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Martine Rémon (Traducteur)
EAN : 9782915018493
536 pages
Quidam (07/10/2010)
4.23/5   15 notes
Résumé :
Un journaliste en rupture de ban, alcoolique et divorcé, entreprend une cure de désintoxication et tombe amoureux de sa thérapeute. Il quitte Hambourg pour la suivre à Berlin. Un ancien garde-frontière, fou de douleur après la mort de sa femme, se fait taxi de nuit pour retrouver une jeune Ukrainienne, réfugiée clandestine, afin de l'arracher à un avenir glauque. Leurs destins se croisent dans le Berlin des années 2000, ville en plein bouleversement, redevenue la ca... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
En l'an 2000, en cure de désintoxication dans une clinique de Hambourg, un journaliste dépressif - prétendant écrivain tombe amoureux de sa thérapeute, et quitte donc sa femme après douze ans de mariage. Tentant de devenir vivant, de devenir adulte, il sort de cette relation morte depuis le premier jour pour suivre sa thérapeute dans la ville de Berlin.

Et tout ceci est dit dès les trois premières pages, qui m'ont fait chavirer immédiatement au coeur de ce livre monstre, totalement dévorant.

«Je ne suis pas un lâche, hélas, donc je n'ai pas fui. Mais me suis enfui, des soiréezentières, dans l'alcool. Les années forcirent comme les lignes de croissance des érables devant la maison – de l'épaisseur du manche à balai en bois sec vers celle du billot : 1 vie. (Nous n'avions pas d'enfant.)
Je me suis enfui é: je suis resté. Resté dans la balance de trois fléaux portés par le couteau : l'alcool | le journal | la femme. (Nulle part où trouver refuge.) Son sérieux devenait affliction sur mon cas. – Ses phrases me couvraient, sombres & lourdes, de plus en plus pesantes chaque=jour & chaque=nuit de cette union. (Plus tard pluzaucunmot.)
J'avais l'impression d'être à côté de la plaque. de moi | du travail | du mariage. Cette union ne devait plus durer ; le-divorce : 12 ans, c'est plus qu'un bail quand les années sont devenues glaciales comme nous é les jours&nuits=en-solo… »

Reinhard Jirgl crée sa propre langue, somptueusement traduite (et même ré-écrite) ici par Martine Rémon, un véritable exploit. Les mots sont comme une pâte qu'il malaxe et affine, utilisant toutes les ressources de lettres, de signes - ponctuation qui sont réinterprétés pour donner plus de sens et de charge émotionnelle au texte, avec une invention et une liberté totales. Alors ce récit n'est plus seulement intellectuel, il en devient physique, on le lit, on le voit, on ressent ses tensions, on se fait submerger.

Deux ans plus tard, en 2002, le journaliste, qui se débat dans la lie amère de la relation amoureuse, rencontre à Berlin un chauffeur de taxi. Cet homme était garde-frontière à la frontière polonaise et devait refouler les vagues de refugiés de l'Est après la chute du mur. Plongé dans un abime de chagrin après la disparition brutale de sa femme, il avait aidé une jeune Ukrainienne à passer la frontière, voyant en elle la possibilité d'un nouvel amour. Une fois la frontière passée, elle s'était envolée ; il a rejoint Berlin dans l'espoir de la retrouver.

Avec des renvois, des liens hypertexte qui nous invitent à la déambulation, truffée de références à des auteurs multiples, l'intrigue est un millefeuille, dont Berlin est le coeur.
« - L'essence du fénomène de la ville : d'énormes masses de pierre morte bourrée de chair survivante réglée sur mesure, fourrée & entassée, qui essaie de résister à la mort. L'échafaudage-squelette de tous les mythes de la vie urbaine. »

Les entrailles d'un Berlin en dé- et re-composition en ces années 2000 sont ici déployées en une somme de toutes les souffrances et du néant de notre époque : Celles de la réunification – l'urbanisation galopante des villes d'Europe centrale, la folie de l'immobilier et l'effondrement économique après la chute du mur, les chômeurs migrants de l'Est traités comme des sous-hommes, mais aussi le rythme et le vide déments de la modernité, le pouvoir insensé de l'argent, la violence de la mondialisation. Dans ce monde moderne, la confiance en l'autre est invariablement trahie, la haine devient vitale, la communauté impossible, et l'individu est réduit en cendres par sa peur, sa solitude et son vide intérieur.

Dans cette aliénation, est-il encore possible d'aimer ? «Renégat, roman du temps nerveux» est un géant féroce, un livre déchirant sur la solitude humaine, mais aussi un grand roman d'amour.

«À l'extérieur, sur la porte, sur une plaque en laiton, votre nom : Sophia Englisch – on eût dit le nom d'une artiste, d'une rose -. Puis dessous, pour dégriser, la nature de votre spécialité : psychothérapeute. Et à l'intérieur, 1 bureau asexué, d'une clarté sans ombre & triste comme 1 phrase-en-3-mots. La porte de la salle d'attente s'était ouverte, vous étiez entrée et venue vous placer-devant-moi. Un visage ouvert me considérait, des yeux lumineux é clairs s'ouvraient grands é me fixaient – c'est à ce moment que je l'ai senti pour la première fois : le parfum doux-amer de votre peau -. La première femme, m'étais-je dit alors, que j'approchais de nouveau, depuis ?combiendetemps, autrement qu'à une distance suffisante à un regard.»
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L'Allemagne qui n'en finit pas de se défaire : les fantômes du nazisme chez la génération des parents et des enseignants du narrateur, la vie en RDA, la chute du mur et tout ce qui s'en suit : perte de travail, faillites, rachat par des groupes financiers, ceux qui arrivent à se faire leur place dans le nouveau Berlin, ceux qui échouent, ceux de l'ouest qui sont pleins de commisération mais qui engloutissent tout, l'argent partout, la misère humaine aussi.
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Un fil rouge constitué par un narrateur dont on ignorera l'identité jusqu'au bout, vague journaliste, toujours perdant, errant dans Berlin, en quête de Sophia, une psychothérapeute, aux mains de son mari. On croise aussi un chauffeur de taxi, ancien garde frontière, à la recherche de Valentina, une jeune ukrainienne. Mais ce qui fait le vrai prix du livre est dans la langue… Jirgl l'a proprement démontée. Il coupe les mots et les relie, reflétant les expressions toutes faites, les significations implicites, la violence d'une fureur interne et d'une perte de sens au niveau individuel et collectif.
L'Allemagne qui n'en finit pas de se défaire : les fantômes du nazisme chez la génération des parents et des enseignants du narrateur, la vie en RDA, la chute du mur et tout ce qui s'en suit : perte de travail, faillites, rachat par des groupes financiers, ceux qui arrivent à se faire leur place dans le nouveau Berlin, ceux qui échouent, ceux de l'ouest qui sont pleins de commisération mais qui engloutissent tout, l'argent partout, la misère humaine aussi.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Dès que l’hydraulique se mettait en branle pour actionner le petit bras articulé avec la pelle à son bout, le bruit de la machine rappelait 1=certain son humain : à l’instar des teen-agers qui expriment leur étonnement ou le fait de n’avoir pas compris, non par le ?comment d’un adulte, mais cet interminable=chewing-gumesque ?!hein!hein-, cette KUBOTA distillait ce même son énervant, de sorte que tout ce qui passait devant sa gueule motorisée, tombait sans détour sous le coup du doute & du ridicule à cause de ce comportement de ½adulte effronté. – Irrégulier mais opiniâtre, du dehors le ?!hein!hein- de la pelleteu-boutonneuse-mécanique s’enfonçait jusqu’à nous.
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L’apparence laisse imaginer qu’il a partout de l’or sur lui : une plume à encre dorée, un étui à cigarettes doré, une Rolex dorée, une chevalière dorée, de l’or de l’or, en chaînette autour du cou, du poignet, des dents plombés en or – : 1 bon coup, si l’on faisait fondre ce type.
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Je suis le fils d’1 paysan du Wendland, né là-bas durant l’été 1959, parfois dans mes rêves aujourd’hui encore le goût de poussière de la terre sableuse, les sillons béants des champs labourés au-delà de l’horizon et l’éclat des asfodèles scintillant dans les nuits claires.
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