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3,72

sur 65 notes

Shehan Karunatilaka a fait sensation il y a dix ans avec son premier roman Chinaman. Lauréat du prix du livre du Commonwealth en 2012 et salué comme l'un des grands romans sri-lankais, il raconte la vie alcoolisée d'un journaliste sportif à la retraite qui se lance dans une quête loufoque pour retrouver un grand joueur de cricket des années 1980 qui a mystérieusement disparu manquant.

The Seven Moons of Maali Almeida, revient au Sri Lanka des années 1980 et a également un protagoniste débauché. Maali, fils d'un père cinghalais et d'une mère bourgeoise, est un photographe itinérant qui aime son fidèle appareil photo Nikon ; un joueur de poker à gros enjeux ; un homosexuel et un athée. Et au début du roman, il se réveille mort.

Il pense avoir avalé des "pilules idiotes" que lui a données un ami et a des hallucinations. Mais non : il est vraiment mort, et apparemment enfermé dans un monde souterrain. Ce n'est pas un pandémonium miltonien; pour lui, "l'au-delà est un bureau des impôts et tout le monde veut sa ristourne". D'autres âmes l'entourent, aux membres démembrés et aux vêtements tachés de sang ; et ils sont incapables de former une file d'attente ordonnée pour faire remplir leurs formulaires. de nombreuses personnes qu'il rencontre dans ce paysage sombre et quotidien sont victimes de la violence qui a sévi au Sri Lanka dans les années 80, y compris un professeur d'université tamoul qui a été abattu pour avoir critiquer le groupe séparatiste militant des Tigres tamouls. le roman dépeint également les victimes du groupe marxiste Janatha Vimukthi Peramuna, ou parti de libération du peuple, qui a également mené une insurrection contre le gouvernement sri-lankais et tué de nombreux civils de gauche et de la classe ouvrière qui se sont mis en travers de leur chemin.

Maali est témoin de la brutalité des insurrections au Sri Lanka. Travaillant pour des journaux et des magazines, son ambition est de prendre des photos « qui feront tomber les gouvernements. Des photos qui pourraient arrêter les guerres. Il a tiré sur "le ministre du gouvernement qui regardait pendant que les sauvages de 83 incendiaient les maisons tamoules et massacraient les occupants", et a pris "des portraits de journalistes disparus et d'activistes disparus, ligotés, bâillonnés et morts en détention".

Ces photos sont stockées sous un lit dans sa maison familiale. Maintenant, coincé dans le monde souterrain, il n'a que sept lunes - une semaine - pour entrer en contact avec son amie Jaki et sa cousine, les persuader de récupérer la réserve de photos et les partager à travers Colombo, la plus grande ville du Sri Lanka, afin pour exposer la nature profondément violente du conflit. Il est expliqué à Maali que "chaque âme a droit à sept lunes pour errer dans l'Intermédiaire. Pour se remémorer des vies antérieures. Et puis, oublier. Ils veulent que tu oublies. Parce que, quand on oublie, rien ne change.” Maali ne veut pas que sa contribution en tant que témoin tombe dans l'oubli. Sa propre mort lui a viscéralement exposé la fragilité de la vie, et les photos constituent son héritage pour son pays et une défense contre l'amnésie collective.

Tout le livre est écrit à la deuxième personne, ce qui donne au récit un effet légèrement distanciant, mais c'est compensé par l'humour sardonique. Dans un passage, le narrateur réfléchit : "Vous avez une réponse pour ceux qui pensent que Colombo est surpeuplée : attendez de la voir avec des fantômes." Un autre demande : « Les animaux ont-ils une vie après la mort ? Ou leur punition est-elle de renaître en tant qu'humain ? “

Les comparaisons littéraires évidentes sont avec le réalisme magique de Salman Rushdie et Gabriel García Márquez. Mais le roman rappelle aussi l'esprit mordant et le surréalisme des Âmes mortes de Gogol ou du Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov. Les scénarios sont souvent absurdes – des cadavres se chamaillent – mais exécutés avec un humour et un pathétique qui animent le lecteur. Sous les fleurons littéraires se cache une réalité vraie et terrifiante : le carnage des guerres civiles au Sri Lanka.
Karunatilaka a rendu justice artistiquement à une période terrible de l'histoire de son pays

Vite, vite des traductions ...
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Les 7 lunes de Maali Almeida nous embarque au Sri Lanka ou un photographe est mort. Il se retrouve dans un bureau peuple d'esprit où les morts doivent en 7 jours suivrent un parcours.
Dans ce parcours Maali va essayer de découvrir qui est responsable de sa mort.
Ce livre est très dense riche car il traite des croyances présentes au Sri Lanka après la mort et les esprit présents dans ces croyances. Tout ceci dans une enquête à la recherche des raisons de la mort de Maali , photographe qui a suivi et pris des photos des histoires les plus sombres de son pays.
Ce livre est très riche le rythme est très soutenu et assez atypique. C'est déstabilisant au départ puis on s'y fait pour peu qu'on accepte de nous pas tout comprendre car ce pays est relativement méconnu ainsi que toutes les croyances qui existent.
Lecture dépaysante mais agréable car le talent de l'auteur y est pour beaucoup
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J'ai découvert ce livre grâce à une opération de masse critique et si je ne devais retenir qu'un seul qualificatif pour le décrire, ce serait qu'il s'agit d'un ouvrage singulier. J'ai été quelque peu déroutée par le début de ma lecture et j'ai eu peur de ne pas réussir à rentrer dans le roman à cause de la place prise par le monde des morts apportant une certaine dose de « fantastique » (si on peut le résumer ainsi).
Finalement, assez vite, je me suis laissée embarquer et j'ai eu envie de savoir qui et ce qui avait causé la mort de Maali. J'ai fait le choix de ne pas me référer au glossaire débutant le livre pour éviter d'interrompre ma lecture et si je suis peut être passée à côté de certains points (dimension politique certainement), il me semble que cela n'a pas nuit à ma bonne compréhension.
Ce que j'apprécie dans mes lectures, c'est de saisir comment les individus réagissent face à une situation qu'ils n'avaient pas anticipée ou comment ils peuvent évoluer dans leur positionnement face à un événement. Je pense que c'est ce qui m'a plu dans ce roman, de voir comment Maali réagit initialement face à sa mort et les choix qu'il peut progressivement faire par la suite.
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Je suis assez mitigée concernant ce roman, je crois qu'il me sort un peu trop de ma zone de confort. Pourtant, objectivement, il y a de très bons côtés.

Sous des dehors parfois loufoques se révèle une sévère critique de la société du Sri Lanka, de sa population, de ses dirigeants et de toutes ces organisations qui se veulent humanitaires et qui ne font qu'enfoncer un peu plus un peuple déjà en difficulté.

Mais c'est aussi la violence et la corruption qui règnent en maîtres, influençant chaque acte de la vie quotidienne. Avec des mots bien souvent assez crus et volontairement choquants, l'auteur nous décrit une société grouillante d'une vie sombre et déprimante. Une vie humaine n'a finalement que peu d'importance pour les personnes au pouvoir qui se croient tout permis.

J'ai ressenti aussi beaucoup de racisme interne entre les différentes ethnies et croyances, cataloguant et séparant ainsi chaque personne. Les très nombreuses références au folklore sri lankais m'ont cependant un peu perdue, ne connaissant pas du tout cette culture.

Et c'est peut-être cela qui m'a dérangée dans ma lecture, cette méconnaissance du Sri Lanka. Ainsi que, certainement, les propos un peu trop crus et choquants à mon goût. Mais je ne peux nier que cette lecture me reste en mémoire avec toute cette noirceur et cette violence sous-jacentes et je suis tout de même bien contente de l'avoir découverte.
Lien : https://labibliothequedallys..
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Mon premier « polar » sri lankais, encore que l'enfermer dans ce genre serait trop restrictif, car c'est un bijou humaniste et un récit qui mêle le fantastique le plus débridé à l'histoire et à l'actualité d'un pays qui a subi et subit encore des atrocités, et que n'est guère connu que par son thé (de Ceylan) et une lointaine guerre avec une grosse minorité tamoule.
L'auteur cueille le lecteur à froid en envoyant son narrateur décédé dans une zone grise, une sorte d'Entre-Deux Mondes très administratif où les néo trépassés n'ont généralement aucune réponse quant à leur présence ici. C'est le cas de Maali Almeida, un photographe qui a le chic pour se trouver au bon endroit au bon moment pour saisir les photos de conflits, de lynchage ou de massacres (le récit se déroule en 1990). Il retrouvera d'ailleurs dans cette étrange et bordélique salle d'attente pour l'au-delà certains infortunés qu'il a immortalisé avec son Nikon, ce qui lui vaudra quelques invectives.
Maali apprend qu'il a sept jours et sept lunes pour découvrir comment il est passé d'homosexuel hédoniste et joueur invétéré à celui de cadavre démembré plongé dans le lac Beira, en plein coeur de Colombo. L'endroit idéal où les « nettoyeur » débarrassent la capitale des corps encombrants.
Porté par les vents, le défunt va essayer d'interagir sur les vivants qui l'ont côtoyé, dont son petit ami D.D., et Jaky, amoureuse transie. On va aussi approcher des personnages moins recommandables, des tortionnaires des forces spéciales aux Tamouls enrôleurs d'enfants soldats, tandis que dans les limbes des goules et démons se livrent d'autres guerres.
La façon d'aborder par petites touches le passé légendaire et historique du Sri Lanka est extraordinairement subtil, tout comme le sont les relations entre le trio Maali, D.D. et Jaky, et on découvre au fil des pages que le moindre détail a sa raison d'être pour former un puzzle étonnant.
Comment Maali est-il mort ? Qui l'a tué ? Et s'il s'était suicidé ? Peu importe finalement, puisque le principal sujet est le destin de cette île qui n'aura jamais été paradisiaque, sauf pour ceux qui l'ont pillée et exploitée.
L'auteur a remporté le Booker Prize britannique pour ce livre.
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Les Sept lunes de Maali Almeida est une curiosité littéraire comme je les adore. J'ai eu l'impression d'être transportée dans un univers à la Terry Gilliam qui s'est offert un trip dans un Las Vegas Parano au Sri Lanka. le mélange des genres m'a ravie, on sent l'influence de la beat génération dans la narration et la structure, le récit est très dense, un peu à la manière de le Festin nu de William S. Burroughs (mais sans la drogue et avec beaucoup plus de clarté). 

Un univers fourmillant d'inventivité.
Ce roman, ultra politisé et terriblement drôle se lit comme un page turner tellement il est addictif. 

L'intrigue est simple en apparence, Maali A., photographe homosexuel s'est fait assassiné mais ne s'en souvient pas. Il se retrouve dans l'Entre-Deux, sorte de salle d'attente, où on lui assigne sept lunes pour découvrir la raison de son assassinat et entrer dans la Lumière au risque de se transformer en goules ou âme perdue. Il doit au fil du temps qui passe aider ses amis à retrouver les photographies très compromettantes qu'il a prises…Mais, on est loin d'être dans une intrigue si simple, ce roman fourmille d'histoires dans l'histoire, de mises en abîme entre la réalité, le souvenir, le passé et le présent, entre l'imaginaire et le mystique. Tout est symbolisme et réflexions profondes. Shehan Karunatilaka choisit le prisme du fantastique absurde, burlesque parfois pour nous enseigner l'histoire de son pays, l'horreur de la guerre civile, les conflits entre les Cinghalais et les Tamouls, les très nombreux attentats et sur de profondes réflexions philosophiques sur l'existence, les comportements humains et notre déterminisme. Par exemple, l'auteur, à travers le personnage de la femme en sari rose que Maali a pris en photographie en train de se faire trainer par les cheveux et bruler vive, s'interroge sur la permission de photographier les victimes de sévices, les horreurs de la guerre, la mort et donc à vendre au premier offrant des photographies qui illustrent les gens qui meurent dans des zones de guerre. 

J'ai adoré découvrir qu'il convoque de nombreuses victimes des émeutes de 1983, d'attentats qui continuent à rôder dans l'entre-deux nourries par le désir de vengeance, suicidé.es, les misérables, les morts, et nous instruise à travers un aperçu de la mythologie et du folklore sri-lankais et les ressors fantastiques qu'il mêle à la réalité. Tout est limpide grâce à une écriture brillamment maîtrisée qui alterne poésie et réalisme crue.

L'auteur dénonce. « Nous ne devons jamais oublier. Nous devons aider ceux qui ont été oubliés. Nous devons détruire les mensonges ». Et elle nous prouve que la littérature est une des plus belles preuves d'un engagement politique révolutionnaire pour rétablir la vérité et combattre l'oubli. 

**Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices ELLE - lauréat du mois de janvier dans la catégorie Roman
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Maali Almeida est photographe de guerre dans un Sri Lanka en pleine guerre civile. Au milieu de plusieurs cadavres, le sien, mais impossible pour le fantôme qu'il est devenu de se rappeler qui est son meurtrier.

Guidée par l'intrigue de la mort du protagoniste, l'auteur nous emmène au coeur d'un pays en proie à une guerre civile sanglante où personne n'est à l'abris du chaos. Cette lecture est une superbe découverte. Malgré l'exigence de la lecture, je n'ai pas décroché un seul instant. Tout en abordant des sujets très dur, l'auteur arrive à faire émerger des notes d'humour, de poésie évitant de rendre la lecture plombante.

Bref, ce roman est intelligent, moderne et d'une très grande justesse mais, étant assez compliqué à lire, je ne le conseillerais pas à tout le monde.
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Dans "Les Sept Lunes de Maali Almeida", Shehan Karunatilaka nous transporte durant la première période de la guerre civile sri-lankaise , en 1990, à Colombo à travers l'histoire de Maali, un photographe de guerre.
Maali vient de se réveiller dans l'Au-Delà sans savoir ce qui lui a conduit à s'y retrouver, mort.
Il a l'occasion, durant sept lunes, à aller dans l'Ici-Bas, pour découvrir ce qui l'a tué. Dans ce monde où il a vécu, il découvrira que nombreuses sont les âmes qui errent et certains depuis bien longtemps. Sept lunes est un délai très juste pour Maali pour découvrir ce qu'il s'est passé durant cette nuit où il a perdu la vie où il a aucun souvenir mais le photographe aimerait que ses proches diffusent les photos interdites qu'il a caché dans une boîte à chaussures et qui ont le pouvoir de faire grand bruit. Mais Maali découvrira que le monde horrible qu'il pensait connaître, l'ai bien plus en réalité et que les crimes de la guerre civile n'ont aucune limite, où tous sont responsables.
Par ce roman, Shehan Karunatilaka signe un roman puissant, un véritable tremblement de terre qui permet de découvrir la véritable face d'une guerre civile. "Les Sept Lunes de Maali Almeida" est une satire extrêmement sombre, où une page de l'histoire sri-lankaise est contée sans filtre, dans l'horreur la plus absolue. C'est le grand roman de la rentrée littéraire 2024 qu'il faut avoir lu, un roman magistral, qui a vraiment mérité le Booker Price et qui mérite bien d'autres prix.
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Ce Booker Prize est une surprise : l'auteur, le Sri lankais Shehan Karunatilaka, avait publié en Asie en 2010 Chinaman, un premier roman récompensé par le prix du Commonwealth, puis en 2020, en Inde, Chats with the Dead. C'est à la faveur de la pandémie qu'il l'a réécrit pour un public plus large et édité à Londres dans une petite maison, Sort of Books. Et soudain est venue la consécration avec le Man Booker Prize en octobre 2022.
Dans ce roman extrêmement dépaysant, situé au Sri Lanka en 1989, nous entrons dès la première page dans un purgatoire des âmes en peine, un Entre-deux après la vie Ici-Bas et avant l'anéantissement bienheureux dans la Lumière bouddhiste : dans une ambiance de hall d'aéroport bondé de morts récemment tués ou torturés, en quête de leur future destination dans l'au-delà, le héros, Maali Almeida, fantôme d'un photographe de guerre, dont toutes les actions seront narrées à la seconde personne du singulier, a une semaine (sept lunes) pour trouver qui l'a tué et pourquoi.
Mais qui a causé sa mort et toutes ces victimes ? La guerre civile, l'insurrection des Tigres Tamouls, sauvagement réprimée par le gouvernement, son armée, ses forces spéciales, ses escadrons de la mort, ou bien les Tigres, divisés en factions rivales et concurrencés par le Front de libération marxiste, ou alors les soi-disant Forces de Paix Indiennes qui raseront des villages entiers pour écraser toute révolte, sont la toile de fond de cette enquête policière post-mortem, car Maali a pris des photos, compromettantes pour leurs auteurs, de toutes les atrocités et de tous les massacres, avec des visages identifiables de responsables militaires ou politiques.
Mais Maali est un personnage complexe, joueur invétéré et habitué de la roulette et des tables de poker d'un casino louche à l'Hôtel Leo, membre de la « bulle » privilégiée de Colombo, hippie, homosexuel non déclaré, très infidèle à son partenaire, le jeune et beau Dilan Dharmendra, fils d'un politicien Tamoul, et bien sûr à sa « meilleure amie » Jaki, présentatrice de télévision, deux compagnons de sa vie avec qui il forme un triangle amoureux très uni, malgré ses rapports platoniques avec Jaki.
Les sympathisants des Tigres tamouls, comme le gouvernement et ses sbires sont sur la piste des précieux négatifs de ces photos, planqués par Maali dans une cache secrète connue de lui seul. Comment la révéler à ses amis pour faire éclater la vérité, et confondre les assassins, alors qu'il n'est plus qu'un fantôme impalpable, se déplaçant certes aussi vite que le vent, mais incapable de communiquer avec ceux qu'il aime et de chuchoter à leurs oreilles ? À moins de pactiser avec des forces obscures et d'être condamné à l'errance et au mal pour des « milliers de lunes » ?
Car la question du mal, essentielle dans une guerre civile où chaque partie rivalise en attentats, assassinats, enlèvements, tortures, exécutions sommaires, disparitions massives est centrale dans ce roman, par ailleurs riche en bons mots, caustique, drôle et satirique.
Cela amène l'auteur au détour d'une intrigue dont le rythme s'accélère pour devenir un thriller très réussi à partir de la 5ème lune (5ème chapitre), à poser incidemment et sur le ton de la dérision, des questions philosophiques : d'où vient le mal ? Des esprits malins, êtres obscurs, petits ou grands démons du panthéon hindou, comme le Mahakali, perchés sur les horreurs humaines ? des colonisateurs génocidaires et exploiteurs ? des instructeurs américains qui forment les bourreaux à la torture ? des trafiquant d'armes israéliens qui vendent indifféremment leur marchandise à tous les belligérants ? des Sri Lankais eux-mêmes ? “We have fucked it up. All by ourselves”, déclare le Mahakali : « Nous avons tout foiré. Par nous-mêmes. »
Et comment venger les victimes innocentes ? par la violence et les attentats, comme le pense Sena, fantôme d'un combattant marxiste ? par le témoignage des photos de Maali , susceptibles « d'arrêter les guerres et de faire tomber des gouvernements » ? Et Dieu peut-il exister dans ce monde de morts et de désastres ? Oui, répond Maali, car ni impuissant, ni indifférent, il est juste « incompétent » et mal organisé…
C'est sur ces boutades amères et caustiques que se clôt le roman : face au désordre du monde et à la quête de sens qui en résulte, ce qui nous reste, c'est juste « d'inventer des histoires, car nous avons peur du noir ». Car dans ce dialogue douloureux et souvent poignant des morts et des vivants, sous le poids immense des souffrances absurdes et cruelles portées par tous ces fantômes flottant invisibles dans le monde d'ici-bas, qui rendra justice aux disparus, si ce n'est l'écrivain ?

Un tour de force stylistique, une satire pleine d'autodérision, un thriller angoissant, bref un roman dérangeant et fascinant qui nous ouvre la porte de mondes et de mentalités inconnus.
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Avis Lecture

Les sept lunes de Maali Almeida
Shehan Karunatilaka
@calmann.levy

(Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices ELLE 2024)

Catégorie Fiction

Un roman atypique et tellement surprenant, que j'ai été complètement destabilisée et désorientée dès les premières lignes. J'ai mis un moment avant de pouvoir rentrer dans l'histoire et me laisser porter par l'auteur..l'originalité du roman et l'histoire du Pays ont dû se frayer une place dans ma petite tête 😉

Maali Almeida est sri-lankais et photographe de guerre et...il est bel et bien mort!
Il n'a aucun souvenir de sa mort, et apprend qu'il a sept lunes pour se souvenir de ce qui s'est passé, il va devoir mener une enquête sur sa propre mort.

Un parcours, un cheminement, dans l'Entre Deux, où chaque âme a le droit d'errer sept lunes..

Avant de mourir, Maali a pris des photos compromettantes de membres du gouvernement participant au massacre des Tamouls en 1983.
En plus de son enquête, il va devoir aider ses amis à mettre la main sur ses photos, pour enfin révéler au grand jour les atrocités de la guerre au Sri Lanka..et peut-être plus...

Une révélation qui risque de mettre en lumière des alliances compromettantes et corruptions..

Une histoire déroutante au coeur du Sri Lanka, entre traditions, mythes et légendes, ainsi que sur l'histoire du Pays, avec en toile de fond , la guerre, le racisme et la religion..

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