour de force, après un week-end à Cabourg, de réunir ces deux femmes que tout oppose au départ, autour d'un projet fou : tuer et manger Geoffrey !
Noémie détaille toutes ses idées sur l'amour, rêvant de voir pleurer ceux qu'elle écarte : « Les pleurs abondant des hommes sont beaucoup plus troublant que leur pauvre semence. » Jeanne se moque d'elle : « Votre gentillesse superficielle et fourbe m'a séduite. » les lettres commençant par « Chère Jeanne » ou « Petit ange ».
L'humour est bien présent, même un peu macabre : « nous le mangerons bien grillé et il croquera sous la dent comme les croquantes endives dont vous raffolez. » Geoffrey, un architecte de 52 ans, entre dans la danse et parle de son enfance, demandant à sa mère de l'oublier puisqu'elle n'a pas su l'aimer.
Si Jeanne ordonne « Aimez-le avec autant d'attention qu'une femme chérit le porcelet qu'elle sacrifiera à la Saint-Sylvestre », Noémie lâche : « Nous n'avons pas comme vous, la chance de bénéficier des douceurs de la religion. Pauvres athées que nous sommes. » L'histoire se termine de façon macabre mais avec une pirouette amusante.

Pour arriver au bout de son roman, Régis Jauffret a dû étirer son histoire, développer des aspects annexes et imaginer des issues assez improbables mais l'essentiel est dans cet humour féroce, ces formules incroyables qu'il a su écrire avec talent et beaucoup d'à propos.


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Réglement de compte épistolaire, entre une ex ayant mis le grappin sur un homme bien plus âgé qu'elle, largué peu de temps après, et la mère de ce dernier.
Ecrits lapidaires, grinçants voire méchants qui peuvent mettre mal à l'aise et même déplaire mais qui, sous la plume de Jauffret, très inspiré, prennent l'allure de conte cruel.
Nos deux protagonistes, Noémie et Hélène, rivalisant d'animosité, de perversité, d'acerbité, déversent , avec grand talent littéraire ( je dois reconnaître) leur fiel, tout en se découvrant des affinités dans leur rancoeur et leur fort caractère. Elles en viennent à échafauder un plan pour tuer l'objet de leur ressentiment, à savoir un amant décevant et un fils tout autant.
A partir de là, le vraisemblable, tolérable devient délire inconfortable, le jouissif quelque peu répulsif. Faut avoir le moral adéquat, une certaine distance pour supporter et digérer cette litanie de sarcasmes, bien que tout ne soit que farce et fantasme ! Cet humour féroce, caustique, ces formules corrosives, assassines, me donne la vague impression d'avoir été cannibalisée, à l'insu de mon plein gré.
De ce fait, je m'abstiendrai de noter, trop écartelée entre le beau et le laid.
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