Le
Journal de Kafka couvre une période comprise entre 1910 et 1923. Dès l'abord on est frappé par l'aspect parcellaire de ce document. Peu de pages composées, beaucoup de simples annotations, d'ébauches de récits, de redites. Les pages dévoilent la personnalité torturées du grand écrivain pragois : spleen, sentiment profond d'exclusion, dans une famille qui lui est étrangère, avec un père commerçant aux tendances tyranniques, désapprouvant ses velléités d'écriture. Cet état d'âme résulte aussi du conflit fondamental entre deux aspects inconciliables de sa vie, son emploi modeste de fonctionnaire dans une compagnie d'assurance sociale, et son aspiration, ses projets d' artiste à la production difficile, lente, aux sujets à prime abord peu enclins au suffrage des masses. Cette dichotomie s'insère dans celle, plus général, d'une minorité juive germanophone dans la capitale tchèque. Taciturne, renfermé, étranger parmi les hommes, Kafka a une certaine fascination pour l'abîme. de santé particulièrement fragile, il sait faire preuve parfois d'un certain humour, d'autodérision, notamment quand il évoque sa débile constitution. Néanmoins, ce qui ressort de ces pages est un pessimisme saisissant, agissant sur le lecteur.
Ce
journal où surnagent quelque passages émouvants, dont l'aspect parcellaire évoquent les forces faiblissantes de son auteur, précieux pour l'exégèse kafkaïenne, resta dans l'ensemble peu profitable au lecteur lambda et au béotien que je suis. A noter l'intérêt ethnographique de certains morceaux, comme la coutume de la circoncision; on regrettera cependant la quasi absence de témoignage sur la Grande Guerre.