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EAN : 9782373850802
502 pages
Les éditions du Sonneur (24/05/2018)
4.23/5   11 notes
Résumé :
Des empreintes qui s'arrêtent soudainement dans la neige, un homme qui a pour seul tort de paraître suspect, un voleur de cactus qui disparaît à l'autre bout du monde, un poète qui se transforme en détective, Dieu qui apparaît comme témoin de la Justice humaine, une cellule de prison dont les occupants se repentissent, un cadavre retrouvé dans une valise déposée à la consigne d'une gare... Dans ces quarante-huit nouvelles, dont plus de la moitié était inédite en fr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
"Pourtant, croyez-moi, il faut qu'il y ait Quelqu'un d'absolument juste. C'est une évidence, Monsieur. Nous ne pouvons que châtier, pourtant il faut bien qu'il y ait quelqu'un, quelque part, qui pardonne. Je vais vous dire, la véritable justice, la justice supérieure, est aussi étrange que l'amour."
("Crime à la poste")

L'âme humaine est profonde. Profonde. Profonde...
Et Capek l'examine sous toutes ses coutures, dans ce double recueil des histoires criminelles "de poche".
Je retourne régulièrement avec plaisir vers ce livre rempli de la poésie des temps passés, et son atmosphère élégante de la Première République Tchécoslovaque, où les dames portaient des chapeaux "cloche" et des robes "charleston", et les hommes fumaient des "égyptiennes" et mettaient une fleur dans leur boutonnière.

Même si la qualité des histoires n'est pas toujours égale, on y trouve quelques merveilles inoubliables.
Comme cette "Ballade de Youraï Tchoup", à qui le Tout-Puissant à permis de survivre à une tempête de neige dans les Carpates, pour qu'il puisse se rendre à la justice humaine. Vous y sentez comme une odeur de lampes à l'huile, de manteaux en peau de mouton et de l'Ancien Testament.
Comme ce "Chute de la maison Voticky", où l'on résout une affaire vieille de 500 ans grâce à l'érudition d'un professeur obstiné et le sens de la déduction d'un commissaire dubitatif.
Comme ces histoires d'un voleur de cactus passionné, d'un très rare chrysanthème bleu, ou d'un cambrioleur-poète.
Ou "Les pas dans la neige", qui s'arrêtent inexplicablement au milieu de la route - faut il appeler la police, vu que ça frôle de près la métaphysique ?

Parfois on a une fin ouverte qui interpelle le lecteur; ni vu, ni connu, Capek nous fait réfléchir sur nos faiblesses, notre conscience, sur la justice humaine et la justice "supérieure" avec un détachement pragmatique et intelligent.
Ces histoires se lisent toutes seules. Et, étrangement, même si ça parle de crimes et meurtres, elles font chaud au coeur.
C'est la première fois que j'ai pu lire ce recueil en français, et je trouve que la traduction est plutôt bonne; ce n'est pas aisé de traduire les phrases de Capek, pourtant simples, mais où chaque mot est tellement à sa place. Y compris les expressions populaires un peu désuètes.

Il y a aussi de la nostalgie, là-dedans...
Où sont ces temps où l'on pouvait dire tout simplement : " Un crime, Monsieur, c'est soit une affaire de jalousie, soit une affaire d'argent."...?
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Contes d'une poche et d'une autre poche (1929) contient quarante-huit petites histoires policières décalées, pleines d'humour et de finesse. Karel Čapek (1890-1938) était un magicien du verbe, qu'on se le dise !

Sur le mode de la conversation, du petit dialogue entre amis, Karel Čapek vous raconte une histoire policière insolite.
Par exemple, dans « Le poète » Nerad est témoin d'un accident au cours duquel une voiture a renversé une femme dans la rue Žitná. L'inspecteur de police Majzlík l'interroge, mais le poète était ivre cette nuit-là, donc il ne se souvient de rien. Mais pendant la nuit, il a écrit un poème ésotérique qui révèle le lieu du crime, l'heure, le numéro de plaque d'immatriculation et la couleur de la voiture.
Dans « L »'expérience du professeur Rouss, le professeur aide la police à confondre le coupable grâce au jeu des associations d'idées.
Les contes peuvent être loufoques : un voleur de cactus bien barré, une cellule de prison napolitaine « magique » (car ses occupants se repentent, sauf les Tchèques) ou plus graves : un psychanalyste guérit son patient de sa névrose, ce qui le conduit au pire. Un prisonnier innocenté remis en liberté s'avère coupable etc.
Čapek utilise l'ironie goguenarde aux dépens des policiers, des journalistes, des médecins, des experts, de l'administration, des postières, des écrivains (y compris de lui-même) de toute cette humanité qui se pique de juger son prochain. Et Dieu le sait bien ( voir le Jugement dernier)*.

Čapek voulait écrire des nouvelles qui enfreignaient les lois traditionnelles du genre. Par exemple avec un détective amateur : un jardinier (Le Cactus volé, le Chrysanthème bleu), un écrivain qui résout une affaire de plagiat, une épouse de policier, un policier qui s'en remet au prédictions fantaisistes d'une cartomancienne etc. Des gens tout à fait ordinaires, comme les criminels d'ailleurs. le meurtrier peut être clairement identifié dès le début, ou bien l' histoire ne présenter aucun meurtre ou encore aucune résolution (un vieux « cold case » remontant au XVème siècle). Čapek multiplie les points de vue : celui du témoin, du criminel, de l'entourage du détective etc. Certains contes ne portent pas du tout sur le crime ou le délit mais ils traitent surtout de la difficulté de rendre la justice.
Ils ressemblent alors à de petits apologues, toujours souriants, toujours légers qui préparent le lecteur à accepter la morale du récit.

Je vous invite vraiment à vous procurer cet ouvrage drôlement chouette.

*Le Jugement dernier et le Voyant sont sur un podcast de France Culture (épisode 5/5 de la Maladie blanche).
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-feuilleton/le-jugement-dernier-et-le-voyant-de-karel-capek-5263217

Merci beaucoup Bobby !
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C'est un recueil de nouvelles, assez courtes, le livre en comprend 48. Elles relèvent, si on veut les rentrer dans une case, du genre policier : il y a des crimes, des vols, des disparitions. Mais on est plutôt dans une sorte de réappropriation du genre, Capek fait avant tout du Capek.

Ce qui l'intéresse, ce sont les gens, ce qu'il y a derrière les faits divers. Il ne faut pas pour autant s'imaginer que ce sont des récits réalistes, dans le sens habituel du mot. C'est malicieux, décalé, frôlant l'absurde, plein d'ironie et de second degré. Des sortes de paraboles, qui pourraient sembler joyeuses, drôles tout au moins, mais qui derrière cette façade légère, dissimulent des souffrances, des manques, des insatisfactions quotidiennes, produites par la manière dont fonctionne la société (l'histoire de l'intendant amoureux de la postière qui n'a aucune chance d'obtenir sa mutation ce qui empêche le couple de vivre leur amour par exemple) ou tout simplement des failles de la nature humaine, toujours la même, quelle que soit l'époque ou l'endroit. Et Capek observe, analyse, dissèque, avec intelligence et finesse, mais aussi avec une grande empathie. Car c'est un grand humaniste avant tout, certes toujours à l'affût des petitesses et défauts, qu'il peint de manière amusante, drolatique, mais qui malgré tout garde une sorte de foi viscérale dans l'homme, malgré toutes ses imperfections.

C'est jubilatoire, et beaucoup plus profond qu'une lecture superficielle ne le laisserait apparaître. le genre de petit livre que l'on peut relire avec un plaisir toujours renouvelé, pour passer un bon moment et pour réfléchir.
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C'est la première fois que je lis Karel Capek, écrivain tchèque né en 1890 et mort à 48 ans, mais j'ai retrouvé dans ces quarante-huit courtes nouvelles le genre d'humour, souvent basé sur l'absurde, de nombre d'écrivains tchèques. Ces "contes" s'enchaînent d'un narrateur à l'autre, que celui-ci soit commissaire, brigadier, juge, ou une fois même écrivain. Ils pourraient relever du genre policier puisqu'il est question d'énigmes, de disparitions et d'enquêtes, mais Capek, en fin observateur, en mêlant à la fois l'humour et la satire, tout en conservant sa part d'empathie, nous emmène vers une réflexion sur la justice, à notre échelle d'humain ordinaire, pétrit de défauts. le dernier conte ne s'intitule pas : "La part ultime d'humanité" ? Deux de mes contes préférés : "Les pas dans la neige" et "Le chrysanthème bleu".
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Karel Capek : contes d'une poche et d'une autre poche. Nouvelles traduites du tchèque par Barbora Faure et Maryse Poulette, éditions du Sonneur, 2018
Plus que de nouvelles, ceci est un recueil de contes, comme son titre l'indique. En effet les histoires sont présentées comme des contes par leur forme : elles débutent toutes par une entrée en matière annonçant un récit du style « l'histoire que je vais vous raconter s'est passée en… », et sont relatées par des narrateurs différents.
Dans ces quarante-huit nouvelles, dont plus de la moitié étaient inédites en français, Karel Čapek mêle l'ordinaire à l'extraordinaire, l'humour à la satire ; il est souvent question de crimes, de disparitions, de mystères. Les Contes d'une poche et d'une autre poche sont parfois des paraboles qui font réfléchir, mais aussi beaucoup sourire.
Karel Capek (1890-1938) a écrit plusieurs romans, recueils de nouvelles, pièces de théâtre. Il parle pour la première fois du mot « robot » en 1920, dans un texte de science-fiction, terme inventé par son frère Josef.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
C'est vrai, concéda Bartosek, d'un ton pensif. Vous n'imaginez pas, Monsieur, le nombre d'énigmes qu'il peut y avoir dans ce monde. Chaque foyer, chaque famille est une énigme. En venant ici, j'ai entendu une jeune femme sangloter dans une petite maison là-bas. Monsieur, les énigmes ne nous regardent pas. Nous sommes payés pour le maintien de l'ordre. ...Nous ne poursuivons pas un criminel par curiosité intellectuelle, nous les poursuivons au nom de la loi. Ecoutez, les balayeurs n'arpentent pas les rues avec leur balai pour repérer les empreintes des gens dans la poussière, mais pour balayer et faire disparaître tout ce que la vie dépose. Le maintien de l'ordre n'a absolument rien d'énigmatique...Voyez-vous, la justice doit être aussi incontestable qu'une table de multiplication.
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Ce n'est rien, dit M. Jandera, l'écrivain. Traquer un voleur, c'est dans la nature des choses. Ce qui sort de l'ordinaire, c'est lorsque le voleur part à la recherche de celui qu'il a volé
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Quand on n'arrive pas à s'endormir, on essaye d'abord de ne penser à rien; on se met à compter - ou à prier. Soudain, il nous vient à l'esprit : "Bon sang, j'ai oublié de faire telle ou telle chose, hier ! " Et ensuite, on se rend compte qu'on s'est sûrement fait avoir à la caisse du magasin au moment de payer. Puis on se souvient que l'autre jour, notre femme ou notre ami nous a répondu d'une drôle de manière. Plus tard, un meuble craque, on se dit qu'il y a un voleur et on commence à brûler de peur, ou de honte. Et une fois qu'on est affolé, on réfléchit à son état physique, et, couvert de sueur, terrifié, on essaie de se rappeler tout ce qu'on sait sur la néphrite ou le cancer. Et tout à coup, on repense à une idiotie embarrassante qu'on a commise vingt ans plus tôt, qui nous donne à nouveau des sueurs froides. Petit à petit, on est confronté à soi-même, cet être étrange, obstiné et détestable; à ses faiblesses, à ses bassesses, à sa mauvaise conduite, ses limites, sa partialité, ses bêtises, ses humiliations et ses souffrances depuis longtemps passées. Toutes les choses gênantes, douloureuses et vexantes qu'on a vécues nous reviennent, comme au premier jour. Rien ne nous est épargné, quand on ne parvient pas à dormir.
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Les gens ont cette idée surprenante, poursuivit-il au bout de quelques instants, que la police, et surtout les policiers en civil, s'intéressent aux énigmes. Or nous, nous n'avons que faire des énigmes, ce qui nous intéresse, ce sont les troubles à l'ordre public. Nous, Monsieur, nous ne nous soucions pas d'un crime parce qu'il est mystérieux, mais parce qu'il est interdit par la loi. Nous ne poursuivons pas un criminel par curiosité intellectuelle; nous le poursuivons au nom de la loi. Ecoutez, les balayeurs n'arpentent pas les rues avec leur balai pour repérer les empreintes des gens dans la poussière, mais pour balayer et faire disparaître tout ce que la vie dépose. Le maintien de l'ordre n'a absolument rien d'énigmatique. C'est un travail dégueulasse, Monsieur, et celui qui veut mettre de l'ordre doit plonger les mains dans toutes sortes de cochonneries. Après tout, il faut bien que quelqu'un le fasse, dit-il d'un ton accablé, comme il faut que quelqu'un abatte les veaux. Mais tuer les veaux par curiosité, c'est de la barbarie; il faut uniquement les tuer par profession. Lorsqu'on a le devoir de faire quelque chose, on sait au moins qu'on a le droit de le faire. Voyez-vous, la justice doit être aussi incontestable qu'une table de multiplications.
("Les pas dans la neige")
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Si vous saviez ce qu'est une tempête de neige dans les Carpates; si vous saviez ce que c'est, quand le sol est recouvert de deux mètres de neige; si vous aviez vu ce pauvre petit gringalet, Youraï Tchoup, qui avait attendu pendant six heures dans ce froid terrible, devant la gargote, pour avouer qu'il avait assassiné l'indigne servante de Dieu Maryna Matej, je ne sais pas ce que vous auriez fait, mais moi, je me suis signé, et Youraï Tchoup s'est signé aussi, et ensuite, je l'ai arrêté. Puis je me suis lavé la figure avec de la neige, j'ai chaussé mes skis, et avec Kroupa, un gendarme, nous nous sommes mis à grimper vers Volova Lehota. Et si le général de gendarmerie en personne était venu m'interrompre en disant : "Havelka, t'es fou, tu n'y arriveras pas, tu vas risquer ta vie par ce temps", je lui aurais fait un salut en répondant : "Mes respects, mon général, mais c'est un ordre du Seigneur." Et j'aurais continué.
("La ballade de Youraï Tchoup")
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