C'est un môme des cités qui, sur l'empan d'une cassette, face A-face B, va se raconter, dans un argot bien à lui, depuis le CM2 et les mises en garde du maître jusqu'à l'entrée au collège, version SES - « Section d'Education Spécialisée » - où officient des spécialistes, telle Mademoiselle Dambre. Et puis, des événements vont se bousculer, en tornade : son frère et sa soeur quittent le domicile familial pour gagner leur indépendance, sa mère déniche un travail de nuit dans un hôpital, Clarisse, une collégienne dans la section « normale » du même établissement, gagne son coeur de préadolescent… L'ensemble tempétueux va se précipiter, activé par la tornade pulsionnelle que connaît le môme...
«
La vie de ma mère ! » est un excellent roman noir du talentueux
Thierry Jonquet, certes un peu daté (1994), mais porteur de bon nombre de richesses. D'abord l'écriture, qui est ici à saluer : d'un bout à l'autre de l'intrigue, l'auteur parvient à rendre, à l'écrit, un registre langagier oral, qui plus est, très familier et argotique. Ce n'est pas toujours facile à lire, mais une fois qu'on s'y plonge, on est happé par le tourbillon de l'histoire et la tornade qu'elle relate. L'humour, ensuite, toujours au bord du point de rupture, un humour très noir donc. Celui-ci provient du décalage entre la manière dont le protagoniste, préadolescent en échec scolaire, voit le monde qui l'entoure, les réflexions des adultes ou de ses pairs plus âgés, les événements auxquels il assiste, et la réalité telle que les adultes la partagent et la vivent communément.
La dérive n'est jamais loin, on la redoute au fil des pages, on l'attend, on la guette. Néanmoins, l'intrigue n'élude jamais le rire, l'insouciance enfantine, derrière le tragique du quotidien dans des cités que la promesse d'un lendemain meilleur semble avoir déserté.