Coup de folie

Euphémisme. Nul besoin d'être devin pour comprendre que la blonde, la belle Pamela, prunelle des yeux de ses parents, avait grandi dans un univers privilégié, où elle avait reçu tout ce qu'elle désirait. Apprendre que l'homme qu'elle allait épouser ne lui accordait pas un amour et une confiance inconditionnels l'avait bouleversée.
A mesure que la date du mariage approchait, Pamela était devenue de plus en plus tendue. Desdemona avait vu croître l'anxiété de sa cliente à chacune de leurs rencontres, mais, optimiste, elle avait préféré passer outre. La félicité future du couple ne la concernait pas.

En toute objectivité, elle n'avait pas un physique aussi saisissant que les autres. Elle était beaucoup plus petite et se mouvait avec plus d'énergie, plus d'enthousiasme que de grâce languide.
Il émanait d'elle davantage de douceur, songea Stark. Oui, plus douce, et infiniment plus séduisante. Avec sa bouche pleine et généreuse, ses immenses yeux turquoise et son halo mousseux de boucles rousses aussi indisciplinées qu'impertinentes, elle évoquait, au milieu de son éclatante parentèle, un chat de gouttière qui se serait retrouvé par erreur élevé dans une famille de léopards.

— Je dois aller jusqu'au bout. On n'annule pas une affaire de cette importance à la dernière minute, n'est-ce pas? Cela ne se fait pas. La famille serait horrifiée.
— Peut-être devriez-vous rentrer chez vous pour y réfléchir, avait suggéré Desdemona. Le mariage est une grave décision.

Les contrats sont le résultat d'une démarche logique, raisonnable. Dieu sait que le sacrement du mariage ne vaut pas cher de nos jours. Mais un contrat d'affaires, voilà quelque chose de tangible, de réel, qui lie les gens, qui les engage véritablement les uns vis-à-vis des autres.

Je pourrais me faire livrer une de ces poupées gonflables, grandeur nature et anatomiquement correctes, qu'on vend dans les boutiques spécialisées, réfléchit Stark. Mais avec ma veine, elle se dégonflerait avant même que je sois arrivé à comprendre le mode d'emploi.