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sur 640 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quelle heureuse idée a eu Serge Joncour de nous faire retrouver Alexandre, aux Bertranges, dans le Lot, où il continue à élever ses vaches ! Sous le soleil de janvier 2020, le printemps a deux mois d'avance mais Constanze est là et cela le comble de bonheur.
L'auteur de L'amour sans le faire, L'écrivain national, Repose-toi sur moi et Chien-Loup, livres qui m'ont beaucoup plu, poursuit donc Nature humaine (Prix Femina 2020) et il me régale à nouveau.
Voilà qu'il cite alors Caroline, Agathe et Vanessa, les trois soeurs d'Alexandre parties vivre loin de la ferme familiale. Sont-elles là ? Non, car Alexandre nomme ainsi les trois éoliennes qui dominent le paysage et qui ont pu être installées parce que les frangines ont accepté de vendre leurs terrains. D'ailleurs un autre de ces terrains a été cédé à la société d'autoroute pour l'installation d'un centre de maintenance.
Heureusement, il reste suffisamment de terres pour faire paître les vaches dans les meilleures conditions possibles. Âgé de 57 ans, Alexandre veille aussi sur Angèle et Jean, ses parents qui vivent un peu plus bas et se consacrent au maraichage.
Nous sommes donc début 2020 et, à la télé, on parle d'un mystérieux virus chinois et cela me rappelle vite quelques souvenirs… Comme pour nous tous, ce fameux virus va profondément modifier la vie de toute la famille d'Alexandre.
Petit à petit, alors que personne n'y croit, que les autorités se veulent toujours rassurantes, le coronavirus se répand et les restrictions s'aggravent. Serge Joncour écrit toujours aussi bien, sait parfaitement raconter et saupoudre son récit d'un humour toujours bienvenu. Son style est vivant, imagé et m'emmène au coeur de la vie paysanne, vie qu'il connaît bien et sait parfaitement mettre en valeur.
Voici maintenant les trois soeurs, chacune dans sa vie personnelle, vie qu'elles ont choisie pour fuir la ferme, ce monde rural qu'elles détestent. D'ailleurs, dans la famille, les fâcheries persistent et bloquent les rapports, ce qui est toujours triste et arrive trop souvent hélas.
Caroline vit seule à Toulouse. Agathe s'est installée à Rodez avec Greg, son mari, qui fut un gilet jaune virulent. Ils ont deux ados très différents, Kevin et Mathéo. Enfin, Vanessa mène la belle vie à Paris.
Les parents d'Alexandre sont aidés par Frédo qui débarque un jour avec trois chiots, des bichons qui vont bouleverser la vie familiale et apporter plusieurs surprises rendant l'histoire palpitante et parfois stressante.
J'ajoute enfin, car c'est important, que les Bertranges, cette ferme familiale que seul Alexandre maintient vivante, va devenir un refuge providentiel, un bel hommage pour celles et ceux qui donnent beaucoup afin de garder un peu de vie dans nos campagnes. Accessoirement, ils nous permettent de manger des produits sains grâce à ces circuits courts devenus indispensables. de son côté, Constanze, à la Reviva – réserve biologique de l'ONF - se consacre à la sauvegarde de la forêt qu'il faut impérativement préserver.
Avec Chaleur humaine, excellent titre, Serge Joncour a réussi un autre très bon roman qu'il faut lire car il témoigne en même temps d'une époque très proche que nous avons tendance à oublier, et nous rappelle qu'il existe une vie en dehors des grands ensembles ou des villes où la vie se concentre artificiellement.

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Avec Chaleur humaine, nous voilà revenus aux Bertranges dans le Lot, dans cette ferme familiale isolée entre collines et rivière. Les parents ont vieilli et des quatre enfants, seul Alexandre est resté au bercail, reprenant l'exploitation familiale, ses trois soeurs ont réalisé leur rêve de partir vivre en ville, en appartement à Paris, Toulouse et Rodez. Lors du partage, elles n'avaient pas hésité à céder leur part pour l'installation d'éoliennes et la construction par la société d'autoroute d'un centre de maintenance. Aussi, depuis quinze ans, les relations sont pour le moins tendues entre Alexandre et ses trois soeurs, entre eux demeure une incompréhension définitive.
Si, en ce samedi 25 janvier 2020, le printemps ayant quasiment deux mois d'avance, Alexandre et Constanze éprouvent un grand plaisir à conduire les jeunes veaux, les broutards, pour rejoindre le troupeau après deux mois d'abri : le vrai premier jour de l'année à la ferme, c'était le matin de la mise en herbe, symbole de la vie qui renaît !
Mais voilà, nous sommes début 2020 et une pandémie a entrepris sa marche funèbre.
Fuyant le confinement urbain, Caroline, puis Agathe, son mari et leurs deux garçons et enfin Vanessa viennent se réfugier aux Bertranges.
Nous voilà plongés alors dans un huis-clos d'une rare intensité, en pleine nature !
Comme dans son précédent roman, Nature humaine, j'ai une nouvelle fois été éblouie par les descriptions pleines de poésie que fait Serge Joncour de ce reste de nature préservée et par le portrait qu'il brosse de cet Alexandre amoureux de sa terre qu'il connaît si bien, qu'il a réussi à préserver jusqu'ici des affres du réchauffement climatique grâce aux arbres et aux haies qu'il a maintenues autour de ses prés. C'est un pur bonheur de le côtoyer dans son travail, et une satisfaction également de constater que celles qui ont eu la naïveté de croire que la ville était la panacée, éprouvent le besoin de venir se réfugier à la campagne. La difficulté sera de cohabiter, car ils ne sont plus du même monde, un fossé s'est créé entre les urbains et les ruraux.
Les autres personnages sont également particulièrement bien décrits et la diversité de leurs caractères permet d'embrasser un large panel d'opinions.
Si Nature humaine, situé entre 1970 et 2000, évoquait la dislocation des familles, Chaleur humaine tente de les rassembler, de les faire entrer dans une forme de communion en oubliant leurs différends, la campagne redevenant un territoire de liberté, alors qu'elle avait été une sorte de punition pour ceux qui y étaient restés par manque d'ambition et d'imagination comme on se plaisait à le penser.
Le lien entre l'homme et ses racines s'était fortement distendu, et là nous assistons au renversement d'un monde qui semblait immuable.
En entrelaçant l'histoire du monde et une histoire de famille, Serge Joncour nous livre un roman passionnant de bout en bout, non dénué d'humour, dans lequel il inclut à la fois notre présent et nos fautes passées.
Dans un monde qui se dérègle et se déchire, ce chamboulement avec l'arrivée de cette pandémie et le confinement qui s'en est suivi ont permis de retrouver un temps, un peu de chaleur humaine. Une époque toute proche et qui pourtant semble déjà lointaine…
Encore une fois, c'est un énorme coup de coeur que j'ai ressenti à la lecture de Chaleur humaine de Serge Joncour et c'est avec beaucoup de regret que j'ai tourné la dernière page...

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Il y a tant de superbes critiques concernant ce roman et ma propre pensée que je ne veux pas donner l'impression de plagier des gens qui sont des amis et amies . J'adore lire Serge Joncour , j'adore partager son amour de la ruralité , son implacable vision d'un monde qui change et qui, si on n'y prend garde ,finira par nous engloutir ,à moins que , mais ça , c'est un discours que j'entends depuis des lustres , devenu " cliché " .... Joncour , c'est plus qu'un écrivain, c'est un peintre de la nature , un penseur , un philosophe qui , dans une écriture qui paraît simple , distille habilement des foules de petits riens d'une vie qui pourrait être la nôtre ce qui fait que l'on suit son propos comme si nous faisions nous mêmes partie de cette famille particulière mais aussi, finalement assez banale, chaque personnage en étant toutefois bien marqué, profond , analysé avec finesse
, justesse et , pourquoi pas , tendresse . Se plonger dans l'univers de ce roman , c'est se retirer de ce monde de violence , d'intolérance, d'individualisme , d'hypocrisie pour trouver refuge dans une " arche " imparfaite , certes , mais tout plus apaisante même si le danger , on le verra dans le récit , reste à proximité, chaque jour un peu plus menaçant. Et puis ,reconnaissons le , Joncour , sous ses dehors " un peu bourru " , sait avec une intelligence remarquable utiliser l'humour , pas l'humour gras , non , l'humour subtil qui donne aux propos les plus sombres , une petite touche rassurante .
J'adore lire cet auteur , ses romans me touchent et m'apaisent en même temps , avec lui , j'ai l'impression de faire un voyage dans le monde d'aujourd'hui tout en étant protégé dans un cocon salvateur .
Merci monsieur Joncour .
Allez , amis et amies , je n'avais rien à dire mais je l'ai dit tout de même...
" J'PEUX PAS M'EN EMPECHER " ...
A bientôt, JFL.
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C'est avec plaisir que j'ai retrouvé les personnages de « Nature humaine » dans ce dernier roman de serge Joncour.
L'histoire s'étire sur un temps très court, celui du confinement de mars 2020 pendant le coronavirus.
A cause de ce virus qui fait peur à tout le monde, les soeurs d'Alexandre débarquent à la ferme des Bertranges pour fuir le confinement et la folie humaine qui sévissent dans les villes.
Entre les trois soeurs qui ne s'entendent guère, le beau-frère Greg et les deux ados, le climat est électrique, tous sont à cran et il faut la patience et le bon sens paysan d'Alexandre pour calmer le jeu.
Alexandre est le seul à avoir poursuivi l'existence rurale de ses parents dont il s'occupe et ses soeurs parties aux quatre coins de la France découvrent ce frère qu'elles considéraient un peu comme un plouc et qui va devenir le pivot de cette famille désorientée.
Bien des péripéties viendront animer les journées et faire oublier la peur de la maladie.
L'épidémie, on la suit avec les actualités à la télé. Tout cela nous rappelle combien cette épidémie a été dramatique. Mais à la campagne, loin de tout, elle perd de sa gravité car, ici, il faut s'occuper des bêtes, semer les patates, repiquer les salades et surtout, faire face aux attaques d'insectes qui déciment les arbres.
C'est avec Constanze, amie d'Alexandre et conservatrice d'une réserve de forêt, que l'on découvre les méfaits du réchauffement climatique.
« le changement climatique était une tempête invisible, sournoise. La hausse des températures faisait perdre à la partie superficielle des troncs les molécules qui lui permettaient de noyer les parasites dans la sève ou la résine, des sortes d'anticorps. Si les étés trop chauds et les hivers trop secs continuaient de s'enchaîner, les défoliateurs et les scolytes n'en finiraient plus de pulluler. »
Au-delà de l'épidémie de covid, Serge Joncour nous montre que c'est toute la nature qui est en danger, à cause de la folie des hommes et du réchauffement climatique. Pourtant, dès que l'activité humaine ralentit, elle reprend ses droits.
« Depuis le confinement, on croyait le monde à l'arrêt, alors que toutes les vies non humaines retrouvaient dans cette pause une terre à nouveau libre, en cessant leurs activités, les hommes libéraient toutes les autres formes de vie… partout les animaux reprenaient le dessus. »
En auteur engagé, Serge Joncour sait mettre le doigt là où ça dérape, il expliquer les dérives de l'élevage intensif, les dérèglements climatiques et la diminution des ressources en eau sans oublier la désertification des campagnes qui manquent de médecins et de vétérinaires.

A travers cette histoire de famille que l'auteur décrit avec ironie et affection, c'est une esquisse de notre monde un peu bancal et fragile qui nous est offerte.
J'ai beaucoup aimé la tendresse de l'auteur pour ses personnages et son engagement environnemental.
Un roman qui se lit avec passion

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Les aficionados de Serge Joncour se souviennent certainement des propos que l'auteur avait confiés à Livres hebdo, à la sortie de Nature Humaine, en 2020.
Il se disait «  embêté pour la suite, car il avait prévu une catastrophe écologique » or l'actualité l'avait rattrapé. Et d'ajouter : « désormais je ne peux plus faire l'économie du réel. Moi qui voulais inventer une histoire cataclysmique, le réel m'en fournit une encore plus folle ! ». Cette assertion du romancier : « Le présent est toujours le sésame du passé. le passé résonne dans le présent » s'avère on ne peut plus juste. C'est un autre scénario qui s'est invité ! Une période digne d'un thriller.
C'est donc avec d'autant plus d'impatience que l'on aborde la lecture. Que les nouveaux lecteurs soient rassurés, Serge Joncour a glissé dans son quinzième roman un chapitre flashback sur l'année 2000 qui permet de faire la passerelle !

Le titre Chaleur humaine est tout aussi judicieux que celui de Nature humaine , car sujet à diverses interprétations. D'où provient cette « chaleur humaine », quelle en est la source?

La tranche de vie relatée s'étale sur presque deux mois, de janvier à fin mars 2020, année d'un chamboulement abyssal dans nos vies. Une façon de restituer un pan de mémoire collective. le récit est daté comme un journal, on reconnaîtra les dates de vacances scolaires, la date du changement d'heure ( source de confusion pour le père) et surtout l'annonce du confinement due à la pandémie qui, après la sidération, va déclencher chez les urbains la ruée vers le vert.
Bienvenue aux Bertranges où vivent les parents Fabrier , leur fils «  sacrificiel » Alexandre, agriculteur éleveur, resté ancré au terroir, attentif au devenir de la nature soumise au réchauffement climatique.
Une famille toujours rivée au JT de 20 heures, « leur religion », d'autant plus que les annonces du gouvernement se multiplient, se contredisent et génèrent un climat anxiogène.


Le roman débute de façon saisissante. le cameraman Joncour convoque une impressionnante scène d'ouverture à la fois bucolique et panoramique!
Imaginez un travelling, sur la mise en herbe des bêtes. Serge Joncour, en peintre animalier, nous immerge comme un tableau de Rosa Bonheur. Les vaches folâtrent dans les prés, « tambourinent le sol », surprises par la liberté, ivres d'espace, de soleil et d'herbe. On devine le lien viscéral qui unit Alexandre à son troupeau et à ses chiens.


C'est un retour à la terre-mère que les trois soeurs d'Alexandre choisissent. Pourtant brouillées depuis plus de 15 ans, « les trois lumineuses flammèches » décident de renouer avec leur frère , « au caractère souple », au calme olympien et de venir squatter la ferme de leur enfance. Elles s'assurent que le net fonctionne sans aller sous le tilleul ! Elles débarquent avec moult bagages ! Retrouvailles successives /en plusieurs temps. Assez cocasse le trajet en bétaillère pour convoyer Agathe, son mari et les rejetons ados ( dont un problématique). Il faut déjouer les contrôles. Bientôt les attestations de déplacement seront nécessaires.

Comment va se passer la promiscuité de la fratrie agrandie ?
On partage leur quotidien, leurs conversations animées ( ça s'écharpe, tensions) mais aussi leur isolement, la peur de contaminer leurs aînés, en prenant des repas avec eux.
On entend leurs confidences ( couple, travail...).
On baigne dans l'euphorie le jour où l'on sort la grande table pour prendre un repas ensemble, on contemple le ciel incendié au couchant. Vanessa , la photographe capture des instants d'harmonie. Caroline, «  madame le professeur », réclame le calme ! L'ado bricoleur répare une moto et explore les environs, espérant trouver des joints ! Agathe et Greg ont dû fermer leurs établissements.
On consulte les tutos pour fabriquer des masques ! Les effusions , les bises sont bannies, remplacées par les hugs ! On se suspecte au moindre éternuement, on mesure sa saturation d'oxygène… Une communauté sous cloche !

Chaleur humaine grouille de vie. Pléthore de personnages : le commis Fredo, le vétérinaire, la caissière du supermarché et les marginaux, ainsi que les scientifiques et ingénieurs à la Reviva...
Pléthore d'animaux : vaches, chiens, geais, faune sauvage dont les sangliers auxquels vient se greffer l'irruption non programmée de trois chiots. Les parents n'avaient-ils pas juré de ne plus adopter une bête ? N'en dévoilons pas plus ... La présence de ces trois «  touffes frisées » est auréolée de mystère. Toujours est-il que tout le monde s'attache à ces bichons intrépides, qui font des bêtises. Ils sont à la fois source de situations comiques, d'angoisse quand ils tombent malades, de panique quand ils disparaissent . Ont-ils été kidnappés ? Se sont-ils échappés ? le récit prend alors une allure de thriller, car on garde les fusils à proximité, puis on les charge de chevrotine ! le lecteur est tenu en haleine, d'autant plus que la famille détient « un vrai arsenal » !

Dans Chien-Loup, l'auteur a déjà révélé une évidente connaissance des chiens !
Rappelons cette citation : «  Être maître d'un animal c'est devenir Dieu pour lui. »
A nouveau, on sent qu'il les a côtoyés et a observé avec acuité leur comportement.
Comment ne pas craquer pour ces petits animaux «  aux toisons bouclées et cotonneuses », vibrionnants d'énergie, capables de chorégraphies endiablées.
Ces bichons si attendrissants. Vrais pacificateurs. Ces peluches vivantes n'ont-elles pas réussi à réunifier le « cheptel » ? Ces petits fauves ne viennent-ils pas « peupler  la seule patrie qui vaille : l'instant », pour reprendre une formule de Sylvain Tesson ! (1)

On sera également suspendu aux messages SOS de Constanze, la compagne d'Alexandre , qui fait penser au « super plumber » de Repose-toi sur moi, prêt à voler au secours de celle qu'il a toujours aimée, même éloignée géographiquement. Tous deux restent « soudés par l'indéfectible lien » de ceux qui s'en tiennent à l'essentiel, « une fraternité d'âme qui les hissait au-delà de l'amour ».

L'auteur , à la fibre écolo, offre une bouffée d'air, une parenthèse verte de sérénité avec le personnage de Constanze, cette militante écologiste qui vit à la Reviva, réserve biologique protégée, isolée, en Corrèze. Comme Erri de Luca, elle est attachée à toute forme de vie, au règne animal, si bien que tuer la moindre bestiole devient sacrilège. Pourtant Alexandre voudrait bien éradiquer un frelon asiatique. Ce sanctuaire végétal n'est pas à l'abri des virus, des maladies et on entend la tronçonneuse et les arbres tomber.
La belle blonde sportive s'avère une digne héritière du paysan Crayssac à qui Alexandre rendait visite, conscient qu'il détenait une forme de sagesse.

C'est d'ailleurs dans ce site naturel sauvage, fief de Constanze, que Serge Joncour réunit tout le clan pour le tableau final nocturne rassérénant ! Pas besoin de feu d'artifice, « la nuit tomba sur un brasier encore géant », incandescent.
La Reviva leur offre une parenthèse inédite proche du nirvana , un havre de paix, d'apaisement.

Dans ce roman, Serge Joncour , en gardien de la mémoire, nous replonge dans les affres de la Covid ( premiers malades, quarantaine des rapatriés de Wuhan...), un moment de l'histoire que chacun a vécu avec ses angoisses, ses colères, sa révolte( le hashtag « on n'oubliera pas »)… et en distanciel.

L'auteur ne manque pas d'épingler le gouvernement quant à la gestion de la crise sanitaire (le coup de poignard du 49,3) , dénonce de façon cinglante tous les trolls de Twitter (pour qui le virus n'est qu'une grippette !) Il pointe le désert médical , ainsi que la pénurie de Doliprane. On recourt au véto faute de toubib.

Il ne cache pas ses préoccupations concernant la crise climatique, soulignant l'impact sur la gestion des bêtes. Bientôt, « au lieu de les rentrer l'hiver pour les protéger du froid, on les rentrerait l'été parce qu'il ferait trop chaud ».
L'écrivain fait d'ailleurs remarquer la précocité de la nature : «  le printemps est en hiver ».

Parmi les autres thèmes de prédilection développés :les maladies des arbres et des animaux, les éoliennes, son aversion pour les avions !

Serge Joncour nous immerge dans un huis clos rural avec des trouées sur la forêt, les pâturages ,des plages de silence, qui contrastent avec les conversations animées de la fratrie, les pétarades de mobylette, le feulement des éoliennes, les aboiements, les glapissements...
Son écriture cinématographique indéniable fait défiler certaines scènes avec intensité et son talent pour décrire les paysages restitue, tel un peintre, l'éveil de la nature. On ne peut rester insensible aux fulgurances poétiques !

Chaleur humaine est un cocktail explosif, pétri d'adrénaline, de stress avec beaucoup de fraternité, de tendresse , d'amour et une pointe d'humour, au coeur d'une végétation étonnamment précoce. Un 15ème opus prenant, intergénérationnel (dans la même communion, on ne récolte plus le safran mais on plante les pommes de terre).
L'écrivain s'impose par sa plume qui trempe à la fois dans le rural et l'urbain ainsi que dans les rumeurs du monde et des réseaux sociaux. Un univers mixte d'une riche variété : le nectar de la maturité ! A savourer avec les cinq sens, loin des masques ,du gel hydroalcoolique et en « s'abreuvant du moindre répit, de la moindre paix ». Laisser vous draper dans cette lénifiante chaleur humaine !

(1) Les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson
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Vingt ans après la tempête terrible, de fin 1999, on retrouve Alexandre et ses parents dans le Lot.
Alexandre a maintenant la cinquantaine. Il a abandonné ses projets d'extension de ses étables lors des dégâts de la tempête et s'est tourné vers l'élevage bio.
Ses parents , se sont lancés dans la culture maraîchère avec l'aide de leur ouvrier.
Les trois filles sont parties à la ville après avoir exploité leurs parts de terres en y installant trois éoliennes.
Le frère et les trois soeurs ne sont plus adressé la parole.
Constanze, la petite amie d'Alexandre, activiste écolo, est revenue dans la région pour travailler avec des scientifiques dans un observatoire d'insectes destructeurs pour le biotope local.
La menace du Coronavirus plane en ce début janvier 2020 et évolue jusqu'à faire partir la population des villes.
Les trois soeurs et leurs enfants reviennent.
Elles retrouvent le côté rassurant et logique de leur frère.
Ce frère, Alexandre est un personnage très intéressant.
Il observe la nature et quand même, nous communique-t-il, ce n'est pas la première fois que nos bêtes sont atteintes d'épidémies très graves amenant des mesures radicales.
Il est aussi capable de craquer pour les trois chiots que ses parents élèvent et de s'en amuser.
Alexandre qui est la voix de l'auteur, observe le radoucissement de ce début d'année 2020 et le réchauffement climatique. Il nous décrit les chenilles processionnaires et leurs dégâts sur les chiots notamment.
L'auteur a eu la bonne idée de tenir ce journal sur le début de la pandémie au jour le jour.
Personnellement, je m'étais empressée de passer à autre chose mais à présent, je suis capable d'affronter un petit retour en arrière.
Serge Joncour nous a écrit un très beau roman sur la nature, sur la pandémie, les épidémies chez les animaux. Cela fait partie d'un tout.
La famille se resserre dans les évènements dramatiques. Il faut dire que cette famille : heureusement qu'elle avait des racines à la campagne car à ce moment, on en avait grand besoin de nos campagnes.
Je peux ajouter que l'auteur a une écriture très imagée et colorée.
Pour ma part, c'est un écrivain de très grande qualité. Un de ceux qui n'écrivent pas rien que pour remplir des pages.
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Dans cette "nature humaine", entre "chien-loup", "l'écrivain national" de "repose toi sur moi" invite à "l'amour sans le faire" et nous offre ainsi toute sa
"chaleur humaine".
Serge Joncour c'est la tendresse, des choses simples, les plaisirs d'une vie à la campagne, c'est aussi la force et la délicatesse. Son écriture précise et poétique, ce lien entre l'homme et la nature, m'ont séduite dans tous ses romans.
Dans Chaleur Humaine, l'auteur renoue avec la famille de Nature Humaine.
On sent la volonté de rassembler ces personnages, les réconcilier après des années de silence.
Il ne s'agit pas d'un livre sur le confinement mais la nécessité de renouer ce lien inscrit dans l'histoire familiale, ce lien qui relie aux origines.
Cette famille d'agriculteurs composée des parents Angèle et Jean, le père, un rien réac, anti-progressiste, plein de bon sens et d'humour en font un personnage attachant.
Vanessa, Agathe et Carole, leur rêve : la ville !
Alors elles partent habiter à Paris, Toulouse, Rodez, se déracinent, laissent un foyer désuni et ne reviennent qu'exceptionnellement.
Alexandre, leur frère, en froid avec elles depuis qu'elles ont préféré céder les terres familiales pour y installer des éoliennes :
gagner de l'argent avec du vent !
Ils ont pourtant vécu une enfance en harmonie.
"Il en va des familles comme de l'amour, d'abord on s'aime, puis un jour on n'a plus rien à se dire, signe qu'on doit changer profondément."
J'ai aimé le personnage d'Alexandre, le fils, le frère rassurant, le repère de cette famille à qui ses soeurs reprochaient de ne pas avoir de rêve : d'être un homme du passé.
Constanze, l'amour d'Alexandre, une militante écologiste, partie puis revenue s'occuper d'une réserve biologique naturelle en Corrèze; des séparations, des retrouvailles...
Il s'écoule une quinzaine d'années...
Ironie d'une réalité inédite, la pandémie arrive et lui offre la perspective de réconcilier cette famille.
Alexandre est le brave type (mais pas con) disponible à l'autre, il est le pôle de stabilité de ce cheptel.
De bonne volonté, il va aller chercher ses soeurs et les ramener aux sources :
la campagne, sa revanche sur la ville !
Le seul refuge durant ce confinement, pour aller et venir en toute liberté.
Partager ce monde rural avec les animaux et comprendre que la terre pourra continuer sans l'homme. Revenir aux évidences : les vaches mangent de l'herbe !
En froid, ils ont du mal à se parler mais face à un virus respiratoire
"ceux qui font la gueule s'en sortent mieux" les taiseux seront moins source de contamination...

Et dans cette campagne du Lot, dans cette famille apprenant à cohabiter, trois créatures apporteront une véritable poésie, une note blanche au milieu de la verdure.
Un bichon à la campagne ça fait sourire !
Car s'il y a bien un chien qui n'est pas adapté à la ferme, à la boue ...
Mais trois !... trois "Rintintin"
Trois chiots, des bichons maltais, vont semer une délicieuse pagaille.
Ils vont passer leur temps à se salir, être lavés, jouer
Faire des bêtises pour attirer l'attention !
Trois boules de poils blancs tout doux
Pour illustrer la fragilité
Pour réunir cette famille
Se retrouver dans cette tendresse de caresses
"Une douce euphorie en coursant les chiots"
"C'était le tableau d'une famille réconciliée, accomplie et heureuse" !

C'est toute la bienveillance et l'humanité de Serge Joncour.


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Confinés dans la ferme familiale

Avec Chaleur humaine Serge Joncour poursuit la chronique d'une famille d'agriculteurs entamée avec Nature humaine. le confinement rassemble à nouveau parents et enfants dans le Lot. Un retour à la nature qui n'a rien d'un long fleuve tranquille.

S'il n'est pas nécessaire d'avoir lu Nature humaine pour goûter à ce formidable roman, je le conseille toutefois pour faire la connaissance de cette famille d'agriculteurs et suivre notamment le parcours des membres de la fratrie. Les parents restent des piliers intangibles, accrochés à leur terre et bien décidés à continuer à la faire fructifier, même si leur santé commence à décliner et que les rendements ne sont plus mirobolants. Ils ne conçoivent tout simplement pas une autre vie. Leur fils Alexandre, 57 ans, est resté à leurs côtés, s'engageant dans l'élevage. Un choix qui doit beaucoup à son épouse Constanze qui s'est investie dans un projet de recherche et qui accueille volontiers les scientifiques dans leur ferme. Les trois filles, Vanessa, Caroline et Agathe ont quant à elles, choisi de partir, non sans avoir auparavant paraphé un contrat pour l'installation d'éoliennes sur leurs parts de terrain qui leur rapportent un joli pactole. Vanessa s'est installée à Paris en tant que photographe pour la publicité et doit constater qu'à la l'heure du numérique les temps deviennent de plus en plus difficiles. Caroline, sa soeur aînée est prof à Toulouse où elle s'est installée avec son mari Philippe. Mais le couple n'a pas résisté au temps qui l'aura usé plus vite qu'imaginé. Agathe, enfin est mariée avec Greg, qui est aussi son associé. Après avoir géré une boutique de vêtements, ils ont tenté de rebondir dans la restauration du côté de Rodez. Pour cette grande gueule, la décision de fermer tous les restaurants est une catastrophe dont il a beaucoup de mal à se remettre. Ce n'est pas de gaîté de coeur qu'il accepte de rejoindre la ferme des Bertranges avec son fils, un adolescent un peu perdu qui se prend pour un caïd.
Toute la famille se retrouve donc en ce mois de mars 2020, alors que la pandémie venue de Chine s'étend sur toute la planète. L'occasion d'ouvrir une parenthèse pour souligner une qualité de ce roman, celle de nous rafraîchir la mémoire et nous rappeler la chronologie, les discours rassurants puis graves, l'incrédulité puis la peur et enfin la sidération de cette période si proche et pourtant si lointaine.
Avec sa plume aussi bucolique que précise, Serge Joncour détaille ce huis-clos explosif durant lequel il faut à nouveau apprendre à vivre ensemble malgré toutes les différences, les inimitiés et les opinions aussi tranchées que variables. Ce temps des doutes est saisi avec maestria par un auteur dont on partage le plaisir à ausculter ce microcosme, miroir de notre société. Car à ce moment-là nous n'étions guère différents, oscillant entre la peur et la volonté de surmonter l'épreuve, cherchant comment redonner du sens à des vies soudain mises à l'arrêt. C'est avec humour – notamment en suivant les facéties d'un trio de bichons rescapés d'un trafic lui aussi stoppé – que l'auteur dépeint ces semaines qui vont changer bien plus qui ne l'imaginaient la vie de ses protagonistes. Entre prises de bec et coups de fusil, on réfléchit aussi à la place de la nature dans un monde totalement déréglé du fait des activités humaines. À l'image du constat fait par Constanze, on comprend que tout est lié et que nous ne sommes sûrement pas au bout de nos peines: «après deux vagues de chaleur en deux ans, et deux sécheresses cataloguées en catastrophe naturelle, toutes les essences manquaient d'eau. Les bonnes pluies de l'année précédente n'avaient rien réparé, les arbres s'épuisaient à s'hydrater et leurs défenses immunitaires étaient au plus bas, dès lors la moindre attaque de parasites les menaçait, surtout que ces parasites profitaient pleinement du réchauffement climatique et de la mondialisation pour proliférer. le cercle vicieux était amorcé.»
Du grand art !

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De fin janvier à fin mars 2020.
Vous vous souvenez ?
Les premiers cas à Wuhan.
La menace qui se rapproche, sournoise, invisible.
Les annonces gouvernementales, d'abord rassurantes puis de plus en plus alarmistes.
Les spots d'information, qui passent en boucle à la télé et à la radio.
La fermeture des frontières, des lieux publics, des écoles.
La queue au supermarché, la pénurie de papier toilette.
Les services de réanimation débordés.
Le couvre-feu, la régulation des sorties.
Puis l'annonce : restez chez vous.

Une famille, éclatée par les choix de chacun.
Les trois filles, Caroline, Agathe et Vanessa ont « fait leur vie » à la vile : Toulouse, Rodez et Paris.
Le fils, Alexandre, est resté près des parents, dans le Lot. Il s'occupe des vaches. Et dès qu'il le peut il retrouve Constanze, qu'il aime depuis toujours.
Constanze est conservatrice d'une réserve biologique. Ces deux-là vivent près des bêtes et de la nature, cette année étonnamment précoce.

La menace incite les filles à venir se confiner à la ferme. Agathe embarque son mari et leurs deux fils.
Nourrie par d'anciennes rancoeurs ainsi que par la crainte de la contamination, la cohabitation n'est pas simple. Il y aura pourtant de vrais moments de partage, et de purs instants de grâce.

Chaleur humaine n'est pas un roman sur l'épidémie et le confinement, qui ne sont semble-t-il que des prétextes à une fine analyse des relations familiales et humaines, et du rapport que l'homme entretient avec son environnement.

C'est un roman riche et profond, qui se lit facilement mais fait réfléchir, nous enveloppe de tendresse et s'achève sur une note apaisante.
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« Les bêtes se jetaient sur le chemin comme des gamins à l'eau, elles s'ébattaient entre les haies avec une gaieté folle. […] Les vaches soudain légères tambourinaient le sol et remettaient ce qu'il faut de vie dans cette nature tout juste réveillée. »

Un sentiment de bonheur et de délivrance m'anime après avoir "veiller sur elle" ou plutôt sur Mimo qui vient de rendre son dernier souffle, à la Sacra di San Michele.

C'est Alexandre que nous avons connu ado à Nature Humaine, maintenant homme d'âge mûr, qui a ouvert les enclos, ce samedi 25 janvier 2020 – le printemps a deux mois d'avance -. Constanze, la globe-trotteuse militante, a posé ses valises dans une réserve biologique. Elle est venue spécialement pour assister au spectacle. Ces deux-là sont maintenant unis par des liens solides et apaisés.

« Constanze s'approcha d'Alexandre et passa ses bras autour de sa taille, tous deux regardaient ce tableau, soudés par l'indéfectible lien de ceux qui avancent dans la vie avec la certitude douce-amère de s'en tenir à l'essentiel. Cette fraternité d'âme les hissait bien au-delà de l'amour et leur permettait de voir le monde avec le détachement des vrais sages, ceux qui ne désirent rien d'autre que ce qu'ils ont. »

Les trois éoliennes, Caroline, Agathe et Vanessa, me font pressentir que derrière le dérèglement climatique se préparent d'autres catastrophes.

Caroline, Agathe et Vanessa, ce sont les soeurs citadines d'Alexandre, qui vivent respectivement à Toulouse, Rodez et Paris, avec qui il est fâché depuis une quinzaine d'années.

L'heure est grave, le COVID bouleverse l'ordre établi. le confinement va changer la donne et ces dames de la ville seront bien contentes de se réfugier dans la ferme familiale.

Serge Joncour va nous entrainer de la sidération initiale, à la soumission non sans heurts, jusqu'à un modus vivendi.

Il élargit le spectre de la crise sanitaire pour évoquer d'autres sujets sensibles autour du devenir de notre planète, de la famille, de la vieillesse, de l'adolescence, du couple, de la criminalité, des addictions, du travail, du sens de la vie…

Serge Joncour ne souhaite pas sombrer dans le pessimisme. Il enjolive la triste réalité avec des touches humoristiques, mise en scène de la crise sanitaire et des bisbilles familiales, et des dénouements invraisemblablement heureux.

La famille éclatée s'extasie devant « trois peluches vivantes », trois petits chiots de provenance douteuse.

« – Bon Dieu, lança le père, on a élevé des bêtes toute notre vie, c'est pas trois chiens qui vont nous mettre sur la paille ! » p. 82

« Alexandre avait compris de ces petits êtres qu'ils avaient sans cesse besoin de chaleur humaine. » p. 254

Le protocole sanitaire est strict mais vaut mieux en rire qu'en pleurer.

« Sur son dernier paquet de lingettes, Mr. Propre, ce bonhomme chauve, musclé et souriant avec son tee-shirt blanc, avait quelque chose de rassurant. » p. 275

Greg, le mari d'Angèle, assez rustre, se fait apostropher par un client masqué dans un supermarché. Il rétorque : « – Moi un réfugié ? Retire ce que t'as dit, Zorro ! » p. 270

Pour moi fille de macadam, le bonheur est dans le pré. J'adore la nature, à condition qu'elle reste virtuelle évidemment, les serpents, scorpions, taons ou autres êtres vivants qui pourraient m'agresser me font une trouille bleue. Je peux me payer le luxe de planter des pommes de terre avec cette famille réconciliée, rien qu'avec des mots.

Je suis fan inconditionnelle de Serge Joncour. Je le remercie de m'inviter chaleureusement dans son monde agricole, de m'autoriser un retour aux sources dans ma zone de confort.
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Les événements du roman se déroulent entre 1976 et 1999

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